Cora et Match France vendus à Carrefour, avec leur pendant immobilier, c’est une très belle offensive menée par Alexandre Bompard sur le marché français. C’est aussi une nouvelle preuve d’un changement d’attitude de la famille Bouriez, propriétaire du Groupe louis delhaize. La logique voudrait que, après la Roumanie et la France, celui-ci cède ces mêmes enseignes au Luxembourg. Mais quelles perspectives pour les magasins belges ?  

Tout semble indiquer qu’Alexandre Bompard n’a pas perdu de temps, et a mené tambour battant ce rachat des parcs français de Cora et Match : aucune rumeur préalable n’avait filtré, et c’est très rare dans le métier. Pour le patron du Groupe Carrefour, c’est une belle prise, en termes de gain de part de marché, en termes aussi de complémentarité géographique du réseau : l’est et le nord de la France sont des zones où Carrefour pouvait effectivement se renforcer. Le défi sera bien sûr d’harmoniser les cultures d’entreprises, et celles de Match, et plus encore de Cora, sont particulières, accordant beaucoup d’autonomie à chaque responsable de magasin, voire chaque responsable de rayon. Le communiqué de presse ne précise pas en toutes lettres ce qu’il adviendra des enseignes Cora et Match, mais on rappellera que, suite à la fusion avec Promodès, les enseignes Continent et Champion étaient devenues des Carrefour hypermarchés ou Carrefour market. La logique de volume des marques de distributeurs, qui sont une arme de conquête en cette période inflatoire, invite en effet à privilégier Carrefour.

Pour la famille Bouriez, le chèque d’un peu plus d’un milliard est certainement bienvenu, il doit plus que probablement permettre de couvrir l’endettement du Groupe. C’est aussi un nouvel indice révélateur de l’état d’esprit de l’actionnaire, qui avait choisi de reprendre pleinement en mains la direction des affaires, après les avoir un temps confiées à un manager externe. Après la vente - déjà à Carrefour - des prospères Cora roumains, celle de Cora et Match France a bien sûr une toute autre importance. Que reste-t-il dans le groupe ? Quelques perles, comme les jardineries Truffaut, ou l’enseigne Bon d’ici, dédiée aux producteurs alimentaires locaux, dont on ne serait pas étonné que la famille souhaite les conserver. Mais pour le reste, tout est probablement juste une question d’opportunités. Le groupe louis delhaize a largement cloisonné ses filiales. Delitraiteur, par exemple, est une business unit séparée des autres enseignes. Cora et Match Luxembourg sont également hébergées dans une entité juridique séparée : tout ceci autorise la vente par appartements. Même la propriété de l’immobilier importe : l’acheteur des enseignes  a tout intérêt à acheter aussi le parc de magasins, s’il veut maîtriser tous les flux financiers qui conditionnent la rentabilité. La cession de Cora et Match France s’accompagne logiquement de celle de Galimmo, qui détient le parc immobilier, mais à notre connaissance uniquement pour le territoire français. Ce qui maintient le jeu ouvert pour des candidats acheteurs sur d’autres marchés.