Cent nouveaux supermarchés (Delhaize, AD ou Proxy), 200 nouveaux Shop&Go ou Fresh Atelier, entre 30 et 50 nouveaux points de vente Albert Heijn en Flandre au cours des 3 ou 4 ans à venir: le groupe Ahold Delhaize vient de frapper fort, et de donner à la vive concurrence qui traverse le marché une toute autre dimension. Jusqu'ici, elle s'était surtout concrétisée sur le plan commercial, autour du prix, de l'image-prix et de l'agressivité promotionnelle. Mais après s'être jusqu'ici, depuis la fusion, surtout concentré sur les opportunités d'économie, le Groupe prouve à présent sa volonté d'investir, et massivement,  dans le développement, et de mener la vie dure à la concurrence en mettant en place un tel plan de croissance organique.

La confirmation du maintien de l'enseigne Albert Heijn en Belgique ne forme pas une surprise: pourquoi se priver sur ce marché d'une formule qui marche, et qui est la seule à être parvenue depuis longtemps à gêner - localement - l'autoritaire leader du marché qu'est Colruyt. Des prix affutés malgré une expérience de shopping gratifiante: le consommateur flamand y trouve son compte, sans même parler de l'attraction qu'exerce l'image de l'enseigne batave. Ahold Delhaize entend manifestement utiliser sur le marché une forme de stratégie de prise en tenaille de la concurrence: à Albert Heijn de recruter et séduire les shoppers surtout préoccupés par le prix. A Delhaize de convaincre sur ses fondamentaux, son discours sur la qualité et la santé alimentaire, et l'expansion de la proximité, avec Shop&Go et le nouveau concept urbain contemporain que représente Fresh Atelier.

Les ambitions affichées par Albert Heijn donnent aussi soudain à l'arrivée de Jumbo en Flandre une importance plus relative: Colruyt avait promis une réponse musclée au nouvel arrivant, mais c'est à présent son rival hollandais qui risque bien de lui couper l'herbe sous le pied, avec un parc de magasins bien plus dense, et une notoriété plus forte.

Cette annonce du groupe Ahold-Delhaize forme évidemment un électrochoc. Jusqu'ici, la croissance organique dans l'open market restait relativement prudente, et seul Lidl avait pris l'ascendant en accélérant non seulement ses rénovations mais aussi ses ouvertures. Aldi a lancé l'an dernier un plan d'investissement majeur qui n'étend pas un réseau déjà massif, couvrant largement le territoire, mais qui offre à son concept une tout autre modernité. Désormais, Ahold Delhaize apporte sa réponse du berger à la bergère - hard et soft - discount. La question qui se pose est évidemment celle de la densité de l'offre commerciale: ne risque-t-on pas de saturer le marché?  Une question qui se pose tout particulièrement pour les formats (comme AD, Proxy, Shop&Go et Fresh Atelier) destinés à être exploités par des indépendants.

Sauf que la question ne se pose pas réellement dans ces termes. Si la saturation apparaît, elle ne devrait pas nécessairement frapper les nouveaux points de vente. Mais plutôt faire des dégâts chez ceux qui n'auraient pas eux-mêmes choisi d'investir. L'année 2019 commence en tout cas par un vrai coup de canon, qui résonne comme le début d'une course à l'armement.