Une étude menée par Edenred prouve leur impact positif. Mais il peut encore être renforcé.

La perception des défis écologiques qui s'imposent à nous a changé de nature: un vrai sentiment d'urgence anime nos communautés. Les états, qui ont souscrit des engagements fermes, doivent veiller à les respecter. Quant aux entreprises, elles ne se saisissent pas seulement du problème pour exercer leur responsabilité sociale. Elles savent que les citoyens, qui sont aussi leurs consommateurs, sont plus conscients, plus exigeants, et aussi plus disposés à poser des choix de consommation durables. La Belgique s'est dotée en 2009 d'un outil pour inciter à l'achat de produits et services plus écologiques: c'est l'éco-chèque. Il revient dans l'actualité à la faveur d'une étude d'opinion lancée par un des principaux émetteurs de ces titres, Edenred. Ses résultats indiquent que la formule a manifestement déjà plus que contribué à faire adopter les bons réflexes. Nous avons rencontré Olivier Bouquet, Directeur Général d'Edenred Benelux, au moment où son entreprise lance une campagne de communication aidant le public à mieux identifier la large gamme de produits et services auxquels l'éco-chèque livre accès. Et nous avons également recueilli les opinions et témoignages de retailers engagés dans la voie du durable.  

Olivier Bouquet, peut-être n'est-il pas inutile de rappeler à quoi servent les éco-chèques?

La vocation des éco-chèques, la mission que leur a confié le législateur, c'est d'orienter vers des produits et services écologiquement responsables une partie du pouvoir d'achat des travailleurs. C’est pourquoi ils bénéficient d’un cadre légal avantageux, tant pour l’employeur que le travailleur. Mais il ne faut surtout pas réduire le mécanisme à ce seul aspect. Les éco-chèques doivent former un vecteur de changement. Nous avons manifestement atteint une période charnière: les préoccupations environnementales ne sont plus l'apanage d'un petit groupe militant. Le grand public commence à se sentir responsable d'une planète dont il comprend qu'elle est fragile. Reste encore à passer de cette attitude consciente à un comportement d'achat concret, qui privilégie les produits et services écologiquement vertueux. Les éco-chèques sont là pour aider leurs bénéficiaires à franchir ce pas, à passer des bonnes intentions à l'acte concret, au choix délibéré.

Ca, c'est l'objectif. Mais cette mission est-elle remplie?

C'est ce que nous avons nous-mêmes cherché à savoir, pour assumer notre responsabilité d'émetteur de titres. Attention: contrairement à une idée reçue, l'éco-chèque n'appartient pas aux organismes émetteurs, mais au gouvernement et aux représentants des employeurs et travailleurs réunis au sein du CNT (Conseil National du Travail). Mais en pratique, c'est bien sûr notre rôle de tout faire pour que leur initiative soit un succès. Aussi avons-nous lancé en 2017 une grande enquête auprès de nos 820.000 utilisateurs, qui bénéficient à travers le Ticket Ecochèque d'un montant cumulé de 115 millions d'euros. Ses résultats, recueillis auprès de pas moins de 40.000 répondants, sont plus qu'encourageants. 34% d'entre eux nous disent que les éco-chèques les ont aidés à prendre conscience de ces enjeux et à adapter leur pattern de consommation vers du plus durable. C'est déjà un résultat remarquable, qui prouve l'efficacité de cet outil, et qui nous encourage aujourd'hui à redoubler d'efforts pour sensibiliser le public.

Au-delà de son impact qualitatif sur les choix de consommation, l'éco-chèque remplit-il un rôle économiquement utile, y compris pour les producteurs et les distributeurs?

C'est une évidence, compte tenu de l'affectation de l'éco-chèque: voilà un pouvoir d'achat qui va être canalisé vers de la consommation, et pas vers de l'épargne. Et cette consommation se fera obligatoirement auprès d'opérateurs locaux. Une caractéristique qui n'est pas anecdotique, quand on considère la pression qu'exercent aujourd'hui les achats transfrontaliers et le shopping sur le web, souvent auprès de marchands étrangers. L'argent défiscalisé dont bénéficient les salariés est donc bien réinjecté dans le circuit économique local, et il dynamise des produits et services à valeur ajoutée environnementale.

