Le nom fait référence au service de renseignement britannique MI6, mais la société gantoise ML6 a une toute autre mission, celle du Deep Learning en matière d’intelligence artificielle. « Nous n’avons heureusement plus à expliquer l’utilité de l’intelligence artificielle aux retailers: ils y travaillent tous », nous explique Nicolas Deruytter (33 ans), fondateur et directeur.

L'intelligence artificielle est un buzzword. Comment le ML6 y répond-il?

Nous sommes experts dans la création de systèmes d'auto-apprentissage, de plus en plus performants car alimentés par de bonnes données. Nous travaillons pour un large éventail d'industries, mais nous nous concentrons surtout sur le retail et le commerce électronique. L'intelligence artificielle peut être utilisée par les retailers de plusieurs façons. L'une d'entre elles est la vision par ordinateur, où une caméra intelligente permet de reconnaître les produits par leur apparence : forme, logo, couleurs, etc. Vous pouvez par exemple l'utiliser pour, progressivement, automatiser le processus de paiement à la caisse.

De cette façon, les caissiers pourraient-ils devenir superflus ?

Oui, de tels systèmes peuvent devenir de plus en plus intelligents, jusqu'à ce qu'ils atteignent un point où vous pouvez entièrement automatiser le processus. Mais vous pouvez également l'utiliser pour aider les employés, afin qu'ils puissent se concentrer davantage sur le client. Vous pouvez également appliquer la vision par ordinateur dans le processus logistique : si vous voyez qu'il y a quelque chose sur une bande qui n'a rien à y faire, vous pouvez intervenir. Vous pouvez aussi l'utiliser pour voir quels produits se trouvent dans certaines rayons et pour optimiser ces rayons. Et je pourrais continuer ainsi : il y a un nombre énorme d’applications.

Où obtenez-vous les données que les systèmes d'auto-apprentissage utilisent ?

Nous essayons d'être aussi larges que possible. Plus nous disposons d'informations pertinentes, meilleurs sont les résultats que nous obtenons. Nous faisons appel aux données des clients eux-mêmes - qui peuvent aller des profils sur un site au comportement d'achat hors ligne - mais aussi à des données externes, telles que les informations du marché de Nielsen, ainsi que les informations sur la météo, les événements ou le trafic, par exemple. Ces facteurs peuvent influencer le comportement d'achat. Avec l'aide de l'intelligence artificielle, vous pouvez déterminer exactement l'influence que vous avez. De cette façon, vous pouvez tracer de plus en plus précisément le comportement des consommateurs. L'objectif est d'approcher les clients aussi personnellement que possible. Plus vous pouvez devenir personnel, plus votre communication sera efficace.

Quelles sont les pierres angulaires pour les retailers souhaitant appliquer l'intelligence artificielle ?

La première pierre angulaire est la qualité des données. C'est sur cette base que tout repose. Souvent, il y a beaucoup de données, mais elles se trouvent à différents endroits et dans différents formats, et elles sont extraites de différentes façons. Tout cela doit être converti en données uniformes. De plus, il faut aussi tenir compte du fait que l'intelligence artificielle évolue très rapidement. Nous étudions en permanence les travaux académiques qui paraissent sur le sujet, afin de les traduire dans la pratique. Cela représente en soi une énorme quantité de travail. L'avantage est que nous n'avons plus à expliquer aux retailers l'utilité de l'intelligence artificielle : ils y travaillent tous.

Quelle application de l'intelligence artificielle a le plus grand impact sur retail?

Difficile à dire, car il y a plusieurs façons de l'utiliser. J'ai déjà donné l'exemple de la vision par ordinateur et de la communication personnelle, mais vous pouvez aussi l'utiliser pour prédire le comportement des consommateurs. Les algorithmes utilisent généralement des données du passé, mais vous pouvez aussi donner au système la liberté d'expérimenter et d'en tirer des leçons. Cela rend les prédictions plus intelligentes et meilleures. L'une des applications sur lesquelles nous travaillons également est celle des systèmes à commande vocale tels que Google Home. Nous collaborons avec Google, en tant que fournisseur de cloud computing, mais aussi en tant que source d'information externe. Il est important pour les retailers de travailler avec des systèmes à commande vocale : lorsque je suis assis dans le canapé et que j'ai faim, ils peuvent m'offrir quelque chose. C'est très ciblé, très précis.

Quels sont vos clients retailers ?

Nous travaillons pour Vente Exclusive et Coolblue, entre autres, mais aussi pour des retailers classiques. Nous avons commencé par le commerce électronique parce qu'il est facile d'avoir beaucoup de données, c'est notre berceau. Mais parallèlement, nous travaillons à une échelle beaucoup plus large.

Sortez votre boule de cristal : à quoi ressemblera l'intelligence artificielle dans cinq ans ?

On me pose souvent cette question, mais j'hésite à y répondre, parce que je ne veux pas me faire griller par de fausses prédictions. Je peux vous dire où je pense qu’elle ira : plus de communication conversationnelle avec le client, des véhicules autonomes qui fournissent des produits - si le gouvernement coopère - et une communication individuelle. La communication devra être beaucoup plus sophistiquée qu'elle ne l'est aujourd'hui. Le client n’en attendra pas moins.

Que représente le nom de votre entreprise?

ML signifie Machine Learning. Quant au numéro six derrière, c'est un clin d'œil au MI6, le service de renseignement britannique. On est un peu tous des James Bond (rire).