Imagibraine était en effervescence ce 21 septembre. Et pour cause, le complexe cinématographique de Braine-l'Alleud accueillait l'édition 2023 du Sales & Nego Summit. Voici, très brièvement, ce qu'il faut en retenir.  

À l'image de notre société globale, le retail est en pleine évolution. En préambule au congrès, Pierre-Alexandre Billiet, CEO de Gondola, a décrit l'environnement économique et social au sein duquel retailers et fournisseurs travaillent, constatant que certaines circonstances échappent à leur contrôle. Il a également souligné le risque que le retail devienne le jouet de la politique, avec toutes les conséquences que cela pourrait impliquer, comme l'interdiction des promotions ou des ajustements de la TVA sur les fruits et légumes. Entre autres... Par ailleurs, les actionnaires des (grandes) entreprises internationales exigent la création de valeur ajoutée. Il y a donc beaucoup de pressions, internes comme externes. À cela s'ajoutent les mouvements sociaux et les actions en justice autour du greenwashing (voir ce qui se passe aux Pays-Bas). Pierre-Alexandre Billiet insiste sur les dangers d'une destruction de valeur, plaidant pour que des négociations justes au sein du secteur conduisent à une plus grande efficacité et à des situations gagnant-gagnant.

Pierre-Alexandre Billiet

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Sales & Nego Summit23

Quatre défis 

Le retail dans son ensemble est confronté à plusieurs défis. Consultante analytique chez NielsenIQ, Laetitia Ceuppens a évoqué quatre dimensions clés – les augmentations de prix, les promotions, les canaux et l'assortiment – tout en invitant à garder à l'esprit un chiffre essentiel : NielsenIQ prévoit que, cette année, les produits FMCG accuseront une baisse en volume de 3,1%.  

Depuis juin 2022, les augmentations de prix se doublent d'une pression sur les volumes. Si l'on ajoute à cela un été particulièrement pluvieux, il n'est pas très surprenant que les catégories boissons non alcoolisées, bière, glaces et produits liés aux barbecues, aient subi d'importantes moins-values. Ces derniers mois, l'augmentation des prix s'est quelque peu ralentie. L'attention bien plus grande que les consommateurs portent à leurs dépenses – ce qui profite aux discounteurs et aux marques de distributeur – provoque une baisse des volumes (estimation de NielsenIQ : - 3,1%), tandis que l'augmentation des prix est estimée à + 11,5% et celle de la valeur à + 8,5%. Plus interpelant encore : 81% des catégories de produits sont affectées par ces baisses de volume alors que les marques de distributeurs battent un nouveau record avec 40,5% de parts de marché en valeur.

Les promotions sont-elles une arme efficace pour lutter contre les hausses de prix ? 35% des shoppers recherchent des promotions dans leur magasin habituel et 30% sont prêts à changer de magasin pour trouver des promotions plus nombreuses ou plus intéressantes. Laetitia Ceuppens recommande une analyse approfondie de l'efficacité des promotions car elles ne fonctionnent pas de la même manière pour toutes les catégories. Elles fonctionnent bien mieux pour les produits stockables que pour les produits de boulangerie ou les produits frais par exemple. 

Laetitia Ceuppens

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Comme déjà mentionné, les discounteurs et les marques de distributeur séduisent de plus en plus de consommateurs. Aldi, Lidl, Colruyt et Intermarché ont augmenté leurs parts de marché combinées de 47,2 à 49,9%. Et au moment où les hausses de prix ont atteint des sommets, les achats transfrontaliers ont très fortement augmenté, impactant notamment les catégories alcools, shampooings et produits ménagers. Ce n'est pas le seul défi en matière de canaux de distribution : même s'il est moins développé que chez nos voisins, le canal e-commerce continue de progresser. 

L'assortiment est évidemment essentiel. Laetitia Ceuppens a souligné que certaines catégories souffriront davantage que d'autres du comportement des shoppers. Les retailers doivent rationaliser : quels produits les shoppers sont-ils susceptibles de remplacer par des alternatives ou pour quels produits sont-ils tentés de chercher des points de vente alternatifs ? Elle constate déjà que davantage d'espace est réservé aux soupes surgelées, boissons sportives et énergétiques, gâteaux, barres de petit-déjeuner et chocolat de saison. Elle cite cinq catégories de produits 'en souffrance' (achats dans d'autres points de vente ou via l'e-commerce) : soins du visage, parapharmacie, produits d'entretien, soins du corps et protection solaire. Bien que la durabilité et le bio soient à la mode, les ventes continuent de faiblir en raison d'un prix plus élevé. Toutefois, comme le prouve Spa, l'éco-emballage peut donner de bons résultats.

Win-win

Prix, promotions, rationalisation de l'assortiment, autant de sujets qui reviennent lors des négociations entre retailers et fournisseurs. Peut-on en espérer des bénéfices en efficacité ? Oui, répondent Gerald Naelaerts de Zenith the negotiation company et Ivan Gallemaert de GB Foods. En cette période post-corona, le problème réside souvent dans le fait que l'on ne connaît pas suffisamment ses interlocuteurs. "Ne pas connaître et donc ne pas comprendre. Nous devons (ré)apprendre à nous connecter au niveau humain." dit Gerald Naelaerts. Comment faire ? "Tout simplement en sortant de votre bureau", répond Ivan Gallemaert. "Visitez les magasins, sinon vos contacts se limiteront à de coups de fil d'un bureau à un autre. Multipliez les contacts, apprenez à connaître tout le monde, suivez des formations, participez à des événements, discutez en face à face. Ainsi, vous aurez une vision holistique de votre partenaire en affaires et le lien ne se limitera pas à une conversation exclusivement commerciale avec un seul interlocuteur."

