Partout dans le monde, les discounters grappillent des parts de marché au retail traditionnel. En une décennie, ils ont ainsi augmenté de 10 à 20% leurs PDM grâce à la modernisation de leurs points de vente et à une attention particulière sur le frais et la qualité des produits. En Belgique, ils sont passés d’une part de marché de 13% en 2000 à 23% en 2015. Ces données sont issues d’une étude réalisée par le Boston Consulting Group (BCG) dans 14 pays (Australie, Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Portugal, Suisse, Belgique, Pays-Bas, Irlande, Autriche, Danemark, Pologne, Allemagne et Turquie).

Aujourd’hui, les discounters ouvrent de plus grands points de vente, offrent des fonctionnalités innovantes, élargissent leurs gammes de produits frais et organiques et commercialisent des MDD qui devancent de plus en plus souvent les marques A en dégustation à l’aveugle, le tout à des prix planchers. « Non par coïncidence, sur de nombreux marchés, les discounters performent également mieux que les entreprises établies en termes de customer advocacy (une forme de service à la clientèle où le retailer se concentre sur ce qui est le plus profitable au client) » ajoute le BCG, sur base de son Brand Advocacy Index. 

Changement de perception

Toutes ces avancées ont permis aux discounters d’élargir leur clientèle. S’adressant traditionnellement aux personnes aux revenus plus faibles, ces concepts séduisent aujourd’hui tout type de personnes, en ce compris les plus hauts revenus qui se posent désormais une question fondamentale: Pourquoi devrais-je payer plus?

Défis à relever

La croissance spectaculaire des discounters a et aura des conséquences profondes sur l’industrie, entraînant des défis pour le retail traditionnel. « Les acteurs traditionnels devront se transformer fondamentalement pour améliorer leurs prix, leurs assortiments et l’expérience d’achat qu’ils proposent. Certains pourraient aussi opter pour une marque propre discount. Quant aux discounters, il devront éviter les risques d’une sur-expansion en se montrant judicieux à l’égard des marchés où ils souhaitent s’implanter et en s’assurant qu’ils y procurent un avantage structurel par rapport aux acteurs actuels de ces marchés » indique BCG.

L’ascension des discounters

Les discounter ont débuté leur ascension dans les années 90, en particulier en Allemagne avec Aldi et Lidl. A l’époque, la formule reposait sur des prix bas et un assortiment de Private Labels. Les points de vente étaient alors étroits et un sentiment de Low-cost s’en dégageait. Les consommateurs ont été séduits par ce sentiment de faire la bonne affaire. A l’époque, les retailers traditionnels pouvaient toutefois se permettre d’ignorer ceux-ci, conservant toujours 80 à 90% de parts de marché.

Mais les temps ont changé. Entre 2000 et 2015, les discounters ont progressé à une vitesse soutenue. « Cette croissance ne montre aucun signe d’épuisement, même si les revenus des ménages ont augmenté » indique BCG. Si sur certains marchés, la croissance des parts de marché des discounters restent en-deçà des 10% comme en Australie (+6% en 2015 par rapport à 2000, 6%), aux Etats-Unis (+3%, à 7%) ou en France (+4%, à 9%), elle quadruple toutefois en Turquie (passant de 15% à 60%) et double en Pologne ( de 20% à 41%) et au Danemark (19 à 40%).  En Irlande, les PDM des discounters sont même passées de 1% à 26%. Quant à la Belgique, le discount gagne 10%, passant de 13% de PDM en 2000 à 23% en 2015.

Expansion soutenue

Dans le monde, les discounters projetent d’augmenter le nombre d’emplacements de magasin de 4,4% par an d’ici 2020, contre seulement 2,9% pour les retailers traditionnels et 1,6% pour les grands supermarchés et hypermarchés. Certaines régions verront même une expansion plus rapide encore: plus de 30% en Europe de l’Est et 8% en Amérique Latine.

Les Millennials, fan du discount 2.0

L'aspect démographique joue un rôle important dans la croissance des discounters. Les Millennials préfèrent, selon BCG, les discounters aux retailers traditionnels, et ce, dans la plupart des marchés étudiés. « Dans les grands marchés développés (USA, Europe, Australie, Canada et Japon), cette population représente 275 millions de personnes, soit plus que tout autre segment démographique, et leur pouvoir d’achat rivalise avec celui de tous les autres segments combinés. Les Millennials ont tendance à être très pragmatiques, optant pour l’achat de ce dont ils ont besoin dans un magasin pratique, sans tracas et sans le fardeaux d’avoir à choisir parmi un assortiment trop élevé. Ils se méfient également intrinsèquement de certaines marques et sont prêts à se diriger vers des options non-conventionnelles, en particulier s’il y a en magasin une bonne expérience d’achat » explique BCG.

Clés du succès

Mais le facteur le plus important du succès des discounters réside dans l’évolution et la redéfinition du concept et de l’approche: des produits de meilleure qualité, un assortiment plus large et une expérience d’achat améliorée. La seule chose qui n’a pas changé, est l’avantage des prix qu’ils proposent. « Les prix des discounters sont généralement inférieurs de 15% aux prix des private labels des retailers traditionnels et jusqu’à 200% inférieurs aux prix des marques A. Les discounters ayant agrandi la taille de leurs points de vente et ajouté de nouvelles offres (produits ou services), ils se sont concentrés sur des offres à plus haute marge. En conséquence, ils ont réussi à réduire leurs coûts opérationnels tout en augmentant la productivité des magasins et donc leurs marges ».

Axes de défenses pour les retailers traditionnels

BCG voit dans l’amélioration de l’expérience client une clé de défense pour les retailers traditionnels. « Contrairement aux discounters, la plupart des retailers ont largement investi dans le développement de programmes de fidélisation et font des des promotions fréquentes sur leur vaste gamme. Mis en perspective, de tels facteurs pourraient devenir un inconvénient: ils rendent l’expérience d’achat complexe et ajoutent des coûts opérationnels » indique BCG qui invite a transformer ces facteurs en un avantage en utilisant la technologie pour rentrer en contact direct avec le consommateur et lui offrir des offres personnalisées.  BCG donne des exemples: un retailer en Corée du Sud a développé une app de navigation en magasin, Carrefour teste une app guidant les consommateurs vers leurs articles promotionnels préférés. Le Boston Consulting Group appelle aussi à des formations pour un meilleur service plutôt qu’au licenciement donnant pour exemple Wegmans Food Markets qui développe un « esprit familial » entre son équipe et ses consommateurs.

Des données divergeantes, un constat identique

Chaque année, The Retail Academy réunit les parts de marchés des acteurs du retail actifs en Belgique en un poster. « En comparant les chiffres de BCG et les données du Retail Poster de 2016 de The Retail Academy, nous observons une différence » nous indique Silvie Vanhout, Managing Partner The Retail Academy. « En cumulant les parts de marché de Lidl et d’Aldi en 2015, on arrive à un taux de 17,1%. Avec les chiffres en notre possession, nous ne pouvons fournir qu’une estimation. Sous le terme de Discounter, nous regroupons également Colruyt, Intermarché, Red Market en son temps et Leader Price. Ensemble, ils comptabilisent une part de marché d’un peu moins de 40% en 2015 » poursuit notre interlocutrice. « Mais il est certain qu’il y a une tendance à la hausse profitant aux discounters. Le chiffre d’affaires 2016 des différents retailers belges sera annoncé 27 juin lors d’un événement entourant les données du poster. Nous annonceront alors l’ampleur des discounters dans notre pays ».