Du travail de bureau à une caisse de supermarché : l'auteur Adam Kaat a travaillé dans un magasin pendant un an et demi durant la pandémie. De cette expérience est né son livre ‘Life on the Grocery Line: A Frontline Experience in a Global Pandemic’. « J’ai envers les personnes qui travaillent en supermarché un respect tout autre », a-t-il déclaré.

Adam Kaat a quitté son travail de bureau en août 2019 pour s’établir, quelques mois plus tard, comme caissier dans un supermarché. « J'en avais assez de mon travail. J'étais account manager, j'avais souvent affaire à des clients. C’est un poste qui me plaisait, mais il y avait certaines choses que j’aimais moins. » Dans son livre, Adam Kaat décrit comment son patron lui a demandé de tenir une ‘time sheet’ mettant à jour, heure par heure, ses activités quotidiennes. Un cauchemar. « J'ai décidé de travailler dans un supermarché Whole Foods à Denver pour continuer à payer mes factures et pouvoir travailler sur mon livre. J'ai commencé en janvier 2020 en tant que caissier. C'était une période intense : quelques semaines après mon arrivée, la pandémie a éclaté. J'étais soudainement en première ligne de quelque chose qui a changé le monde. Cela a aussi évidemment changé le sujet du livre que je voulais initialement écrire. »

Pourquoi avoir choisi un supermarché ?

Je suis sociable, j'aime échanger avec les gens. Tout le monde ne prend pas le temps de discuter à la caisse du supermarché, mais certaines personnes le font. Il y avait par exemple un chirurgien du cerveau, père de six enfants, qui me demandait toujours comment j'allais. Une personne très sympathique. De nombreux clients ne sont pas comme ça, bien sûr : certains sont davantage préoccupés par leur smartphone et ne vous remarquent que lorsque vous leur êtes utile. Le Whole Foods dans lequel j’ai travaillé était situé dans un quartier aisé de Denver. Les clients étaient souvent très gâtés et exigeants. J’ai parfois ressenti de la condescendance par rapport à mon travail. Parallèlement, c'était difficile sur le plan émotionnel : vous avez des clients qui vous ouvrent leur cœur ou qui se défoulent sur vous. Ce n'est pas toujours facile d'y faire face. Lors de mon deuxième jour de travail, une femme a éclaté en sanglots à ma caisse parce qu'elle venait d'apprendre que son frère était mort d'un cancer. J'étais encore en train de me familiariser avec le travail, mon superviseur était en train de m’assister, et j’essayais en même temps d'être là pour la cliente.

Était-ce un travail difficile ?

Oui, je l'ai sous-estimé. J'avais un contrat à mi-temps, mais en réalité je travaillais 40 heures par semaine à cause de la pandémie. C'était physiquement et mentalement très exigeant, d'autant plus que les mesures Covid sont venues s’ajouter à la charge habituelle. Il fallait porter un masque, être séparé du client par du plexiglas, sans compter que le stress augmentait au fur et à mesure, tant avec mes collègues qu'avec les clients. J’avais hâte de travailler dans un supermarché, de ne pas trop avoir à réfléchir et de ne pas surmener mon cerveau, avais-je alors pensé. J’avais tort. J'ai finalement eu la chance d'écrire un livre et de rapporter mon expérience dans un blog. Ça m’a beaucoup aidé.

Dans le livre, un client déclare que caissier n'est un vrai métier.

Je pense que le personnel de magasin est mal traité dans de nombreux endroits. Lorsque les gens me demandent si c'est si grave que ça, je réponds généralement que la réalité est encore pire. Au cours des premières semaines de pandémie, nous étions acclamés, tout le monde nous vénérait, mais cette reconnaissance s’est très rapidement essoufflée.

À en juger par votre livre, aussi bien vous que vos collègues êtes devenu cyniques en matière de relations avec les clients.

C'est un mécanisme de défense. Quand on a affaire à des gens stressés qui se comportent mal, on essaie de s'armer contre ça. La pandémie a rendu le travail plus difficile : nous étions incroyablement occupés, alors que les gens avaient aussi des difficultés. Au bout d'un moment, en tant que caissier, il n’était même plus possible de faire la distinction entre les clients. Le virus était devenu le seul sujet de conversation. Sur le long terme, c’est assez pesant. Pourtant, j'ai eu affaire à de très bons clients et surtout de très bons collègues. J'espère que, grâce à ce livre, les gens se souviendront de la difficulté de travailler dans un supermarché, surtout en temps de pandémie. Et qu’il vaut mieux rire de la situation.

Vous ne travaillez plus pour Whole Foods à présent.

Non, parce que ça ne me permettait plus de payer mes factures. J'ai commencé comme caissier et suis devenu par la suite responsable de plats préparés. Un emploi mal rémunéré dans lequel j’effectuais de longues heures de travail. Je n'avais plus aucune vie sociale, j'étais enfermé dans mon travail. Il était grand temps de changer. Je n'oublierai cependant jamais cette expérience. Je travaille d’ailleurs sur un deuxième livre qui sera la suite de celui-ci. Et il aborde également le thème des supermarchés.

Comment vos anciens collègues réagissent-ils à votre livre ?

J'ai eu des réactions fantastiques, aussi bien à mon livre qu’à mon blog. Certaines personnes m'ont dit que je leur avais donné une voix. Il y a un podcast ici aux États-Unis appelé ‘The Retail Warzone’. Steve Rowland, la personne en charge, travaille justement dans un magasin. Il m'a dit que j'avais écrit un livre sur des personnes qui n’ont jamais fait l’objet d’un ouvrage auparavant. C'est génial à entendre. J’ai également envers les personnes qui travaillent en supermarché un respect tout autre. Je sais combien c'est difficile. J'espère que mes lecteurs en prendront conscience.

‘Life on the grocery line’ par Adam Kaat est en vente dès à présent.