Le reproche qu'on adresse souvent aux éco-chèques, c'est que leurs bénéficiaires ne savent pas toujours à l'achat de quels produits ils peuvent les consacrer.

C'est exact, même si des efforts considérables ont été fournis par les émetteurs de titres tels qu'Edenred. Plutôt que de dresser des listes de produits, nous avons décrit des catégories de produits concernés, mobilisé les supports de communication destinés à nos bénéficiaires. Sous l’impulsion des partenaires sociaux, la liste des produits éligibles a été simplifiée et élargie en juin 2017. On peut certainement faire bien mieux encore, et c'est précisément pourquoi Edenred lance une nouvelle campagne de sensibilisation à travers la tournée 'eco-cheque on tour'. Notre conviction est aussi que la digitalisation de l'éco-chèque pourrait contribuer à cet objectif. Pouvoir interagir avec chaque bénéficiaire, l'informer à intervalles régulier, lui rappeler à trois reprises - trois mois, un mois et une semaine avant l'échéance de validité du titre - qu'il dispose d'un crédit à utiliser sur toute une gamme d'articles, c'est autrement plus efficace que de se contenter de lui remettre un flyer explicatif avec ses premiers éco-chèques.

 

L'autre doute qui circule parfois porte sur l'utilité réelle des articles que l'on peut acquérir avec ces titres.

Une légende à laquelle il faut tordre le cou, et la tournée que nous organisons va s'y employer! Nous avons appliqué à l'affectation des éco-chèques le modèle de la célèbre pyramide de Maslow: il y a une réponse pour chaque besoin du consommateur. Les éco-chèques vous permettent de vous nourrir, vous loger, vous déplacer, pratiquer vos loisirs... Dès que le déclic se fait, le bénéficiaire le comprend parfaitement et saisit ensuite activement les opportunités d'en profiter.

Edenred lance donc aujourd'hui cette initiative baptisée "ecocheque on tour"...

Notre "ecotruck" part en effet à la rencontre du consommateur, sur le terrain, conformément à notre volonté de sortir d'une communication restreinte à la distribution de flyers. La tournée va visiter une foule d'endroits décrits en ligne sur l'adresse ecotruck.edenred.be. Des parkings de magasins, des centres commerciaux, mais aussi les sièges de grandes entreprises ou organisations qui commandent ces titres pour leurs collaborateurs. C'est une excellente occasion de démontrer de façon souriante au public l’étendue et la diversité des produits et services qu'il peut acquérir grâce au Ticket Ecocheque. Edenred a décidé d'aller jusqu'au bout de cette logique écologique en s’associant à divers partenaires, dont Natagora et Natuurpunt, pour entre autres compenser les émissions de CO2 émises par l’ecotruck. Une centaine d’arbres seront plantés, couvrant une surface de plusieurs centaines de m2. Et d'autres acteurs-clés, tels que PEFC et Ecolabel, soutiennent cette initiative.  

Vous avez un message à adresser aux retailers et aux fabricants?

Ce serait sans doute "saisissez-vous de l'opportunité que représente l'éco-chèque !" D'abord parce que c'est notre responsabilité collective d'en faire un succès. Mais aussi parce que les retailers ou marques qui l'ont compris et ont ajusté en conséquence leur communication ou leur signalétique en ont tiré parti en termes de chiffre d'affaires et de panier moyen. C'est aussi un excellent vecteur pour mettre en valeur les initiatives et les produits que votre marque ou enseigne met en place en termes de consommation durable. L'éco-chèque est un outil unique en Europe, et je vous garantis que d'autres marchés examinent son principe avec un mélange d'intérêt et d'envie. Comment ne pas en profiter pour le mettre au service de vos propres objectifs et illustrer vos bonnes pratiques de retailer ou fabricant ?

 

L'avis du food retailer

 

Marie Bersou, Director of Strategy, Carrefour Belgium : “Un rôle utile, une pédagogie à renforcer”

L’écologie est une valeur essentielle dans la stratégie de Carrefour. Récemment, cet aspect a d’ailleurs été plus largement encore intégré dans notre plan de transformation, qui affiche clairement l'ambition qui est la nôtre d'aider nos clients à mieux manger, et de nous affirmer comme leader mondial de la transition alimentaire pour tous. Tout ce qui oriente le consommateur vers une consommation vertueuse est le bienvenu.

