Ultra-urbain, ultra-local, ultra-contemporain, et ultra-ultra frais, le nouveau format présenté par Delhaize ambitionne d’aller vite pour développer ce marché de la solution-repas pour les jeunes générations d’actifs. Deux cents points de vente en 3 ans, sur 20 centres urbains: c’est ambitieux, mais aussi légitime. L’autre pari, c’est de faire de ces petits magasins d’un genre nouveau un point de retrait pour les commandes online sur l’ensemble de l’assortiment Delhaize.

En évoquant la révélation à l’automne d’un tout nouveau concept de magasin urbain, Xavier Piesvaux avait évoqué à demi-mots l’idée d’une surprise. Le CEO de Delhaize Belgium & Luxembourg a tenu parole. Non pas que le positionnement de cette nouvelle enseigne à part entière surprenne lui-même: on s’attendait en effet à ce qu’il tourne autour de l’axe des solutions-repas pour actifs urbains. C’est l’ambition qui impressionne. Après les magasins pilotes de Bruxelles Ravenstein et Louvain Diestsestraat (ouverture en décembre), c’est 200 points de vente que Delhaize entend ouvrir en l’espace de 3 ans, dans les 20 principales villes du pays, des magasins dont l’exploitation serait confiée à des partenaires affiliés.

Après l’événement que représente Nivelles pour le format supermarchés, Delhaize double aussitôt la mise avec Delhaize Fresh Atelier. Qu’on ne s’y trompe pas: il ne s’agit pas d’un simple laboratoire, ni d’un coup d’éclat de communication. Mais bien d’un axe stratégique à part entière, dont Xavier Piesvaux révèle les fondamentaux lors de sa présentation préalable à la visite du magasin. Il s’agit de se saisir, nous dit-il, de toute une série d’enjeux. L’évolution démographique, avec une population vieillissante, une montée en puissance des Millenials et de la diversité, et une urbanisation plus marquée. Le besoin de praticité qu’impose le mode de vie trépidant, et qui exacerbe le besoin de proximité et la facilité d’accès.  Le profil des consommateurs,conscients, exigeants, actifs sur les réseaux sociaux. Les attentes d’une alimentation saine: le marché des solutions alimentaires explose, mais la clientèle les veut fraîches et favorables à la santé. Et tout ceci se combine encore avec un facteur technologique: la montée en puissance progressive de l’e-commerce alimentaire. La Belgique reste à la traîne, confirme Xavier Piesvaux, mais un effet de rattrapage est en cours, puisque la part de marché de ce canal est passée de 0,5% 2015 à 1,1% en 2016 et 1,4% en 2017.

Que trouve-t-on chez Delhaize Fresh Atelier?

Dans ce contexte en pleine mutation, de nouveaux critères s’ajoutent à l’arbre de décision du consommateur. Or, rien dans l’offre du retail n’a fondamentalement répondu depuis 60 ans à ces nouvelles habitudes et attentes de consommation. Et Delhaize Fresh Atelier se veut un format à la fois innovant et disruptif, un terme sur lequel le patron de Delhaize insistera plusieurs fois.

La surface exploitée est très faible, 80m2 à Ravenstein, 100m2 en moyenne pour le concept, ce qui n’est pas une surprise dans un coûteux contexte urbain. L’atelier évoqué dans le nom est bien présent: c’est une zone comptoir où le personnel propose toute une variété de plats et produits ultra-frais, soupes fraîches, smoothies préparés sur place avec un appareillage technologique sophistiqué faisant exploser le goût du fruit, sans oublier le Salad Bar de Foodmaker, un partenaire déjà bien visible à Nivelles, les sushis de Sushi Gourmet, et le café.  

Au-delà de ce parti-pris de frais, on trouve aussi un assortiment de 1500 produits, où sont bien représentés les drinks, le pain et la viennoiserie, les produits d’indulgence comme les biscuits, etc. Les codes des jeunes urbains sont bien présents, avec les sacs en toile réutilisables. Et puis côté fluidité, on a pris exemple sur ce qui se fait de plus efficaces dans d’autres capitales: c’est du 100% self checkout, avec de nouveaux modules Quickscan particulièrement compacts.

En termes logistiques, le magasin est approvisionné une fois par jour par camion pour couvrir les besoins de son assortiment propre. Mais il faut aussitôt ajouter une autre surprise de taille. Chaque Delhaize Fresh Atelier constituera une point de retrait pour les commandes online portant sur 15.000 références de l’assortiment en ligne de Delhaize. Une façon d’inventer pour cette clientèle urbaine une nouvelle forme de mixité entre service sur place et praticité de l’accès à distance à un assortiment bien plus large. Et pour Delhaize en général, ceci démultiplierait le nombre de points d’enlèvement (on en recense 117 dans le parc Delhaize actuel). A l’évidence, on a suivi avec intérêt chez Delhaize les expériences de Drive piétons menées par les distributeurs français dans les grands centres urbains. Plutôt que de se limiter à ce rôle de pur point de retrait, on greffe la fonction sur un point de vente à valeur ajoutée. C’est un vrai pari.

Duplicable tous les 600 mètres !

