New Generation in Retail, tel était le thème de la session de The Retail Society ce 29 mars 2018. Deux débats ponctués d’interventions ont permis d’offrir aux participants une bonne dose d’inspiration. Compte-rendu.

Michel de Rovira, co-fondateur de Michel et Augustin, ouvrait le bal. “Il y a de cela 13 ans, lorsqu’on a lancé la marque, le paysage était bien différent: Amazon n’était pas encore très actif, le bio était disruptif, la proximité n’était pas un format majeur… Si l’on devait lancer Michel & Augustin aujourd’hui, nous nous y prendrions probablement différemment” déclare d’emblée l’orateur. A l’époque, les promesses diététiques étaient légion sur les emballages, dans les publicités, etc. A contre-courant de cette tendance, qui est depuis lors tombée en désuétude, Michel et Augustin souhaitaient développer le produit qui aurait le plus de goût, d’arôme et de saveur sur le marché. “C’était là notre première intuition: nous voulions faire revenir le goût au coeur de l’assiette. Notre seconde intuition reposait sur la naturalité des produits. Nous voulions créer la marque qui aurait le moins d’ingrédients possible. La troisième intuition fut la différentiation. Nous ne voulions pas ressembler aux grandes marques, nous voulions être proche du consommateur, un membre de sa famille en quelque sorte. L’objectif étant qu’il ait confiance en nous.” Toutes ces intuitions se sont révélées payantes. Si aujourd’hui, dans un marché en pleine phase de changement, Michel et Augustin parvient à se démarquer, c’est notamment que la centaine de salariés qui compose la société est animée par une passion commune. “Nous sommes généralement connu pour notre com’, mais derrière ce vernis marketing, il y a une vraie équipe passionnée. Un salarié sur deux est titulaire d’un CAP Pâtissier. Tous savent donc l’importance des matières premières utilisées. Nous voulons être le symbol du savoir-faire pâtissier français, et ce, partout où nous sommes distribués de la Belgique aux Etats-Unis. C’est notamment pour cette raison que notre partenariat avec Danone fait sens” précise Michel, qui reviendra plus tard sur le sujet résumant: “On est 100, ils sont 100.000. Nous voulons être le village gaulois qui infuse dans Danone”.

Geoffroy Gersdorff, General Secretary Carrefour Belgium, embraye: “Vous le savez, Carrefour traverse des semaines délicates, et nous avons donc tous beaucoup à faire. Mais s’il y a un lieu où je me devais d’être présent, c’est bien celui-ci. Ce que je veux voir ce soir, ce sont des yeux qui pétillent, un esprit d’entreprenariat dynamique. Nous devons retrouver cet esprit qui animent Michel et Augustin, Färm ou encore Simone a Soif, un esprit de différenciation, d’agilité et une soif d’entreprendre”. C’est sur ces mots que s’entame le premier débat réunissant Geoffroy Gersdorff, Alexis Descampe (färm), Michel de Rovira (Michel & Augustin), Agnès Bonfond, Antoine De Menten, et Alexandre van der Vaeren (Simone a Soif!). La première question s’adresse au co-fondateur de färm et concerne sa vision du retail traditionnel. “C’est pour nous une super opportunité! C’est là que se trouve notre réservoir de consommateurs” lance du tac au tac Alexis Descampe, provoquant les rires de l’audience. “Les difficultés que rencontrent le retail sont, selon moi liée à l’image de standardisation qu’il renvoie” poursuit-il plus sérieusement. A contrario, que pense Carrefour d’acteurs comme färm? “Nous sommes concurrents, mais la vision est la même. On observe une nette évolution dans le comportement des consommateurs” notre Geoffroy Gersdorff. “La transition alimentaire doit être portée par tous les acteurs du marché. Certes, vous (färm) êtes dans une démarche plus radicale que nous, mais notre première préoccupation est commune: nous voulons que le consommateur mange bien, sans se faire du mal. En réalité, nous sommes plus complémentaires que concurrents (...) Etre capable de rendre accessible une bonne alimentation à tous est un enjeu majeur de l’ensemble du marché. C’est même là une responsabilité citoyenne que doivent respecter tous les acteurs de la chaîne alimentaire. Nous devons tous suivre la même direction”.

