Le SETCa a déposé une plainte pénale contre Delhaize auprès de l’Auditorat du travail de Bruxelles pour non-respect de la loi Renault et de l’obligation de consultation et d'information, a fait savoir le syndicat socialiste jeudi. « Nous restons ouverts au dialogue », assure l’enseigne ce vendredi.

La plainte du SETCa vise la personne morale-l'employeur, c’est-à-dire Delhaize, ainsi que trois membres de la direction non-nommés dans le communiqué publié par le syndicat socialiste. « La direction de Delhaize déclare invariablement dans la presse qu'elle est prête à engager le dialogue et souhaite être transparente, mais ses actions sont en contradiction flagrante avec ces propos et la concertation sociale n'est pas respectée », estime l’organisation syndicale. Le SETCa ajoute que le plan de Delhaize visant à franchiser l’ensemble de ses 128 supermarchés intégrés a été présenté dès le premier conseil d’entreprise extraordinaire du 7 mars comme un fait accompli. « Il n'y a pas eu de discussion et les trois conseils d’entreprise extraordinaires n'ont pas non plus produit de résultat », déplore le syndicat. « En outre, les représentants des travailleurs n'obtiennent pas les informations nécessaires pour mener une bonne concertation. » Enfin, le SETCa dénonce les « intimidations quotidiennes » subies par les grévistes, ainsi que l’envoi d’huissiers aux piquets de grève. Le second conseil d’entreprise extraordinaire, pour lequel la direction de Delhaize avait fait appel à des agents de sécurité, reste également en travers de la gorge de l’organisation syndicale.

Suite au dépôt de cette plainte, Delhaize a une fois de plus affirmé ce vendredi rester ouvert au dialogue et être prêt à répondre aux questions des syndicats. « Nous avons fait nos calculs et nous avons communiqués les chiffres aux syndicats : les magasins sont en perte et la seule manière de renouer avec la croissance et de préserver l’emploi à long terme, c’est d’affilier nos supermarchés », nous a déclaré le porte-parole Roel Dekelver. « Les syndicats peuvent tout à fait nous transmettre leurs questions et suggestions pour qu’il en soit autrement, mais ils ne le font pas. » Ce dernier a également tenu à donner sa version de ce que le SETCa qualifie « d‘intimidations ». « Comme nous l’avons déjà dit, nous comprenons l’émotion que le plan suscite dans les rangs du personnel. Mais après un mois de blocage, nous estimons que l’impact sur le fonctionnement de Delhaize devient trop grand. C’est pourquoi nous augmentons progressivement la pression pour inciter aux réouvertures. Lorsqu’une majorité de travailleurs souhaite reprendre le travail et qu’une minorité l’en empêche, ce n’est pas correct. Parfois nous envoyons des managers ou des huissiers, et cela suffit à débloquer la situation. Mais dans certains, il a bien fallu recourir à des amendes. La meilleure preuve du fait que les gens veulent reprendre le travail, c’est que les magasins rouvrent progressivement, et surtout qu’ils restent ouverts. »

Loi Renault

Le SETCa estime par ailleurs que les 280 licenciements annoncés par Delhaize au niveau de son siège devraient tomber sous le coup de la loi Renault, ce que réfute la direction. « Lorsqu'une entreprise prend une décision économique ou commerciale qui conduit à un licenciement collectif, la loi Renault s'applique et il y a une procédure à suivre », avance le syndicat. Mais selon la direction de l’enseigne, les licenciements programmés se feront progressivement et s’étaleront sur plusieurs mois, voire plusieurs années, ce qui signifie qu’il n’est pas nécessaire d'entamer la procédure Renault, juge-t-elle. Quant aux travailleurs des magasins, ils ne seront pas licenciés mais bien transférés au futur repreneur franchisé, tout en conservant l’ensemble de leurs conditions de travail actuelles, rappelle Roel Dekelver. « Nous sommes confiants dans le fait que l’Auditorat du travail aura la même vision de la situation. »

Pierre-Yves Dermagne : « Delhaize ne doit pas jouer avec le droit social belge »

Sollicité la semaine dernière afin de nommer un conciliateur social pour tenter d’instaurer un dialogue entre syndicats et direction, et présent hier soir sur le plateau de ‘Jeudi en prime’, le ministre du Travail, Pierre-Yves Dermagne, a de son côté souligné que Delhaize ne devait pas « jouer avec le droit social belge » et que « cela pourrait avoir des conséquences », évoquant au passage des propositions déposées au Parlement en vue de durcir la loi Renault. Au cours de l’émission de la RTBF, le vice-Premier ministre socialiste a également estimé que l'attitude de l’enseigne était une « rupture du modèle de concertation sociale en Belgique ». « J'appelle la direction de Delhaize à respecter la tradition de la concertation sociale (…) et à envisager d'autres options que la franchisation complète des 128 magasins », a-t-il conclu.