Le lieu choisi pour ouvrir le premier point de vente est révélateur du positionnement défini. Situé à l’entrée de la Galerie Ravenstein, sur l’axe de trafic piéton qui relie la Gare Centrale au Bozar et au Parc de Bruxelles, et où défilent chaque matin et chaque soir une foule de navetteurs. Un quartier où l’on travaille beaucoup et loge fort peu nous confirme Jean-Cédric de Terwangne, Banner Director SHOP&Go, et également à la manoeuvre pour créer ce nouveau format: “Il y a 22.000 personnes qui travaillent dans les environs immédiats. Toutes sont à la recherche de solutions repas, qui proposent à la fois de la variété chaque jour, de l’efficacité, de la praticité ainsi que des garanties sur la qualité et le caractère sain des aliments. Et le plus frappant est que cette clientèle n’est pas disposée à parcourir plus de 300 mètres pour trouver son bonheur.”

Résultat: Delhaize Fresh Atelier est un concept qui, lorsqu’il est implanté dans des centres urbains à forte concentration d’actifs au travail, pourrait très bien se dupliquer tous les 600 mètres, compte tenu du caractère hyper-local de la zone de chalandise pertinente. Quelle différence majeure Jean-Cédric de Terwangne voit-il entre Delhaize Fresh Atelier et le très performant parc SHOP&Go (Il connaît une croissance rapide et sert 1 million de clients par semaine) ? “L’offre est différente, et on peut d’abord la décrire en termes de mobilité. Le client Delhaize Fresh Atelier est un piéton ou un cycliste. Il le sera toujours davantage, dans ces villes congestionnées où les autorités sont amenées à prendre des mesures radicales pour limiter le trafic.”

 

Le verdict de la rédaction

Voici dix jours à peine, nous visitions le nouveau Delitraiteur Eat&Go du quartier du Solbosch, à Ixelles. Le CEO de l’enseigne, Alexandre Terlinden, nous expliquait combien tous les acteurs du retail et de la restauration rapide étaient occupés à plancher sur les mêmes enjeux de “channel blurring”. La réponse de Delitraiteur Eat&Go part d’un tout autre angle que celle de Delhaize: tout en restant un magasin, le point de vente est aussi un espace de consommation sur place.

Rien de tel chez Delhaize Fresh Atelier: on reste bel et bien dans du retail pur et dur, mais qui offre une foule de solutions repas à emporter. Ce qui paraît totalement légitime pour ces petites surfaces de 100 m2 maximum, où le client cherche efficacité et fluidité. Efficacité aussi pour l’exploitant qui doit viser le débit, multiplier les transactions sans surinvestir sur la surface, maîtriser un assortiment suffisamment varié, mais où les rotations sont obligatoirement importantes, si l’on veut amortir les baux de location particulièrement élevés. Delhaize n’allait pas reproduire les erreurs de son défunt concept City. A Bruxelles, en zone touristique, le Delhaize Fresh Atelier Ravenstein sera ouvert 7 jours sur 7, de 7 à 21 heures, ce qui devrait donner suffisamment d’air que pour amortir les coûts.

Voilà un concept séduisant, élégant, avec une exécution qui emprunte certains codes au magasin de Nivelles, mais développe aussi les siens propres (on adore le travail mené sur le sol) pour offrir à chaque point de vente une personnalité subtile, apte à coller aux codes graphiques appréciés des millenials, et sans se croire obliger de marteler lourdement les symboles d’appartenance au réseau Delhaize. Le travail mené en collaboration avec Minale Design Strategy est plus que convaincant.

Mais 200 magasins en 3 ans, est-ce vraiment réaliste, se demandaient beaucoup de participants à la conférence de presse. Nous ne nous rangerons cette fois pas au côté des sceptiques, si les résultats des deux premiers magasins pilotes (Bruxelles et Louvain) confirment le business case. Voilà déjà des années que nous nous étonnons de ne pas voir fleurir dans les villes belges les propositions commerciales de ce type qu’on rencontre dans les grandes capitales européennes, à chaque coin de rue. Les unes résolvent l’équation en partant de l’horeca, les autres, comme Delhaize Fresh Atelier, en partant du retail. Il y a un vrai marché à développer et à servir. Avec probablement un bémol à ajouter. On l’a vu plus haut: il s’agit bien d’un commerce hyperlocal, branché en direct sur une zone à haute densité de clientèle affichant de tels besoins. Il faudra donc aussi un géomarketing hyperlocal pour ne pas se tromper d’emplacement. C’est l’éternel retour du vieil adage commercial: location, location, location… Le service de retrait des commandes online est un vrai pari, qui devra prouver son intérêt. Mais pourquoi s’en priver, face à un coeur de cible à priori gourmand d’achats sur ce canal?

Mais en tant que retailer, il y a évidemment un avantage à être le premier à prendre aussi volontairement l’initiative: saturer le premier les emplacements à haut potentiel, être top of mind sur cette logique d’assortiment si particulière. Et plus encore, être le premier à proposer aux entrepreneurs indépendants une formule d’affiliation dont le seuil d’investissement devrait se situer bien en-dessous de celui que requiert, par exemple, un Proxy (estimé par notre rédaction à environ 400 K€). Dans un marché où, à part les discounters, hard ou soft, la croissance organique repose sur les indépendants, il n’y a pas que la course au consommateur qui compte. Il s’agit de trouver les candidats, et bien sûr les bons candidats exploitants. Si le concept confirme ses promesses, Delhaize dispose dans son arsenal d’une arme intéressante pour s’approprier les profils les plus prometteurs.

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