Le rachat de Whole Foods par Amazon a des conséquences pour tous les retailers américains. Ahold Delhaize est impacté comme les autres par une concurrence plus exacerbée que jamais : après l’annonce par Whole Foods d’une baisse de ses prix, l’action du groupe belgo-néerlandais a plongé. Si du côté des investisseurs la crainte d’un scénario catastrophe domine, l’association d’investisseurs VEB estime que d’autres scénarios sont possibles.

On le sait, le cours de l’action Ahold Delhaize ne cesse de détériorer. C’est la conséquence de la féroce concurrence qui règne aujourd’hui aux Etats Unis – pays où le groupe génère la majeure partie de ses revenus – concurrence encore exacerbée par l’irruption d’Amazon. Le cours de l’action a cédé près de 25% en six mois. Néanmoins, aucune décision n’a encore été arrêtée. Il existe plusieurs scénarios, favorables pour les uns nettement moins réjouissants pour les autres. L’association d’investisseurs néerlandaise VEB en a retenu cinq.

1. Une guerre des prix menant à un rétrécissement des marges

Le communiqué de vendredi dernier est sans ambiguïté sur le renforcement de la guerre des prix qui fait déjà rage depuis un moment entre les supermarchés américains. Les marges des filiales américaines d’Ahold Delhaize sont actuellement nettement inférieures à celles des magasins hollandais, conséquence, entre autres, de la concurrence de discounters comme Lidl. Une baisse des prix de Whole Foods exercera une pression supplémentaire sur les marges et donc sur les bénéfices. Quant à l’impact sur les cours boursiers, pas besoin de longues explications…

 2. Ahold Delhaize profite d’une guerre des prix plus violente que jamais

Ahold Delhaize possède une solide expérience de la politique des prix bas. Aux Pays-Bas, le retailer a réussi à plusieurs reprises à sortir vainqueur de ce type de bras de fer. Lors de la présentation des chiffres semestriels, l’accent a également été mis sur toutes les initiatives dans ce domaine. Ahold Delhaize ne gagnerait peut-être pas la guerre des prix contre le géant de l’internet, mais il a d’autres concurrents que les seuls Whole Foods et Amazon. Arracher des parts de marché à d’autres serait considéré comme un bon résultat. D’ailleurs, Ahold USA a déjà baissé en juin les prix des œufs, du lait et de ses propres produits. En l’espèce, Whole Foods était davantage suiveur que meneur.

3. Disparition d’activités online comme Peapod

Avec Peapod, Ahold Delhaize dispose du plus important service d’épicerie en ligne des Etats-Unis, un terrain sur lequel Amazon tente de s’imposer depuis quelque temps, accélérant le mouvement en rachetant Whole Foods. C’est ainsi que des produits Whole Foods sont disponibles en ligne via Amazon. Les abonnés d’Amazon Prime reçoivent des réductions spéciales chez Whole Foods. La superposition des magasins physiques WF et du maître absolu de l’e-commerce introduit une nouvelle donne dont il ne faudrait pas sous-estimer la puissance. Dans ce scénario, les activités en ligne de type Peapod pourraient disparaître tandis que s’opérerait un glissement des ventes physiques vers Amazon.

4. Les activités online d’Ahold Delhaize bénéficient d’un boost  

Un scénario alternatif est tout aussi envisageable : l’irruption d’Amazon booste l’ensemble des ventes de l’épicerie en ligne. L’épicerie en ligne doit encore réaliser sa grande percée et la situation actuelle pourrait en être le déclencheur. Ahold Delhaize investit massivement dans les ventes en ligne, visant un chiffre d’affaires de 5 milliards d’euros pour 2020. La croissance de l’ensemble du marché facilitera la réalisation de cet objectif.

5. De la place pour tout le monde : pour Amazon et pour Ahold Delhaize

On oublie trop souvent que si Amazon est de loin le plus gros e-retailer du marché américain, il n’est pas seul à y opérer. La chaîne d’électronique Best Buy, que l’on donnait pour moribonde, a fortement progressé en 2017, ses parts de marché atteignant leur plus haut niveau historique. Depuis 2012, elles ont été multipliées par six.

L’idée qu’il n’y aurait place que pour un seul acteur est battue en brèche. Qu’il n’y ait pas de place pour un acteur issu du secteur du supermarché à partir du moment où   Amazon s’attaque à l’épicerie en ligne est une hypothèse qui n’a aucune logique.

Il colle à Jeff Bezos l’image du super capitaliste qui n’a d’autre objectif que de racheter le monde entier, une affirmation que l’on retrouve dans maintes analyses du phénomène Amazon. On pourrait dire qu’à l’origine de cette schizophrénie, il y a la relative passivité de la concurrence alors que le géant Amazon tente, lui, de s’immiscer dans tous les marchés.

Ceci étant, on pourrait encore imaginer bien d’autres scénarios. Comme celui où la concurrence mobiliserait capitaux et savoir-faire pour défendre ses positions sur un  marché mondial qui évolue de plus en plus rapidement. Il n’y a aucune raison de penser qu’Ahold Delhaize n’en soit pas capable.  

 

Cet article est une parution de la VEB initialement publié sur son site. Lisez l'article original ici.