Le marché alimentaire Wolf, qui regroupera non seulement un marché bio mais aussi 16 restaurants, une micro-brasserie et une chocolaterie ouvrira ses portes en novembre 2019 en plein coeur de Bruxelles. L’emblématique bâtiment qui abritait autrefois la CGER pourra accueillir près de 800 consommateurs bruxellois ou de passage. Nous nous sommes entretenus avec Thierry Goor, à l’initiative de ce projet, afin d’en savoir plus. 

L’annonce avait été faites en novembre 2018, et confirmée récemment dans une interview de Paul Haelterman, l’un des principaux acteurs du projet, dans l’édition du mois de mai de Gondola Magazine. Un marché alimentaire ouvrira en effet ses portes au coeur de Bruxelles en novembre de cette année. Celui-ci se situera dans les anciens locaux de la CGER dans la rue Fossé aux Loups, qui a par ailleurs donné son nom au projet, puisqu’il s’agit de Wolf.

Le logo du futur food-market bruxellois

Les food-markets ont, depuis longtemps déjà le vent en poupe partout dans le monde. Les plus grandes villes européennes en sont dotées, et pourtant, le concept peine à s’imposer chez nous. Pensez par exemple à Holy Food Market à Gand, qui après quelques difficultés fermait ses portes après 2 ans et demi d’existence, et les rouvrira en septembre sous l’enseigne Den Baudelo, en s’adressant aux Gantois plutôt qu’aux touristes. Pour renverser la tendance belge, Wolf a plus d’un atout.

« Au total, 400.000m2 de food-market auront été construits en 2019. C’est dire qu’il s’agit là bel et bien d’un phénomène » nous confirme Thierry Goor, à l’initiative du projet. « Des projets sortent de terre un peu partout dans le monde et chez nous, avec plus ou moins de réussite, je pense notamment à Gand. Notre projet tient tout d’abord au bâtiment qui est emblématique. S’il y a bien un bâtiment prédestiné à ce genre de chose, c’est celui-là. Il est qui plus est situé à un endroit stratégique: près de la gare centrale, de la Grand Place et de la Rue Neuve. »

Des entrepreneurs chevronnés

Derrière ce projet, on retrouve outre Thierry Goor, le groupe de restauration Choux de Bruxelles (Chalet Robinson, Enjoy Brussels, etc.) et le groupe de distribution de boissons HLS des frères Haelterman. « Je leur ai proposé ce concept il y a près de deux ans. Depuis, nous avons étudié le projet dans les moindres détails. Nous avons visité tous les food-market possibles et imaginable en Europe et en dehors. Le résultat est, comme dirait l’autre, un joyeux bordel à la bruxelloise, mais un bordel tout à fait organisé ».

Un mix "à la belge"

De fait, dans cette antre alimentaire, on retrouvera pas moins de 16 restaurants, une chocolaterie, un bar, une micro-brasserie et un marché bio, sans oublier une foule d’événements. De quoi se différencier de la très récente concurrence bruxelloise. Pensons notamment à Be-Here ou encore au food-court récemment inauguré dans le City 2 tout proche. « Il y a selon moi plusieurs types de food-market » nous explique Thierry Goor. « Il y a d’abord les food-court que l’on retrouve principalement dans les centres commerciaux avec des enseignes mainstream. Il y a ensuite les food-market à la TimeOut (Lisbonne, Miami, New York, Boston, et prochainement Chicago, Montreal, Dubai, Londres et Praha, Ndlr.), où des artisans essentiellement haut de gamme proposent de l’alimentation en mode street food. Et puis, il y a des food-market à la Bocaria de Barcelone qui se définissent avant tout comme un marché où se greffent aujourd’hui des restaurateurs. Notre concept est un peu différent dans la mesure il s’agit d’un mix - à la belge - de pas mal de choses. Nous avons non seulement 16 corners de street food, mais aussi un marché bio en vrac, une chocolaterie bio et fairtrade et une micro-brasserie. Nous avons donc plusieurs pôles d’activités basés sur la qualité des artisans et l’expérience globale des visiteurs. »

16 corners de restauration, 755 places assises, un service de livraison propre

Concrètement, ce marché alimentaire s’étalera sur une surface de 2.600m2 et accueillera en son centre 755 places assises. Seize restaurants y seront représentés et offriront un large choix pour les consommateurs. On y trouvera notamment les viandes de Dierendonck, les burgers des Super Filles du Tram, les rouleaux de printemps de Knees to Chin, les pizzas de La Piola, les spécialités syriennes de My Tannour ou encore les plats vegan des Filles. Afin de ne pas dénaturer le bâtiment, ceux-ci seront installés dans les guichets de l’ancienne banque.

Les prix, eux, resteront démocratiques, malgré la présence de concepts de deux étoilés: de 3,5 à 16 euros, nous dit Thierry Goor.

Et si le lieu participe déjà à l’expérience globale du visiteur, Wolf a également développé sa propre application de commande qui permettra non seulement aux visiteurs de commander sur place, mais aussi aux entreprises ou habitants de commander un plat à distance. Ils pourront alors aller le chercher sur place pour une heure précise, ou le faire livrer par vélo à domicile ou au bureau. « Le système de livraison à domicile sera mis en place par nos soins pour deux raisons principales. La première concerne l’éthique du projet. Nous voulons payer des bikers pour le travail qu’ils fournissent et non pas à l’envi. Nous pensons en outre être les seuls aujourd’hui à pouvoir proposer une telle offre en matière B2B. Les travailleurs n’ont en effet plus à se battre pour savoir s’ils vont manger italien, vietnamien, japonais ou syrien à la réunion du midi. Il pourront trouver de tout chez nous ». Wolf peut d’ailleurs compter sur un très grand nombre de bureaux à deux pas du bâtiment. Le seul immeuble Fortis situé juste derrière emploie quelque 7.000 personnes…