A ce titre, les éco-chèques peuvent jouer un rôle utile, à condition bien sûr qu’un effort pédagogique se renforce envers le consommateur. Le principal frein à l’utilisation des éco-chèques est connu: il a longtemps eu quelque peine à identifier les produits concernés. On ne peut donc que se féliciter des nouvelles initiatives prises pour le sensibiliser et renforcer sa connaissance du système. C’est ensemble, avec nos partenaires, que nous pourrons éduquer le consommateur, le guider de façon intuitive vers des produits à caractère écologique, et le sensibiliser à la cause durable. C’est d’ailleurs une demande du consommateur lui-même. Nous ne pouvons vivre en dehors de notre environnement.

 

L'avis du retailer

Iris De Herdt, Sustainability Leader, Ikea Belgium : “L'importance d'une communication systématique”

Nous avons pleinement à coeur chez Ikea d'exercer notre responsabilité sociale, ce qui explique pourquoi nous insistons sur les enjeux durables. Nous le faisons dans l'entreprise elle-même, mais aussi à travers nos clients. Nous y sommes d'autant  plus sensibles que nous accueillons chaque année des millions de clients, et que ceci peut exercer un impact important. Nous voulons par conséquent inspirer nos clients pour qu'ils posent eux-mêmes à domicile un petit geste durable, puisque si ces millions de gens épargnent un peu d'énergie et un peu d'eau, sont un peu plus attentifs à leur alimentation, ou produisent un peu moins de déchets, l'effet démultiplicateur nous permettra de franchir un grand pas vers un avenir durable.

Concrètement, nous tâchons de soutenir de différentes façons les produits de notre assortiment qui aident le consommateur à faire ces petits pas de progrès. Et les éco-chèques représentent un renfort bien utile, puisqu'ils nous livrent un incitant supplémentaire pour convaincre le public d'investir dans des produits durables. Les éco-chèques lui permettent d'acheter 1.024 produits appartenant à notre gamme de produits vertueux. On y trouve aussi bien des articles très bon marché - comme une lampe LED à 1 euro - que des références plus coûteuses, comme des panneaux solaires. Cette largeur d'assortiment, nous l'avons voulue pour démocratiser l'accès au durable. Les clients associent encore trop souvent produits durables à produits coûteux. Les éco-chèques contribuent à corriger cette perception. Nous remarquons d'ailleurs souvent que quand les clients investissent dans un achat important, comme une cuisine, ils se tournent d'autant plus facilement vers un exemplaire durable que les éco-chèques sont là pour leur permettre d'absorber cet effort, sans avoir ensuite à se préocupper de l'échéance d'utilisation de leurs titres.

Ceci m'amène aussitôt au problème crucial auquel sont confrontés les éco-chèques: bien des gens ignorent encore où et pour quels achats les utiliser. Nous tâchons d'y remédier avec une communication claire, aussi bien online qu'offline. Notre principal effort se concrétise en magasin, autour de l'assortiment présenté, puisque c'est face à lui que la clientèle va poser ses décisions d'achat. Chaque produit durable susceptible d'être acheté avec des éco-chèques porte sur son étiquette de prix un sticker porteur d'un message sans ambiguïté: "Cet article de Ikea peut être payé avec des éco-chèques en papier". Mais nous inspirons aussi nos clients sur notre site web, avec notamment une page livrant un aperçu de tout ce que ces titres permettent d'acheter chez nous. Nous nous efforçons aussi d'informer les bénéficiares à travers les vecteurs de communication d'Edenred ou Sodexo. Mais la voie royale vers l'achat durable se trouve bien en magasin.

Les éco-chèques nous aident à vendre des produits durables. Nous n'avons plus à convaincre nos clients qu'un produit durable est un bon investissement à long terme. Ils sont bien conscients de ce que les éco-chèques entendent soutenir, et accordent dès lors plus volontiers leur confiance aux produits qu'ils permettent d'acheter.