Le Groupe Carrefour a publié ce 20 février ses résultats à l'issue du dernier trimestre 2023. Geoffroy Gersdorff, le Directeur Général de Carrefour Belgium, les a commentés pour nous.

Geoffroy Gersdorff, au-delà des résultats du Groupe Carrefour, comment décrire plus spécifiquement ceux de la Belgique ?

Ils sont positifs, puisque nous connaissons une croissance de 9% en chiffre d'affaires consolidé, like for like. Au 1er semestre, nous avons progressé de 13,3%, au 2e semestre de 7,9%. Plus largement, nous avons connu 6 semestres de croissance successifs. Ce qui est particulièrement positif, c'est que cette croissance se manifeste non seulement en valeur, mais aussi en volume. Nous regagnons aussi des parts de marché sur les trois formats, semaine après semaine.

Comment l'expliquez-vous ?

Contrairement à ce que d'aucuns pourraient dire, cette croissance de Carrefour en 2023 n'est pas due à un "effet Delhaize", suite au conflit social qu'a connu cette enseigne. Nous regagnions déjà des parts de marché auparavant. Et surtout, nous avons énormément travaillé autour de grands critères importants pour notre clientèle : autour de la problématique du pouvoir d'achat. Autour de notre marque propre, autour de l'accueil client. Autour du confort dans nos magasins et de la qualité d'exécution. Ça, ce n'est pas simplement un discours, ce sont des chiffres et des faits, et les faits sont têtus. Notre indice de satisfaction client mesurée par le NPS s'améliore et atteint un niveau record sur la fin de l'année. Tout cela est le résultat des efforts de nos collaborateurs et de nos franchisés, ils peuvent être fiers du travail qui a été accompli. Et on sort de 2023 plus forts, et plus appréciés par nos clients. Ce qui nous emmène à vouloir poursuivre nos efforts et continuer à poser des choix forts, pour redevenir rentable en 2024. C'est très clairement la direction dans laquelle nous allons.

Comment pose-t-on de tels choix ?

On a énormément d'interactions avec les clients, ils sont 720 000 à visiter nos magasins chaque jour. On a plus de 3000 interactions clients par semaine, sous forme de questions ou remarques. Et nous avons réalisé 400 tables clients thématiques durant toute l'année, afin de bien comprendre ce que veut le client. Donc 400 tables clients c'est ces thématiques donc on prend à chaque fois un sujet. Et très clairement, on sent bien que le pouvoir d'achat reste la préoccupation prioritaire. Nous nous battons tous les jours pour y répondre. Contre cette inflation, on est en mode combat. Lutter contre l'inflation, ce n'est pas seulement avoir les prix les plus bas, ce modèle-là ce n'est pas une solution. Nous proposons plus de 400 promotions chaque semaine. Notre programme de fidélité est le plus populaire du pays, avec ses 2,3 millions de ménages encartés, et il est jugé comme celui qui répond le mieux aux attentes des clients.

Qu'est-ce qui ressort de positif de toutes vos études ?

Quatre grands sujets:  notre programme de fidélité. Notre présence physique, partout. En 3,  notre choix,  notre offre alimentaire et non alimentaire, laplus importante du pays. Et en quatrième position, la notion de transition alimentaire autour du bio et du local.

Comment lutter contre l'inflation ?

Nous en sommes à la 6e baisse de prix. On négocie pour faire baisser les prix, mais à côté, on a la promotion, le programme de fidélité et puis notre assortiment jugé par les clients comme étant celui qui permet de gérer au mieux leur budget, parce qu'il propose du premier prix, de la marque propre et de la marque nationale. Ce qui permet d'arbitrer en fonction de ses besoins réels et en fonction de son budget. On a revu 100% des recettes, ces dernières années. Le client le voit, et ceci lui permet d'accéder à la transition alimentaire, avec moins de sucre, moins de sel moins d'emballage. On a supprimé les substances controversées. Sur tout ce qu'on avait annoncé dans act for food, on a tenu parole, et ceci permet au consommateur de trouver des produits Carrefour 30% moins chers que les marques nationales, et de meilleure qualité. Jamais on n'en a vendu autant : un produit sur deux. Et en même temps, ils n'ont jamais été aussi sains et aussi durables.

Que reste-t-il aux marques ?

Il ne s'agit pourtant pas de les opposer à nos MDD. On veut être leader en marques nationales, historiquement, nous y avons toujours offert le plus large choix. On veut les accompagner. Simplement, pour qu'une marque nationale reste dans nos rayons, elle doit être accessible, payable pour le consommateur. Ensuite, elles doivent garder une valeur ajoutée par rapport à la marque propre. Nous allons donc développer un nouveau protocole d'innovation, pour restimuler celle de la marque nationale. Nous voulons être le partenaire de sa relance, son meilleur ambassadeur. Mais à ces deux conditions impératives.

Comment gère-t-on trois formats si différents ?