Gerald Naelaerts dissèque les entretiens de négociation de manière quasi scientifique. Quelle est la relation entre les intérêts individuels ? À quoi ressemble l'interdépendance ? Souvent, des intérêts partiellement opposés sont en jeu et il s'agit alors d'échanger : donner ceci pour recevoir cela. Qu'est-ce qui peut satisfaire l'autre ? Mais pour mener de tels entretiens, il faut connaître l'autre. "C'est une affaire de personnes", ajoute Ivan Gallemaert. "Vous ne pouvez pas vous contenter de ne rencontrer l'autre personne que dans le cadre de vos négociations. Quels sont ses souhaits, ses objectifs, ses KPI ?" Vous devez trouver un moyen de parvenir ensemble à une situation gagnant-gagnant. Gerald Naelaerts : "Tant que vous ne parlerez que de prix, vous ne parviendrez jamais à un accord gagnant-gagnant."

Gerald Naelaerts

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Très concrètement, il suggère de préparer dès le mois de mai les entretiens qui auront lieu à l’automne : analyse des activités (ce qui fonctionne ou ne fonctionne pas), échanges sur la vision de chacun (ce que nous voyons se produire sur le marché et ce que nous en faisons ensemble), détection d'objectifs communs (quantitativement et qualitativement) et enfin élaboration d'un plan de travail. "Ce n'est peut-être pas possible avec tous les retailers", convient toutefois Gerald Naelaerts. Et c'est un travail d'équipe qui doit impliquer tous les collègues. L'objectif final est d'augmenter la taille du gâteau, au bénéfice des deux parties, retailer et fournisseur. 

A decade in figures

Voilà dix ans que la Gondola Academy publie chaque année son Retail Scan Poster. Silvie Vanhout explique que la comparaison n'est pas toujours facile en raison de la méthodologie utilisée et parce que, depuis 2015, l'étude comparative s'est ouverte à quatre nouveaux acteurs, à savoir Action, Kruidvat, Trafic et Hema.

Désormais, il existe un rapport offrant une vue d'ensemble du marché, agrémenté des commentaires des retailers eux-mêmes et des spécialistes de la Gondola Academy. On y apprend ainsi qu'Intermarché est l'enseigne qui connaît la plus forte croissance des ventes au mètre carré, que tous commerces confondus le chiffre d'affaires au mètre carré a chuté de 2,4% entre 2018 et 2022, que par rapport à 2021 c'est Aldi qui enregistre la plus forte croissance de parts de marché (+ 0,69%) devant Ahold Delhaize (+ 0,50%) et Action (+ 0,41%). La suite est à lire dans le Retail Report.

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Et les franchisés ? 

La franchise est un sujet brûlant et, au vu de ce qui passe chez Delhaize, on peut s'attendre à ce qu'il le reste encore un moment. Ce Summit s'est tenu la veille de la conclusion de la vente de 58 magasins Match et Smatch au Colruyt Group. On entend régulièrement dire que les magasins franchisés se portent mieux que les magasins intégrés. S'appuyant sur une étude menée avec Graydon, Pierre-Alexandre Billet constate que si elle ne constitue pas la formule idéale, elle est peut-être la moins mauvaise. 

Les chiffres montrent que le nombre de magasins franchisés n'augmente pas autant que les retailers le souhaiteraient : 23 magasins franchisés ont disparu. Les magasins franchisés sont davantage en difficulté que les magasins intégrés, mieux protégés des chocs. En d'autres termes, il convient d'avoir un point de vue nuancé sur la franchise, notamment parce qu'elle requiert plus d'investissements sans que les bénéfices augmentent nécessairement en conséquence. Il est clair que le franchisé-type n'existe pas car toutes les enseignes sont différentes. Ce qui amène Pierre-Alexandre Billiet à se demander combien de fournisseurs connaissent réellement les franchisés les plus importants au sein de leur clientèle et quel rôle cela peut éventuellement jouer dans les négociations.

Les foodretailers 

Dans l'après-midi, les directeurs des achats des 3 plus grands enseignes ont pris la parole. Impossible ici de reprendre leurs propos mais, à les entendre, il ne fait aucun doute que cette année, probablement plus que par le passé, les prix feront l'objet de négociations serrées.

Raphaël Gentile (Delhaize)

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Il est vrai que les prix baissent, notamment ceux de certaines matières premières, mais la baisse est loin d'être générale. Le sucre, par exemple, n'a jamais été aussi cher que ces derniers mois. Mais le fait que certains grands fabricants revoient à la hausse leurs prévisions de bénéfices pour 2023 signifie probablement qu'en dépit de la situation ils ont réussi à vendre au meilleur prix leurs produits aux retailers. Pour la plupart des retailers les négociations commencent en octobre et nous sommes très curieux de voir ce qu'elles donneront ! 

Wim De Mont