Nestlé teste et déploie actuellement de nouvelles solutions de transport vert, en Belgique, afin de réduire ses émissions carbone. Les premiers résultats sont encourageants : 1 million de kilomètres en camion diesel pourraient être évités chaque année. La collaboration entre toutes les parties prenantes s’avère néanmoins indispensable. “Pour parvenir à une logistique durable en Belgique, nous devons regarder au-delà de nos propres entreprises et repenser nos modèles”, explique Emma Canavan, head of supply chain & operations pour Nestlé Belgium & Luxembourg. 

D’origine britannique, vous êtes depuis juin dernier à la tête des opérations pour Nestlé en Belgique et au Luxembourg.

Je travaille depuis dix-sept ans chez Nestlé, d’abord durant dix ans en Grande-Bretagne et ensuite durant six ans au siège mondial, en Suisse. J’ai donc accepté avec plaisir l’opportunité qui s’est présentée à moi en Belgique. Je gère d’une part tout ce qui est supply chain : la logistique, le planning, le service aux clients et le transport ; d’autre part les opérations au sens large, le contrôle qualité, la sécurité et les achats. Opérations est constituée de pas moins de 60 personnes, basées en Belgique, au Luxembourg et aux Pays-Bas.

En ce qui concerne la durabilité, mon rôle est de développer des actions concrètes en matière de logistique pour contribuer à l’engagement mondial que s’est fixé Nestlé, à savoir diminuer ses émissions de CO2 de 50 % pour l’année 2030 pour atteindre zéro émissions nettes en 2050. La partie transport représente, au niveau global, 8,2 % du total des émissions.  Chaque pays a des objectifs clairs. Même en tant que petit marché, nous avons le pouvoir de faire la différence !

Quelle est la politique de Nestlé en matière de transport durable de marchandises ?

Notre approche est simple :  tester en permanence de nouvelles solutions pour être prêts à les déployer à grande échelle quand ce sera le bon moment. Nous travaillons sur trois axes : tout d’abord, la logistique intelligente, qui vise à réduire et optimiser nos trajets à travers des taux de chargement élevés (près de 85 % en Belgique), une palettisation efficace et des livraisons directes. Ensuite, nous adoptons de plus en plus le transport multimodal, qui combine le train et le bateau au transport par camion. Enfin, nous explorons les énergies alternatives à faibles émissions telles que le biodiesel, le biométhane, l’électricité et l’hydrogène. 

Et vos plus grands défis ? 

L’infrastructure ! Elle n’est pas encore prête en Europe. Aujourd’hui, les bornes de recharge d’électricité ou d’hydrogène pour poids lourds ne sont pas capables de répondre aux volumes nécessaires pour une expansion à grande échelle. La capacité du réseau électrique est trop faible pour rencontrer les besoins croissants des sociétés de transport public, des particuliers et des entreprises. Quant aux biocarburants utilisant des déchets, ils ne sont disponibles qu’en quantités limitées pour le moment.  Nos défis sont industriels, collectifs et nécessitent de travailler ensemble.

Vous avez déjà fait un pas vers le “transport vert” fin 2023, en mettant sur la route un camion électrique 44T Nestlé (un Volvo FH) en Belgique. Comment s’est concrétisé ce projet ?  

Signalons que Nestlé fut l’une des premières sociétés en Europe à avoir commandé des camions électriques de cette taille, soit des 44T pouvant transporter 66 palettes. Aujourd’hui, vingt camions électriques de différentes capacités circulent en Europe ainsi que plusieurs camions à hydrogène. La demande nous est venue fin 2022 de Colruyt, qui voulait diminuer les émissions de sa logistique entrante. On pourrait penser qu’il suffit de remplacer simplement un camion diesel par un camion électrique pour y arriver. La réalité est beaucoup plus complexe ! Nous avions plusieurs exigences pour rendre ce projet viable : nous assurer que le camion soit toujours rempli, qu’il roule tous les jours et qu’il parcoure une ‘petite’ distance en adéquation avec l’autonomie de sa batterie, à savoir environ 300 km. 

Il a fallu que nos équipes réfléchissent à un tout autre modèle, en collaboration avec Colruyt, notre partenaire logistique Remitrans, qui a porté tout le projet électrique, et Distrilog. Toutes les parties ont fait preuve d’une grande créativité et d’une remarquable efficacité pour faire aboutir ce projet en moins d’un an. Cela démontre qu’en dépassant notre propre cadre et en nous unissant autour d’un objectif qui nous concerne tous, des solutions peuvent émerger.  Depuis décembre, vous pouvez croiser quotidiennement notre nouveau 44T ‘Nestlélectrique’ sur les routes. 

