Delhaize a confirmé noir sur blanc ce 27 septembre les mesures d'accompagnement finales devant s'appliquer aux collaborateurs des 128 supermarchés lors de leur transition vers un supermarché Delhaize indépendant. Ce faisant, l'enseigne dit apporter de nouvelles garanties répondant aux préoccupations des représentants syndicaux et de ses collaborateurs.

Pendant plus de six mois, la confrontation entre Delhaize et les syndicats est restée dans l'impasse. Côté syndical, c'est purement et simplement le principe même du passage à la franchise qui était contesté. Et pour cause : en atomisant le parc intégré en 128 PME, il dilue ou efface les organes de représentation syndicale légalement prévus dans les entreprises comptant plus de 50 salariés. Mais les syndicats disaient aussi ne faire aucune confiance aux garanties offertes au personnel, quand bien même les indépendants se devraient de les respecter, dans leur engagement contractuel avec Delhaize. Rien n'interdisait de penser que les franchisés dénonceraient ces clauses de garanties six mois après la reprise des magasins.

Condamnés à négocier

Au cours de ces six mois, il était faux de prétendre, comme on l'a sans cesse entendu sur bien des media généralistes, que le blocage était total. Il l'était sur un point : Delhaize n'entendait logiquement pas renoncer à l'essence même de son plan, le passage à la franchise de ses 128 magasins intégrés. De tous les scénarios, c'est celui qui déplaisait le plus aux syndicats, puisqu'il les mettait à terme hors-jeu. On peut tout aussi logiquement concevoir qu'ils s'y soient opposés, en jugeant que les intérêts de leurs adhérents seraient moins efficacement défendus en l'absence d'un contre-pouvoir centralisé.

Mais voilà déjà quelques semaines qu'il n'est plus légitime de prétendre encore à un blocage total. Les syndicats, tout en le déplorant, savaient qu'ils ne disposaient pas réellement des moyens d'empêcher ce passage à la franchise, sauf à faire dégénérer le combat syndical, légitime, en une agit-prop mobilisant des sympathisants extérieurs aux organisations syndicales, et aux méthodes déplorables. Soyons clairs : la plupart des syndicats, socialistes et libéraux en tête, ont certes eu des propos durs envers Delhaize, et ont mené une guerre de tranchées sur le terrain, mais sans pourtant appeler comme d'autres à l'action en-dehors de leurs rangs et en-dehors de leur outils légitimes de lutte sociale. On a cru reconnaître dans les appels au boycott suscités au sud du pays des accents familiers : ceux qui ont fleuri en France autour de la France Insoumise, sur le sujet des pensions. Le problème, en invitant tout le monde à se joindre au cortège, c'est que vous vous retrouvez aussi avec les casseurs. Et ceux-là, bonne chance pour s'en débarrasser : vous ne les contrôlez pas. On en est là, avec ces stupides opérations de sabotage à Delhaize Flagey. On est même au-delà, avec ces actions nauséabondes où de courageux anonymes badigeonnent de peinture les domiciles de franchisés. Quiconque tentera de justifier par une "réponse à la violence sociale" le fait d'aller maculer la façade d'un repreneur indépendant, sans s'interroger sur la façon dont le vivront par exemple ses enfants qui y vivent, ne mérite que l'indignité et le mépris.

Il était donc plus que temps que l'image de ce conflit social cesse d'être un symbole cristallisant toutes les humeurs, frustrations et dérives. Aujourd'hui, ce sont 280 emplois qui sont condamnés chez Delhaize, en centrale et pas en magasin. Ce n'est même pas le sort des intéressés qui a attiré l'attention des media : c'est le passage au modèle de la franchise, présenté par principe comme une catastrophe, quand bien même ce modèle permettait de préserver les emplois existants en magasin. Avouons notre étonnement : le dossier Match a entretemps trouvé une solution pour 57 magasins cédés à Colruyt. Mais il laisse aussi sur la touche 690 emplois, en centrale comme dans les points de ventes non repris. Cette très mauvaise nouvelle annoncée vendredi ne semble déjà plus attrister grand monde le mercredi suivant. Parions que si une annonce avait permis de garantir un avenir aux 27 magasins restant sur la touche, mais à la condition de les faire exploiter en franchise, le drapeau noir flotterait aujourd'hui bien davantage sur la marmite. Comprenne qui pourra.

