Le géant belgo-néerlandais Ahold Delhaize a signé de solides résultats au cours du premier trimestre de l’année. Si les grèves en Belgique ont eu un certain impact sur les performances du groupe en Europe, celui-ci a été gommé par les bons chiffres en provenance des États-Unis.   

Le chiffre d'affaires net d’Ahold Delhaize au premier trimestre 2023 s’est élevé à 21,6 milliards d'euros, ce qui correspond à une hausse de 6,3% à taux de change constants et de 9,4% à taux de change réels. Le groupe précise que ces ventes nettes ont principalement été tirées par une croissance des ventes comparables hors carburant qui a atteint 6,2%, et, dans une moindre mesure, par des effets de change. Au cours de la période, Ahold Delhaize a également signé de solides performances en ligne, avec des ventes nettes en hausse de 5,9% (à taux de change constants), tandis que les ventes en ligne de produits alimentaires ont grimpé de 9,7%. Le retailer est ainsi parvenu à augmenter son bénéfice d'exploitation ajusté de 4,2%, pour atteindre 864 millions d'euros, alors que sa marge d'exploitation sous-jacente a été de 4%. Notons par ailleurs qu’Ahold Delhaize a procédé lors du premier trimestre au rachat de 7,2 millions d'actions pour un montant de 205 millions d'euros. Par conséquent, Ahold Delhaize a confirmé ce mercredi ses perspectives pour l'ensemble de l'exercice 2023, et notamment une marge d'exploitation sous-jacente supérieure ou égale à 4%.

La locomotive américaine

Dans le détail, le chiffre d'affaires net du groupe aux États-Unis s'est élevé à 13,5 milliards d’euros, soit une augmentation de 5,7% à taux de change constants et de 10,5% à taux de change réels. Quant aux ventes comparables, hors carburant, elles ont augmenté de 6,2%. « Si l'on exclut les variations climatiques et calendaires, les ventes comparables aux États-Unis auraient été de 8,1 %, ce qui continue à mettre en évidence la dynamique de toutes nos enseignes américaines », précise Ahold Delhaize, qui ajoute que sa chaîne Food Lion reste en tête des performances avec un 42e trimestre consécutif de croissance positive des ventes. Enfin, la marge d'exploitation sous-jacente outre-Atlantique a été de 4,8%, en hausse de 0,4 point de pourcentage (à taux de change constants). Des chiffres qui laisseraient presque rêveur de ce côté-ci de l’océan où le chiffre d'affaires net a été de 8,1 milliards d'euros, en hausse de 7,2% à taux de change constants et de 7,5% à taux de change réels. Les ventes comparables ont par ailleurs augmenté de 6,1%, tandis que la marge d'exploitation sous-jacente a été de 2,8%, en baisse de 0,7 point de pourcentage.

L’impact limité des grèves en Belgique

Le groupe belgo-néerlandais attribue ce recul à l'escalade des coûts énergétiques, mais également aux grèves qui ont émaillé le début du printemps de Delhaize Belgique. Pour rappel, la direction de l’enseigne au lion avait dévoilé début mars son intention de franchiser l’ensemble de ses 128 magasins intégrés en Belgique. Une annonce qui avait provoqué la colère des syndicats et d’une bonne partie du personnel de l’enseigne, et déclenché un mouvement de grève de grande ampleur, même si celui-ci s’est progressivement essoufflé au fil du mois d’avril. Dans son rapport trimestriel, Ahold Delhaize mentionne le chiffre de 15 millions d'euros de 'frais de restructuration' et ajoute que « en excluant ces impacts, la marge d'exploitation sous-jacente en Europe a légèrement dépassé celle de l'année précédente (et) les ventes comparables ont augmenté de 7,7% ». Cela revient donc à chiffrer l’impact des grèves à 1,6 point de pourcentage sur l’augmentation des ventes comparable réalisées sur le Vieux Continent. D'autres sources avancent toutefois un impact financier bien plus élevé, surtout si l'on considère que les grèves se sont par endroit poursuivies jusqu'en mai et que le taux d’absentéisme du personnel de l’enseigne au lion est encore « plus élevé » qu’en temps normal.

Mais quoi qu'il en soit, ce choix stratégique de franchiser les supermarchés intégrés de Delhaize en Belgique a, sans surprise, été soutenu par la maison-mère ce mercredi. « En Europe, bien que les taux d'inflation restent à deux chiffres, nos marques prennent les bonnes mesures pour continuer à placer la barre plus haut en termes de compétitivité afin d'obtenir des gains de parts de marché relatives à long terme », a commenté le CEO du groupe, Frans Muller. « Bien que certaines de ces mesures, comme celles initiées par Delhaize Belgique, demandent beaucoup de courage et sont perturbatrices à court terme, je suis convaincu que ces mesures assureront également le succès à long terme de nos enseignes, pour le bénéfice de toutes nos parties prenantes. » Au cours d'une conférence téléphonique avec les investisseurs organisée dans la foulée de l'annonce des résultats trimestriels du groupe, Frans Muller a confirmé que la passage sous franchise était « la seule option pour une croissance renouvelée à long terme ». Le dirigeant a également estimé que le marché belge était en difficulté « depuis des années », notamment à cause de la forte concurrence qui y règne, et que notre pays ne se montrait « pas très flexible ». Selon la directrice financière d'Ahold Delhaize, Natalie Knight (qui sera remplacée cet été par Jolanda Poots-Bijl), le plus fort de l’impact des grèves est désormais passé, tandis que leur impact financier s’atténuera progressivement au cours de l’année.

« Notre bénéfice est élevé en chiffres absolus, mais la marge bénéficiaire est mince »

Plus globalement, Frans Muller a déclaré mercredi comprendre les critiques de la société envers les supermarchés. « Nous sommes une grande entreprise, avec un chiffre d'affaires de 87 milliards d'euros. Les gens ont des difficultés et le sentiment est que les supermarchés rendent les produits alimentaires plus chers », a-t-il avancé, dans des propos rapportés par De Tijd. « Mais cette image n'est pas correcte. J'espère que les gens verront les faits. Notre bénéfice est élevé en chiffres absolus, mais la marge bénéficiaire est mince. Les prix dans les rayons sont la conséquence de l'industrie. Certaines entreprises alimentaires ont des marges de 10 à 20%. » Et en effet, la marge d’Ahold Delhaize au premier trimestre n’a même pas atteint les 3%... « Nous devons nos résultats à la force du dollar et aux bonnes performances de nos magasins américains, qui représentent 75% du bénéfice du groupe », a souligné Frans Muller. « En Europe, la marge d'exploitation sous-jacente était de 2,8%. C'est une marge très faible et cela fait mal. C'est un niveau inquiétant. Si nous voulons rester une entreprise saine, nous devons améliorer nos performances en Europe. C'est une bonne chose que nous ayons l'Amérique, mais nous ne devrions pas en être trop dépendants à long terme. »