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Quel est le trajet du camion ? 

Le camion démarre de Ghislenghien, où se trouve notre centre de distribution Nestlé Waters, pour livrer le dépôt Spar de Malines. Afin qu’il soit toujours rempli, le camion se rend ensuite quelques kilomètres plus loin à notre entrepôt de Willebroek pour y charger des produits de différentes catégories Nestlé. Il retourne ensuite dans la région de Ghislenghien pour livrer un entrepôt de Colruyt. Finalement, il effectue une série de petites boucles de quelques kilomètres dans la région pour livrer nos eaux avant de rentrer chez Remitrans pour sa recharge quotidienne. Chaque partenaire a été très flexible et nous a alloué des créneaux spécifiques pour rendre cet itinéraire possible. 

Une autre mesure largement adoptée par Nestlé est le transport multimodal. En quoi cela consiste-t-il en Europe et en Belgique? 

Nous avons recours au transport par bateau et par train depuis plusieurs années. Notre objectif est d’augmenter son utilisation pour les trajets de plus de 800km en Europe. Dernièrement, plus de 40 nouvelles routes ont été inaugurées sur le continent. En Belgique, toutes nos eaux San Pellegrino ou Perrier sont déjà livrées en train et camion. 

L’année passée, nous avons établi deux nouveaux itinéraires entre le nord de l’Espagne et notre entrepôt de Willebroek. 

Le premier exemple concerne le transport de nos laits pour bébé produits à Sevares, à 1.500 km d’Anvers. Auparavant, ces produits étaient transportés uniquement par camion. Aujourd’hui, ils parcourent seulement 140 ou 230 kilomètres en camion pour rejoindre les ports de Santander ou Bilbao, parcourent ensuite 1.400 km par bateau jusqu’à Anvers ou Zeebrugge, avant d’effectuer les derniers kilomètres en camion. Ce nouvel itinéraire permet de réduire les émissions de carbone de 27 % tout en améliorant la fluidité du trafic routier. Nous avons encore des projets pour aller plus loin, notamment en ayant recours aux voies navigables intérieures. 

Le deuxième exemple a quant à lui le potentiel de réduire nos émissions de CO2 de 75 %. L’année passée, nous avons réalisé un test en transférant 1.200 des 1.300 km du transport en camion de nos produits Nescafé et Nescafé Dolce Gusto, fabriqués à Gérone, sur un train reliant Perpignan à Anvers. 

Au total, à travers les 3 projets menés en 2023, nous obtenons un potentiel de réduction des trajets par camion diesel d’environ 1 million de km par an. 

Qu’avez-vous appris de ces projets en 2023 et comment envisagez-vous la logistique dans le futur ?

Dans notre métier nous avons l’obsession d’améliorer continuellement les choses. Et dans mon équipe, nous ne visons pas la perfection mais nous voulons apprendre et obtenir des résultats rapidement. Déjà, en janvier, nous avons adapté l’itinéraire afin que le camion puisse profiter au maximum de l’énergie solaire produite dans notre entrepôt de Ghislenghien. Si les panneaux ne produisent pas suffisamment d’électricité, nous basculons sur le réseau au travers d’un contrat d’énergie 100 % vert et belge. Il est important d’être cohérent sur l’ensemble du projet  si l’on veut avoir un réel impact sur nos émissions totales. Notre camion électrique permet une diminution de 70 tonnes de CO2 par an. 

Je remarque aussi un changement majeur dans les mentalités. Il n’y a pas si longtemps encore, les entreprises cherchaient à tout faire par elles-mêmes, aujourd’hui il y a une plus grande ouverture aux collaborations en matière de durabilité. Les différentes technologies évoluent très vite et le temps presse pour diminuer durablement nos émissions. C’est pour cela que notre approche de test est cruciale, au même titre que la collaboration avec les détaillants, les entreprises de logistique, les autorités et même nos concurrents. Personne n’y arrivera seul ! La durabilité est clairement un sujet non compétitif, sur lequel nous pouvons agir et grandir ensemble. J’invite les personnes intéressées par le dialogue, la coopération et le partage d’expériences à nous contacter.