Tom Simonts, économiste financier senior chez KBC Group, partagera bientôt sa vision de 2022 lors du gala de Gondola Society. En prévision, nous nous sommes entretenus avec lui pour jeter un coup d’œil à l'année écoulée ainsi qu’à l'avenir.

Quels ont été selon vous les moments les plus perturbateurs de 2021 ?

Premièrement, il y a le tandem metaverse - technologie. Tout le monde semble penser qu'il est tout à fait normal que Facebook devienne une entreprise dans le metaverse. La facilité avec laquelle ces deux variables ont été adoptées m'a vraiment étonné, surtout parce que les répercussions dans des différentes domaines pourraient être énormes. Considérez, par exemple, les NFT : le marché s'élève à 40 milliards de dollars en 2021. Il en va de même avec la mesure dans laquelle les bitcoins et les altcoins peuvent être échangés librement et sans réglementation.

J'ai aussi de nouveau remarqué que notre système économique est incroyablement vulnérable en termes d'approvisionnement. Un bon exemple en est celui de l'Ever Given : comment un bateau parvient-il à causer des problèmes sur plusieurs fronts ? Ce n'était qu'un avant-goût de la mise à l’arrêt de toute la chaîne d'approvisionnement, avec une pénurie de pratiquement toutes les matières premières, tous les métaux et composants. Vous vous demandez alors parfois si le système de libre marché tel qu'il existe aujourd'hui est suffisamment autorégulateur. Si une perturbation, même minime, aboutit à un tel sac de nœuds, difficile à démêler, les entreprises seraient bien inspirées de réfléchir à deux fois à leur supply chain.

Enfin, j'ai remarqué à quel point les institutions telles que les banques centrales sont impuissantes quand il s’agit de réguler l'économie actuelle. Jusqu'à il y a un mois et demi, la banque centrale américaine insistait sur le fait que l'inflation était temporaire, ce qui s'est révélé être plus une utopie qu'une réalité. Ce sont des institutions utiles et nécessaires lorsque les choses se passent bien, mais pas lorsqu'il s'agit d'élaborer des politiques proactives. C'était assez surprenant d'un point de vue cynique.

Quel impact la crise a-t-elle eu sur notre façon de penser et d'agir ?

Le Coronavirus agit comme un panneau mettant en garde face à une rue à sens unique, ce qui peut avoir un impact positif énorme sur de larges pans de l'économie moderne. Nous nous sommes rendu compte que les choses devaient changer de toute urgence : nous devons adapter nos systèmes, gérer les stocks et le personnel, etc. Il n'y a pas de retour en arrière possible et c'est pour cette raison que les entreprises ont rapidement commencé à mettre à jour leur système de données. Nous devons également penser et agir de manière plus flexible. Le recrutement de personnel est à ce titre un bon exemple. Là où un futur employé, lors d'un entretien d'embauche il y a trois ans, demandait principalement s'il pouvait obtenir une voiture de société, tout dépend maintenant du nombre de jours en télétravail. C'est une énorme différence, car si vous avez une politique qui ne soutient pas ce changement, votre talent sera perdu. Cette crise a déplacé la guerre pour s'attirer les talents de la couleur de la voiture de fonction à l'aménagement et la déco du bureau à domicile.

Les répercussions sur les marchés immobiliers, la mobilité et bien d’autres secteurs sont également extrêmement importantes. Il y a deux ans, les camionnettes de livraison étaient critiquées pour leur pollution, mais aujourd'hui, nous sommes heureux qu'elles soient là pour que nos colis puissent être livrés à votre domicile. Le Covid-19 a été un catalyseur vraiment important dans d’incroyables domaines, chose que nous n’avions au début pas prévue.

Qu'attendez-vous de 2022 ?

2022 sera une année au cours de laquelle tout le monde espère que les problèmes de 2021 tels que les pénuries, les problèmes de chaîne d'approvisionnement, les problèmes de prix ou encore les pressions inflationnistes, disparaîtront. Les êtres humains sont des créatures d'habitude et pensent que si tout revient à ‘la normale’, les choses s'amélioreront forcément. Mais c’est une erreur de penser de la sorte. La réalité, c’est que la banque centrale américaine connaitra 3 à 4 hausses de taux en 2022. Ce sera donc la première fois depuis 2009 que la situation sera freinée et la première fois depuis 1990 que l'on ne pourra plus compter sur un taux d'intérêt en baisse constante, qu'il s'agisse de la consommation, du pouvoir d'achat ou du financement général. Nous allons nous retrouver dans un climat anormal, avec des taux d'intérêts progressivement en hausse, où les gouvernements devront faire face à des montagnes de dettes et où nous remettrons en question la stabilité de notre système financier. Cela sera-t-il déterminé par les cryptomonnaies ? Cette année finira par aller mieux, mais différemment. C'est normal que ça devient anormal.

Comment expliquez-vous cette anomalie ?

Il devient de plus en plus clair que l'ère numérique dans laquelle nous vivons est celle où il est possible d’atteindre une productivité plus élevée sans travailler davantage, où vous pouvez également inventer un système financier entier sans banque centrale. Est-ce le cas ? Ca c’est une autre question. Nous nous retrouvons dans une réalité complètement folle où l'on voit un monde parallèle qui s'appelle ‘metaverse’ et où il est apparement normal qu'un rappeur comme Eminem paie 100.000 euros pour des chaussures virtuelles. S'agit-il d'une situation absurde ou de la nouvelle anomalie ? Probablement la deuxième option. C'est une nouveauté, tout comme le déploiement de la multitude de tendances sociales dictées par la technologie, qui commencent à faire leur bout de chemin dans l'économie. Une économie qui, paradoxalement, va à nouveau pencher vers son ancienne version. En effet, à partir de 2023, la croissance économique va retombera à sa moyenne historique. Là, nous n'avons aucune raison de craindre des taux d'intérêt plus élevés. La question est aussi de savoir si nous pouvons autoriser ces taux d'intérêt plus élevés, les gouvernements nationaux ayant désormais beaucoup trop de dettes. 2022 pourrait vraiment être le début des années folles.

Moins de croissance à partir de 2023 ?

En effet. Comme en 2018, 2023 sera probablement une année avec moins de croissance, moins d'inflation, un marché de taux d'intérêt normal. En fait, une année un peu ennuyeuse. D'ici 2023, nous serons beaucoup plus avancés avec la blockchain, nous aurons peut-être une semaine de travail de 4 jours et il y aura de plus en plus de défenseurs de la redistribution partielle des richesses, sous quelque forme que ce soit, parce que quelqu'un doit payer la facture de Corona. Toutes ces éléments réunis feront que l'attention se déplacera beaucoup plus de la croissance vers une vraie modernisation du système. De cette manière nous pouvons devenir une société numérique et au lieu de penser que c'est déjà le cas, parce que nous pouvons travailler à domicile et faire des réunions en ligne.

Gondola Gala Night

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