Instagram et ses influenceurs

Pas d’inquiétude donc pour le rush du midi assuré par le voisinage direct de Wolf. « Outre les bureaux, les étages comprennent de nombreux kots étudiants » commente notre interlocuteur. Le soir par contre, il faudra faire venir Bruxellois et touristes… Mais les instigateurs du projet ont un plan bien huilé pour ce faire… « Tout d’abord, nous allons proposer des animations et des concerts. Ensuite, nous allons mettre en place un plan de communication avec Visit Brussels. Enfin, la quasi totalité de notre budget de communication partira dans le digital. De ce budget digital, la majeur partie ira à Instagram. On est en train non pas d’acheter des influenceurs, parce qu’on n’achète personne, mais d’expliquer à de grands influenceurs un concept qui sera lancé au Wolf et promet d’être novateur. »

Pas de loyer à payer

Pour en revenir aux 16 restaurants, notons une particularité du projet qui pourrait en étonner plus d’un: les restaurateurs présents dans ce food-market ne paient pas de loyer. « Nous mettons en effet l’espace à disposition, c’est-à-dire qu’il est équipé par nos soins de frigos, de tables réfrigérées, de plonge, etc. Les restaurateurs, eux, n’ont plus qu’à amener la façon dont ils vont cuire leurs plats. Cela a plusieurs intérêts. L’investissement étant très limité, voire quasi nul, nous avons ainsi une sélection accrue du type de restaurants proposés. D’un autre côté, nous avons intérêt à ce que tous le monde performe. Nous nous réservons en outre toutes les boissons. Les kiosques ne commercialisent donc pas de boissons. Cela leur permet de gagner du temps sur la préparation des plats ». Autre gain de temps, et de sécurité - tant pour le restaurateur que pour Wolf -, les paiements en liquide ne sont pas autorisés. Ici on paie donc avec Maestro, carte de crédit, chèques-repas électroniques ou encore Apple Pay.

Mais sans loyer à payer ne craignent-ils pas une certaine déresponsabilisation des restaurateurs? « Nous n’avons peur de rien », nous répond du tac au tac l’entrepreneur. « Les restaurateurs sont engagés à respecter un réglement d’ordre intérieur très strict, et tout le monde a intérêt à ce que cela marche. Les restaurateurs sont conscient que le projet est à la hauteur des ambitions de chacun et tout le monde essaie de faire des choses spécifiques en ce sens. Notre panel va de deux étoilés à des petites enseignes artisanales. Nous avons, je pense, les meilleurs artisans dans chaque domaine. Mais si quelque chose devait mal tourner avec l’un d’eux, nous avons la possibilité de le remplacer très rapidement. Ce n’est bien entendu pas le but du jeu, mais nous avons une liste d’attente de 30 à 40 restaurateurs. Cela n’est donc pas une source d’inquiétude pour nous ».

Un marché bio qui décompose les prix

Le marché bio sera quant à lui exploité par The Food Hub, qui dispose actuellement de deux points de vente, l’un à Louvain, l’autre le long du canal à Molenbeek. Celui-ci s’étalera sur une surface de 450m2 et sera ouvert 6 jours sur 7, parfois jusque 21h. L’avantage? Les clients pourront y faire leur courses et se restaurer dans un même lieu. L’enseigne travaille avec des producteurs locaux, bio et en agriculture raisonnée. De façon générale, The Food Hub répond à un concept vrac similaire à celui de The Barn ou des Tanneurs, avec lesquels il partage aussi un prix raisonné.

Le concept a par ailleurs ça de particulier qu’il décompose le prix sur les étiquettes de prix. Plutôt bien joué à un moment où le consommateur demande toujours plus de transparence! On y retrouve ainsi le prix qui va au producteur, la marge de l’enseigne, le coût de la TVA et celui du transport. A cela s’ajoute une mise en valeur des producteurs via photos et explications.

Micro-brasserie directement reliée au bar

Une brasserie sera également aménagée dans le fond de la halle alimentaire. Les bières créées sur place seront servies dans le bar central, directement relié aux cuves en cuivre. Les frères Haelterman étant dans le coup, il était pour nous légitime de demander qui opérera cette micro-brasserie. Mais selon Thierry Goor, aucun groupe, si ce n’est Wolf n’est aux manettes ici. Le maître-brasseur sera Vincent Dujardin, brasseur de la Manufacture Urbain à Charleroi. Thierry Goor nous promet un concept novateur qui sera annoncé en son temps… Mais une petite indiscrétion sur le site temporaire du food-market nous donne un indice: il s’agirait de permettre aux visiteurs de s’initier au brassage et de créer ainsi leurs propres bières… Et qui sait celles-ci pourraient peut-être même rejoindre la carte. Le temps nous dira s’il s’agit bien de cela.

Les imposantes portes du bâtiment

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Fred Romero, flickr

Que restera-t-il de ce bâtiment historique?

« Nous conservons évidemment un maximum d’éléments de ce lieu historique » nous assure Thierry Goor. C’est le cas des guichets transformés en kiosques, mais aussi de la verrière du Val Saint Lambert miraculeusement intacte. « Nous conservons aussi certains éléments de la façade, car ils sont tout simplement magiques. Je pense notamment au fronton ou à la porte d’entrée. Notre volonté est de partir du bâtiment et de le mettre en valeur. Tout ce qui a été démonté est réutilisé dans un esprit upcycling. Lionel Jadot va par exemple faire des lampes à partir des anciens bureaux de la CGER. Les enseignes des guichets deviennent elles aussi des lampes, et ce qui a été démonté des guichets est utilisé pour réaliser les tablettes du bar. »