Personne ne niera que les secteurs de la jardinerie et du bricolage ont tardivement entamé leur révolution numérique. Pour une fois, la Belgique n’est pas seule à la traîne puisqu’aux Pays-Bas aussi ces secteurs ont tardé à monter dans le train de l’e-commerce. Il est frappant de constater que lors du congrès annuel « De Nationale Doe-het-zelf sessie », une organisation de la revue professionnelle néerlandaise MIX, on a explicitement mentionné la présence des premiers purs e-retailers.

(A ce sujet, lire également notre rapport Le marché Néerlandais du bricolage à nouveau en croissance).

Les Pays-Bas

Ce congrès était d’ailleurs consacré à l’e-commerce. Le contraste entre deux oratrices – Annemart Tielens d' Intergamma et Claudia Willemsen (kleertjes.com) – fut pour le moins étonnant. Installée dans son grenier, la seconde nommée avait lancé, dès 2003, un outlet-webshop. Alors qu’Intergamma indiquait en… 2011 « avoir perçu les premiers signaux des points de vente pour que les choses changent. » A cette époque, Claudia avait déjà revendu kleertjes.com : son affaire  employait 65 équivalents temps-plein et affichait un chiffre d’affaires de 12 millions d’euros !

Intergamma a encore pris quelques années pour peaufiner sa stratégie et la déployer. Une belle stratégie d’ailleurs puisqu’il s’agissait d’une approche totale, avec des e-shop dans les magasins physiques. Aujourd’hui, les acteurs du secteur du bricolage disposent tous d’un (petit) webshop. Les jardineries par contre sont à la traîne, leur offre se limitant généralement à quelques bouquets. Aux Pays-Bas, depuis le 22 février, Welkoop a franchi avec succès le pas de l’e-commerce, avec tous ses magasins et une gamme presque complète. Welkoop considère qu’il ne s’agit là que d’une partie d’une stratégie globale et non pas d’une stratégie en soi. Le web lui donne la possibilité d’être présent partout à l’échelle nationale sans avoir à ouvrir de nouveaux magasins. 

La Belgique

En Belgique aussi, les acteurs du secteur du bricolage commencent à s’investir dans l’e-commerce. Mais les jardineries restent cependant en retrait. Le nouveau site d’Aveve par exemple, n’offre rien de plus que de constituer des listes de courses. Pas étonnant que, en coulisses, les marques A fourbissent leurs armes pour lancer leurs propres webshops.

La question se pose : ces produits se prêtent-ils à la vente en ligne ? La réponse est : pourquoi pas ? Avons-nous oublié qu’il y a quelques dizaines d’années nous commandions déjà des graines, des fleurs et des plantes sur catalogue, le précurseur de l’e-commerce ? Et nous nous faisions livrer à domicile. Peut-être imagine-t-on que des produits trop volumineux ne se prêtent pas à l’e-commerce ? C’est inexact : les matériaux de construction sont livrés depuis des années à domicile et, dans d’autres secteurs, c’est un problème qui n’en est pas un. Par ailleurs, comment expliquer les succès des ventes en ligne des appareils électro-ménagers et de l’électronique ? Le manque ‘d’expérience de magasin’, le besoin de tenir en main les produits n’est pas non plus un argument pour les magasins de bricolage ou les jardineries. Avant de choisir du terreau, vous passez votre temps à plonger la main dans tous les terreaux disponibles ? Vous sentez tous les bois de menuiserie ? Vous reniflez la poussière des ciments et des plâtres avant de faire votre choix ? 

Arrogance

Que les jardineries et les magasins de bricolage aient, ces dernières années, mal évalué la nécessité de l’e-commerce et s’estiment aujourd’hui désavantagés par rapport à de purs acteurs online comme bol.com ne peut avoir une seule explication valable. Les secteurs se portaient (trop) bien, tant aux Pays-Bas qu’en Belgique. Dans notre pays, nous avons à peine senti la crise, probablement parce que nous avons ‘une brique dans le ventre’.

Les Pays-Bas ont connu des années de croissance à deux chiffres. Mais lorsque la crise a frappé particulièrement dur, d’une part on pensait que jamais les choses ne pourraient être pires (‘de tels mauvais résultats ne peuvent se reproduire chaque année’) et, d’autre part, personne n’était prêt pour l’aventure de l’e-commerce. A l’image des vendeurs de catalogues, La Redoute ou Neckermann, qui ont vu leur fromage leur filer sous le nez avec l’arrivée de nouveaux e-retailers ‘inexpérimentés’, les jardineries et les magasins de bricolage ont longtemps pensé que la situation n’irait pas aussi loin.

Alors, s’est-on lancé trop tard dans l’e-commerce ? Disons-le haut et fort : oui ! Est-il toujours utile de se lancer dans l’aventure? Encore une fois, la réponse est oui. Sauf si vous préférez passer à côté d’un groupe toujours plus grand de consommateurs – les générations Y et Z – et attendre qu’aient disparus les derniers baby-boomers, les consommateurs ‘à l’ancienne’, amateurs de magasins physiques.