Comeos a demandé au professeur Roel Gevaers, de l'Université d'Anvers, de dresser un portrait du paysage belge du commerce électronique. L'exercice a permis de comparer les performances du commerce électronique belge par rapport aux pays voisins et à l'emplacement physique d'où les marchandises sont expédiées. Face aux résultats que la Fédération juge alarmants, Comeos appelle à prendre des mesures.

Premier enseignement de l'étude : la taille du marché de biens vendus en ligne, en excluant tous les services (streaming, voyages, billets d'avion...). Il atteint 9,6 milliards d'euros chez nous, pour 24,3 milliards des Pays-Bas, 100 milliards en Allemagne, et 54,5 milliards en France. Observons ceci dit que ces écarts doivent aussi être mesurés à l'aune de la population de chaque pays : 11,69 millions en Belgique, 17,7 millions aux Pays-Bas, 83,8 millions en Allemagne et 68 millions en France. Le consommateur néerlandais apparaît bien plus friand d'e-commerce que celui des autres pays évoqués, où le ratio d'achat par habitant est assez proche.

Ce qui est bien plus préoccupant, c'est la provenance des colis. Comeos le rappelle : la fédération avait alerté en 2018 sur le phénomène qui voyait les centres de distribution e-commerce se déplacer au-delà de nos frontières, ce qui aboutissait à voir une bonne part du marché en ligne échapper aux marchands belges. Les chiffres de son étude de 2024 le confirment, sachant que la méthodologie adoptée a déterminé l'origine des commandes, sur base de l'emplacement de l'entrepôt d'où les marchandises étaient expédiées "Les résultats sont éloquents," explique Comeos. "Seulement 27 % des colis commandés par les Belges proviennent de Belgique, 41 % des Pays-Bas. L'Allemagne représente 14 %, la France 6 %."

Lorsqu'un modèle de voiture est en danger ici, une task force avec le Premier ministre est rapidement mise en place. Pour les milliards du commerce électronique que nous perdons en Belgique, il règne un silence social et politique.

Dominique Michel
CEO Comeos

Dans le secteur du prêt-à-porter, seules 12 % des commandes proviennent de commerçants belges, presque autant que des places de marché chinoises qui représentent 11 %. Les Pays-Bas sont en tête avec 22 %, l'Allemagne suit avec 19 %. Pour les vêtements, deux des cinq principaux acteurs viennent maintenant de l'Extrême-Orient, Shein en quatrième position et AliExpress en cinquième. "Il y a cinq ans, cela aurait été impensable," signale Comeos, qui livre également le podium de tête :  Bol précède Zalando et Vinted.

Mieux contrôler les colis et faire respecter les normes

Comeos appelle à prendre des mesures, et son CEO Dominique Michel souligne combien cette situation mérite une réaction à la hauteur de l'enjeu : « Combien de temps allons-nous encore tolérer cela ? Lorsqu'un modèle de voiture est en danger ici, une task force avec le Premier ministre est rapidement mise en place. Pour les milliards du commerce électronique que nous perdons en Belgique, il règne un silence social et politique. »

Première mesure évoquée ? Celle qui part d'un constat : les acteurs asiatiques ont une part de marché considérablement plus grande en Belgique que dans nos pays voisins. "C'est pourquoi Comeos demande un meilleur contrôle des marchandises importées de l'extérieur de l'UE, qui doivent se conformer aux normes européennes. Au lieu de se concentrer sur l'abus de données, les autorités européennes et nationales feraient mieux de se concentrer sur le blocage des marchandises ne respectant pas les normes européennes," plaide Comeos. Le Professeur Roel Gevaers le confirme: « L'importation hors UE de palettes de marchandises est assez strictement contrôlée, celle des colis de consommateurs beaucoup moins. »

En revanche, Comeos ne souhaite pas freiner les délais de livraison pour des raisons durables, comme l'explique Dominique Michel : « Cela peut sembler contre-intuitif mais plus la livraison peut être rapide, plus elle est locale. Ce serait donc une fausse bonne idée d'imposer des restrictions à la livraison le jour même ou le lendemain. Plus le délai de livraison est long, plus il est facile pour les acteurs asiatiques de concurrencer nos acteurs locaux. Au lieu de promouvoir la durabilité, cela la diminuerait donc de facto. »

Le débat sur la flexibilité relancé

Comeos relance également le débat sur la plus grande flexibilité du travail nécessaire pour que les plateformes logistiques belges puissent concurrencer l'étranger, et donc sur la possibilité de travailler le soir. D'autant que la Belgique part déjà avec d'autres handicaps que souligne Dominique Michel : « En ce qui concerne les coûts salariaux, nous avons encore une différence structurelle avec les Pays-Bas que nous devons combler. Pour les salaires bas et moyens, nous avons un handicap en termes de coûts salariaux. Le commerce électronique ne fera que croître dans les années à venir. C'est une certitude. C'est donc un choix politique : voulons-nous également maintenir cette croissance en Belgique ou allons-nous permettre que dans quelques années, tout vienne de l'étranger ? »