Voilà un rebondissement qui inspirera peut-être un jour les scénaristes d’une série télévisée. Elle ne s’appellerait pas Dallas mais Essen, et l’empire du discount y remplacerait celui du pétrole.

Plus besoin de vous présenter les fondateurs d’Aldi, les frères Théo et Karl Albrecht, ni de décrire leurs principes de rigoureux ascétisme, leur voeu de totale discrétion, ou le Yalta familial qui les vit diviser leur empire en 1960 entre Aldi Nord, attribué à la branche de Theo, et Aldi Süd, supervisé par la lignée de Karl. Theo disparut en 2010, quatre ans avant son frère. Sa veuve Cäcilie Albrecht, qui avait joué un rôle très actif dans la construction d’Aldi, resta très impliquée dans la vie d’Aldi Nord, puisqu’elle siégeait au conseil d’administration d’une fondation, Markus, contrôlant 61% du capital de cette branche du discounter. Deux autres fondations, détenaient chacune 19,5% du capital, celles contrôlées par les fils de Theo et Cäcilie: Theo (fondation Lukas) et Berthold (fondation Jakobus), lui-même décédé en 2012.

Cäcilie Albrecht, la patriarche et veuve du cofondateur, est décédée récemment, en novembre 2018. Non sans avoir laissé une surprise dans son testament. Elle exprime sa volonté d’interdire  à la veuve de Berthold, Babette, et à leurs enfants, d’exercer le moindre rôle dans la vie de l’entreprise. Elle leur reproche un train de vie bien trop luxueux, qu’elle attribue à un siphonnage en règle de 100 millions d’euros depuis leur fondation Jakobus. Le testament de Cäcilie Albrecht, publié ce weekend par l’hebdomadaire Bild am Sonntag, est explicite: “Je prends les mesures nécessaires à la préservation de la philosophie de notre famille, qui est de servir le consortium Aldi Nord, et de le favoriser en mettant de côté ses intérêts propres tout en adoptant un mode de vie sobre et modeste.” Cäcilie Albrecht souligne que son fils Berthold Albrecht avait lui-même, de son vivant, exprimé des doutes sur les capacités de ses enfants à gérer de façon responsable l’avenir du consortium et de ses collaborateurs.

Ce missile posthume est aussi clairement dirigé vers la veuve de Berthold Albrecht, Babette, dont le style de vie flamboyant est aux antipodes de celui des fondateurs de la dynastie du discount. Les frères Albrecht étaient maladivement discrets - il n’existe qu’à peine qu’une ou deux photos les représentant - et le kidnapping de Théo en 1971, ensuite libéré contre paiement d’une rançon, avait clairement convaincu celui-ci de vivre à l’abri du monde et des media. Babette Albrecht, c’est tout le contraire: celle que les media allemands surnomment “la veuve joyeuse” aime le faste et le glamour, a participé à la version allemande de Danse avec les Stars, s’affiche dans les bals mondains ou accorde des interviews au magazine Gala.

Les avocats de Babette et de ses enfants s’insurgent contre les reproches formulés dans le testament de Cäcilie, soulignant qu’ils n’ont jamais, depuis la mort de leur père, cessé de fournir, via Jakobus, les moyens d’investissement nécessaires au développement d’Aldi Nord.