Si Michel de Rovira indique que Danone facilitera une exportation pérenne de sa marque, Simone a Soif nourrit également de belles ambitions. “Dans cinq ans, nous souhaitons être présents dans 9 pays, mais bien entendu, pas à n’importe quel prix. L’objectif est notamment de s’implanter en France. Et si cela fonctionne, nous y installerons une unité de production en répliquant le modèle actif en Belgique. Il s’agit d’être cohérent avec le principe qui nous anime d’intégration à la communauté et aux filières locales. Nous souhaitons devenir la référence européenne du mieux boire”.

Une question ou un challenge à lancer à Carrefour, digne représentant en cette soirée dédiée à la nouvelle génération du retail traditionnel? “Ca fait maintenant une dizaine d’années que nous avons trouvé la manière de proposer nos produits dans vos formats express… Mais on a toujours pas trouvé comment l’intégrer dans les autres enseignes… C’est donc un challenge que je vous lance” sourit Michel. Pas de question, ni de challenge pour Alexis, préférant un “Merci! Je perçois désormais un switch dans la prise de conscience et de responsabilité”. Quant à Simone a Soif! ? “Nous vous invitons à descendre en bas, à Evere, et à trouver la boisson que vous donneriez les yeux fermés à un enfant et à faire de cette boisson une référence”. Et Geoffroy de conclure: “Challenges acceptés !”

Trois autres acteurs innovants sont ensuite venus alimenter ce débat. A commencer par Beedrop, une plate-forme en ligne assurant la livraison à domicile des produits de quelque 40 magasins. « Notre objectif est de faire rimer écologie avec économie » a indiqué Stefan Van Overbeke. Ce fut ensuite au tour de Patrick Leysen, cofondateur de Parcify, d’expliquer la spécificité de sa start-up, aujourd’hui propriété de bpost : la livraison sur base de la géolocalisation du consommateur. « Aujourd’hui, le client veut du ‘convenience’ et nous le lui offrons. » Troisième intervenant : Stephan Bosman, venu tout droit des Pays-Bas pour témoigner du rôle important de Stockon au 21e siècle. La start-up garantit en effet le renouvellement automatique des réserves des clients au moyen d’une application sur laquelle ils  complètent leur profil.

Une première question pour les trois dirigeants : comment se positionnent-ils par rapport au retail classique ? Sont-ils concurrents ou partenaires ? Réponse identique chez Stockon et Beedrop : on entend donner au producteur un accès direct au consommateur. « Chez nous, le fournisseur est aux commandes » précise Stephan Bosman (Stockon). « Il est encore beaucoup trop tôt pour dire si nous opterons pour la concurrence ou la collaboration. L’essentiel de l’activité du supermarché a désormais lieu en ligne. Les retailers y sont puissants, mais le marché du frais n’en reste pas moins important. » Pour sa part, Patrick Leyson (bpost/Parcify)  croit en l’avenir du modèle hybride. « Nous opérons un sérieux rapprochement entre les canaux on et off line. Tous deux doivent être parfaitement complémentaires. A mon grand regret, il n’y a guère que les webshops néerlandais qui soient réellement performants sur ce plan. » Et Stefan Van Overbeke de renchérir : « La priorité des clients n’est pas la rapidité du service mais bien le prix. » Une affirmation que Patrick Leysen s’empresse de contredire : « comme on le constate aux Etats-Unis et en Asie la rapidité joue un rôle primordial. La rapidité, c’est le ‘convenience’ ».

Deux startups, Mealhero et Nood, sont ensuite intervenues. La première propose un appareil permettant de préparer un repas en un tour de main, avec les bons ingrédients. Le concept de ‘convenience’ revient ici sous une autre forme. Il était d’ailleurs également le point de départ de Nood, un service de livraison de boîtes-repas pour qui n’a pas le temps de cuisiner ou est manque d’idées. Sa particularité : il dispose de son propre magasin sur l’Avenue Louise. « Pour le client, il est important de pouvoir mettre un visage sur un concept » souligne Steven, cofondateur. Ici encore, on leur pose la question de la collaboration ou de la concurrence face aux supermarchés. Jeroen Spitaels, cofondateur de Mealhero : « Nous envisageons sérieusement une collaboration dans le futur. Le retail devient un lieu de rencontre, où l’on découvre des produits. Nous voulons toucher un maximum de gens et n’excluons donc pas un partenariat avec des marques comme Devos-Lemmens par exemple. Le public veut plus de ‘convenience’ et cela passe, entre autres, par la technologie. L’alimentation a traversé une révolution de taille, mais il y a encore du pain sur la planche en matière de distribution. Mealhero constitue-t-il une évolution ou une révolution ? Sur le plan de l’alimentation, il s’agit d’une évolution. Le concept, lui, est révolutionnaire. »