Une envie – ou nécessité – de conclure

Bref, il était grand temps qu'on reconnaisse être bel et bien occupés à négocier. En cela, l'initiative du Ministre Dermagne a été très habile. Convoquer les parties en présence autour du facilitateur Robert Tollet obligeait chacun à s'asseoir à table. Et à y faire preuve d'un petit peu de bonne volonté. Pour Delhaize, on s'efforça de ne pas venir les mains vides, puisque c'est très impoli quand on est invité. A défaut de pralines, on apporta un bouquet de mesures et de garanties un peu plus étoffé. Et côté syndical, on s'abstint de quitter la réunion après 15 minutes, sous prétexte que Delhaize n'aurait rien proposé : il y avait désormais un témoin neutre en mesure de contredire ce jugement abrupt. Les syndicats ont certes repoussé la proposition de Delhaize. Mais c'est désormais le jeu de la négociation, et l'aveu fait récemment par le syndicat social-chrétien flamand ACV Puls l'a confirmé.

Delhaize entend manifestement convertir l'essai, et pas seulement parce que la première ouverture d'un magasin converti à la franchise doit intervenir le 10 octobre. L'enseigne publie donc noir sur blanc son catalogue d'engagements et garanties. Des mesures décrites comme "finales", mais que le communiqué s'empresse de compléter par une formule moins rigide : " Delhaize reste, comme toujours, ouvert au dialogue avec les représentants du personnel et répondra systématiquement à toutes les questions dans l'intérêt de ses collaborateurs."

Les mesures d'accompagnement finales soumises par Delhaize :

1. Confirmation des conditions salariales et de travail

Delhaize s'engage à confirmer les conditions salariales et de travail actuelles dans une annexe au contrat de travail, qui sera adressée à chaque collaborateur des supermarchés. Toutes les conditions de rémunération actuelles seront confirmées dans cette lettre signée par Delhaize, le repreneur ainsi que le collaborateur en personne.

2. Prime de transition

Pour récompenser les collaborateurs de nos magasins pour leur engagement continu à fournir un service de qualité envers nos clients, Delhaize attribuera une prime de transition. Cette prime s'élève à 1.645 euros brut et est majorée de 125 euros brut par année d'ancienneté.

3. Garantie de ne fermer aucun magasin

Delhaize confirme qu’elle cherchera un repreneur pour tous les supermarchés en gestion propre dans le cadre du Plan d’avenir et que le supermarché restera en gestion propre jusqu'à ce qu’un repreneur soit trouvé. Delhaize s'engage donc, dans le cadre du Plan d’avenir, à ne fermer aucun supermarché en gestion propre selon les principes de la loi de fermeture d'entreprises. Cette garantie a lieu jusqu’à au moins fin 2028.

4. Garanties concernant les maladies de longue durée, la reprise progressive du travail et les restrictions médicales

  • Collaborateurs avec restrictions médicales : les restrictions médicales indiquées dans le formulaire d'évaluation de la santé seront également transférées, comme prévu.
  • Collaborateurs en reprise progressive du travail : l'annexe individuelle au contrat de travail dans le cadre de la reprise progressive du travail est également transférée.
  • Collaborateurs en maladie de longue durée : ces collaborateurs seront transférés.

5. Garantie concernant les heures supplémentaires restantes

Par défaut, les heures supplémentaires restantes sont transférées. À la demande du collaborateur, celles-ci peuvent être payées au moment de la transition.

6. Garantie concernant le maintien des avantages financiers de crédit-temps de fin de carrière pour les collaborateurs des magasins

Delhaize s'engage à ce que les collaborateurs des magasins bénéficiant d'un crédit-temps de fin de carrière en cours au 26 juin 2023 le conserve auprès de leur nouvel employeur.

7. Indemnité forfaitaire de départ en cas de retraite anticipée

Les salariés éligibles à la retraite légale anticipée à la date de transition de leur magasin ou dans les 6 mois qui suivent, peuvent mettre fin à leur contrat de travail à une date à déterminer entre les parties (y compris l'exploitant indépendant) et percevoir une indemnité forfaitaire de départ d'un montant brut de 10.000 euros (au prorata en fonction des heures de travail à la date du 15 septembre 2023).