On travaille sur mesure, chaque format a son propre folder. Ça va bien plus loin, chaque magasin a sa logique d'assortiment optimisée, on l'adapte en fonction de leur environnement, de leur clientèle, et on utilise pour le faire toute la data dont nous disposons. Pour la proposer aux fournisseurs, mais aussi pour l'exploiter nous-mêmes.  On observe le comportement et on fait des propositions d'adaptation d'assortiment. Un tel travail n'était pas gérable en compilant des fichiers Excel, nous profitons maintenant des nouveaux outils développés par le groupe, comme 'l'Assortment Builder', par exemple.

Retrouver la rentabilité en 2024, c'est votre objectif principal

Bien sûr, et là, on a travaillé sur tous les indicateurs du tableau de bord, que ce soit les la productivité en magasin ou le déploiement de la méthode Maxi, avec des produits présentés sur palette, en shelf ready pacakaging. Nous venons de déployer de nouveaux devices, qui centralisent en fait sur un seul outil l'ensemble des tâches d'un collaborateur en magasin. C'est assez bluffant à voir on peut contrôler le stock, passer une commande, changer un prix, commander l'impression d'une affiche, etc. On a augmenté nos facilités de transport, on est en train de travailler sur l'efficacité de notre de nos prédictions des volumes. On a travaillé sur les fréquences de livraison de notre logistique, sur le coût de l'énergie, que nous avons fait baisser de 12%. On travaille donc sur les deux fronts : l'attractivité de l'assortiment, de la promo, du programme de fidélité, de notre marque Carrefour, et d'autre part, améliorer notre rentabilité, que nous devons retrouver en 2024. On y sera. On va continuer à poser des choix forts. On sait qu'on doit aller chercher de la rentabilité dans nos magasins intégrés. On travaille en concertation constante avec les partenaires sociaux. On est à l'écoute de leurs propres propositions. Nous on amène les nôtres. Et on doit chercher magasin par magasin c'est pas.

C'est un travail permanent et exigeant ?

Je passe mon temps, avec l'ensemble du Comex à m'assurer qu'on atteint les caps qu'on s'est fixés, et on les passe et pour l'instant, on est plutôt même en avance de phase que en retard. On a vu des trajectoires de magasins en 2023 qui n'étaient pas rentables et qui le sont redevenus. C'est bien magasin par magasin que ça se joue, chacun a une responsabilité de veiller à sa propre rentabilité. C'est comme ça qu'on y arrivera, en jouant à la fois sur l'attractivité et les lignes de coûts. On va laisser nos concurrents faire ce dont ils ont envie, nous avons notre propre histoire, identité. On se perd souvent, à essayer de suivre un peu tout le monde. Je ne veux pas être à tout prix le moins cher en Belgique, je pense que le client vient chez Carrefour parce qu'on lui raconte autre chose un assortiment, du service, des formats traversés par le même programme de fidélité, des promotions différentes de celles des autres, on raconte autre chose. A commencer par notre engagement sur la transition alimentaire.

Cela reste vivace, cet argument, en période d'inflation ?

Aujourd'hui consommer belge, sain et responsable, c'est possible pour tous les budgets, et c'est ce qu'on démontre depuis des années à travers les filières qualité Carrefour, à travers les circuits courts, notre marque propre. On va poursuivre dans cette voie. Le client a bien compris que sa consommation avait un impact sur sa santé. Il a bien compris que sa consommation a un impact sur l'environnement mais il est un peu perdu, pour une question budgétaire ou une question de connaissance. A nous de le guider et l'aider. On peut être fiers dans cette entreprise de notre historique de relation avec des producteurs, des entreprises, des producteurs locaux. Pour certains, ça fait 20 ans qu'on travaille avec eux, avec des contrats longue durée. Ça fait 22 ans qu'on est à la fois agricole de Libramont. Et pas par opportunisme. On y est là parce que on a un rôle à jouer. Le monde agricole a des revendications tout à fait légitimes. Il faut maintenant trouver le bon le bon équilibre. On va continuer à travailler à promouvoir l'agriculture belge

Des projets très concrets pour 2024 ?

On a ouvert 6 magasins ces dernières semaines, en centre-ville.. On va en ouvrir 20 et dans ces modèles d'expansion on va aussi commencer à déployer Buy Bye, nos magasins automatiques sous forme de frigos autonomes, en complément d'un express ou d'un market. À côté donc c'est toujours assez. Enfin, il y a le marché B2B sur lequel on veut petit à petit se développer. Nous avons des offres en promo en permanence, et ceci doit nous  permettre de répondre à une demande de plus en plus importante des PME ou d'association et autres. De façon générale, on va poursuivre les efforts. Mais pour l'instant, je touche du bois, ça fait un an et demi que je suis là et ça fait un an et demi que ça donne des résultats. On va faire quelque chose de bien parce que nos collaborateurs, nos franchisés et nos clients le méritent. J'ai beaucoup de détermination. Et je crois qu'on a beaucoup de choses en mains dans cette entreprise pour y parvenir.