Selon une étude de l'économiste belge Olivier Malay, sept grandes entreprises alimentaires belges ont exceptionnellement profité des prix élevés des supermarchés, avec des bénéfices six fois supérieurs. Les foodretailers ont en revanche vu leurs bénéfices diminuer.

L'économiste Olivier Malay jette un pavé dans la mare : une étude qu'il a réalisée montre qu'une poignée d'entreprises alimentaires de notre pays ont bénéficié de l'inflation élevée et ont vu leurs revenus multipliés par six en 2022. Après avoir étudié des milliers de bilans annuels individuels déposés à la Banque nationale, il en a conclu que sept entreprises ont réalisé des bénéfices exceptionnels : les transformateurs de pommes de terre Clarebout Potatoes, Agristo et Lutosa, le sucrier Tereos, le producteur de pâtes alimentaires Soubry, la raffinerie de sucre de Tirlemont et la branche belge du producteur international d'ingrédients alimentaires Cargill. Clarebout Potatoes a enregistré un bénéfice d'exploitation de 167 millions d'euros en 2022, contre une moyenne de 1,3 million d'euros au cours des quatre années précédentes. C'est plus de 10 fois plus. Un phénomène similaire s'est produit chez Agristo et Lutosa, deux autres transformateurs de pommes de terre. Pour l'ensemble des sept entreprises, les recettes ont augmenté de 40,2 % et les dépenses de 34,8 %. Ce faisant, elles ont contribué aux prix exceptionnels pratiqués dans les supermarchés, considère M. Malay.

Tout le monde n'en profite pas dans les mêmes proportions

Cette augmentation des bénéfices n'est pas observée partout dans l'industrie alimentaire, souligne Olivier Malay, qui enseigne à l'ULB mais est également affilié au syndicat ACV Food and Services et a publié son étude sur le site web du think tank progressiste Minerva. Seulement 46% des entreprises alimentaires ont réalisé plus de bénéfices en 2022 qu'en 2021. Greenyard, The Pork Group, La Lorraine et What's Cooking ? ne figurent pas sur la liste. "Dans l'ensemble, l'industrie alimentaire belge a profité de la situation pour augmenter son bénéfice moyen de 33,2% entre 2021 et 2022", annonce Olivier Malay. La croissance des bénéfices est même de 78 % pour les grandes entreprises alimentaires (200 employés et plus). À proprement parler, ces bénéfices en forte hausse pourraient avoir d'autres causes que l'accroissement des marges, mais Malay estime que c'est peu probable. Les bénéfices doivent s'expliquer, du moins en partie, par des marges accrues. Le fait que certaines entreprises alimentaires aient réussi à augmenter leurs marges de manière significative est attribué au pouvoir qu'elles détiennent sur le marché. Une analyse plus globale, selon M. Malay, montre que de nombreux acteurs internationaux ont également bénéficié de la hausse des prix des denrées alimentaires. Il s'agit notamment de grandes entreprises de transformation alimentaire, telles qu'Unilever et Mondelez, ainsi que de grossistes alimentaires ou de spéculateurs.

Les supermarchés voient leurs bénéfices diminuer

Les supermarchés n'ont pas profité de la forte inflation dans notre pays. Au contraire, ils ont vu leurs coûts (2,63 milliards d'euros) augmenter plus que leurs revenus (2,48 milliards d'euros). Leurs bénéfices en 2022 ont été inférieurs à ceux d'une année ordinaire, mais dans l'ensemble du commerce de détail alimentaire, la marge bénéficiaire en 2022 était plus élevée qu'avant la période Corona. "Si l'on considère les supermarchés, certains s'en sortent mieux que d'autres. Colruyt et Aldi sont les plus performants. En revanche, Cora, Match et Mestdagh enregistrent des pertes de plusieurs dizaines de millions d'euros. Ces trois entreprises sont pourtant déficitaires depuis des années. Leur situation n'est que peu liée à l'actualité". Il est plausible, selon l'économiste, que les supermarchés aient augmenté leurs prix en 2023 pour retrouver les bénéfices d'avant Corona. "Par exemple, le 12 décembre 2023, le groupe Colruyt a annoncé que son résultat d'exploitation est passé de 108 millions d'euros à 246 millions d'euros en un an (+128,1%)." Cela pourrait selon l'auteur de l'étude expliquer pourquoi les consommateurs ne remarquent que très peu la chute des prix des matières premières dans les rayons des magasins.

Gondola a contacté les entreprises alimentaires citées dans l'étude. Nous mettrons bien entendu cet article à jour quand leurs réactions nous seront parvenues.

"Des chiffres sortis de leur contexte"

À la Raffinerie tirlemontoise, Mélanie Lacambra, Communication & Marketing Officer, réagit à l'étude : "Les chiffres ont été sortis de leur contexte et déforment la situation. Nous tenons à préciser que le marché du sucre est en crise depuis 2017 et que nous avons subi des pertes ces dernières années. Ce n'est que l'année dernière que les prix du sucre ont enfin commencé à augmenter. Il est important de noter que nous n'avons aucune influence sur les prix du sucre car ils sont déterminés au niveau international. Nous tenons à souligner que la récente augmentation des bénéfices est plutôt due à la stabilisation du marché du sucre. En outre, nos agriculteurs reçoivent une compensation basée sur le prix du sucre et, depuis l'année dernière, ils reçoivent également une compensation plus importante, grâce à l'augmentation du prix de la betterave, ce qui leur permet d'opérer à nouveau de manière rentable".