Ces dernières années, Action a ouvert des magasins à un rythme incroyablement élevé dans un nombre toujours plus important de pays européens. Cet ‘expansionnisme’ a notamment mené le retailer sur le Meir anversois. Nous y avons rencontré son CEO, Sander van der Laan, qui a accepté de nous en dire plus sur le succès de son entreprise et sur ses projets.

Dire qu’Action est en pleine expansion est un euphémisme. En effet, la chaîne néerlandaise a conquis, l’an dernier, les terres d’Autriche et du Luxembourg. Entre-temps, elle a ouvert en octobre son 100ème magasin allemand et son 200ème magasin français, portant à 786 le nombre de ses points de vente répartis en six pays. Chez nous aussi, l’expansion se poursuit à un rythme effréné: la société dispose déjà de 129 magasins belges. L’une des dernières ouvertures se situe dans le Shopping Stadfeestzaal sur le Meir d’Anvers. Un centre commercial néo-classique dans l’une des rues commerçantes les plus fréquentées et aux loyers les plus chers de notre pays. Une situation exceptionnelle pour le discounter néerlandais.

 

Action est habituellement plus présent en périphérie des grandes villes. L’ouverture de ce point de vente est-elle le signe d’une nouvelle orientation ?

A l’origine, Action ouvrait en effet principalement des magasins en dehors des villes, souvent en bordure de grands axes, des lieux aisément accessibles en voiture. Nous poursuivons d’ailleurs en ce sens, mais nous souhaitons également amener Action là où les gens vivent, c’est-à-dire dans les villes. Nous voulons intégrer notre formule là où c’est possible et où cela a du sens, comme dans le cas du centre d’Anvers. Un bon emplacement correspondant à nos aspirations était disponible dans ce centre commercial. L’établissement a la taille et le format carré que nous aimons pour nos points de vente. Qu’il se situe en sous-sol ne présente pas d’inconvénient pour nous alors que ce pourrait être problématique pour un autre retailer. Les gens vont avoir besoin d’encore un peu de temps pour découvrir que nous sommes là, mais le magasin tourne très bien depuis l’ouverture. Bien sûr, c’est une toute autre dynamique: en ville, les clients dépensent différemment que dans des points de vente en bordure d’autoroute, tout simplement parce qu’ils ne sont pas venus en voiture. Néanmoins, nous avons la ferme intention d’ouvrir davantage de magasins urbains en Belgique.  

 

On a le sentiment que vous ne cessez d’ouvrir de nouveaux magasins. Où s’arrête votre ambition ?

L’an dernier, nous avons ouvert 141 nouveaux magasins et cette année 131, passant ainsi de 655 à 786. Et l’année n’est pas finie ! Je ne vais pas vous donner de chiffres précis, mais je peux déjà vous dire que nous en ouvrirons un peu plus en 2017 que cette année. Nous n’avons pas l’intention de nous attaquer dans l’immédiat à de nouveaux marchés parce que je pense qu’il faut d’abord consolider ceux sur lesquels nous sommes présents. Je songe en particulier à la France, à l’Allemagne et à l’Autriche où il y a encore largement la place de faire grandir la formule. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous ouvrirons en 2017  un second centre de distribution en France. Nous inaugurerons également le premier centre de distribution en Allemagne en avril prochain. Quant à l'Autriche, nous devrions certainement ouvrir une série de magasins l’an prochain. 

 

 

Une récente étude de PwC et de The Retail Academy fait apparaître que l’émergence de “low end retailers” comme Action impacte le marché FMCG. Ensemble, vous détiendriez 1% du marché.

D’abord, nous ne nous positionnons pas comme un “low end retailer”, parce que cela suggère des articles de qualité inférieure. Nous nous positionnons comme un discounter non-food qui propose un assortiment surprenant à bas prix. Nous ne vendons effectivement pas de Rolls Royce mais la qualité est au rendez-vous. En second lieu, Action est un disrupteur dans le paysage du retail. Nous proposons  une formule unique, que personne d’autre ne propose. Nous ne sommes pas un magasin de textile, ni de bricolage, ni un supermarché, ... Nous sommes un discounteur non-food dont l’offre se compose de treize catégories de produits différentes, parmi lesquelles de la nourriture pour animaux, des articles de bricolage ou de soins personnels, du textile, ... Nous créons la surprise à l’intérieur de catégories assez bien définies. Les deux tiers de notre gamme changent régulièrement. Nous sommes donc un peu présents dans différentes catégories. Nous ne sommes pas le concurrent n°1 des supermarchés ni des grandes chaînes de bricolage, mais nous sommes devenus un acteur qui compte dans certaines catégories.

 

Quel est, selon vous, le secret du succès d’Action ? Les prix bas ?

Il y a plusieurs raisons pour lesquelles les consommateurs apprécient Action, à commencer par la proximité: comme nous ouvrons de plus en plus de magasins, il y en a forcément un près de chez soi. En second lieu, nos magasins sont clairs et bien agencés, avec des meubles bas. Vous savez immédiatement à quelle catégorie vous avez affaire et, une fois dans le rayon, vous êtes surpris par l’assortiment sans cesse changeant et les prix bas. Aux Pays-Bas, une famille moyenne se rend seize fois par an dans un magasin Action. Toutes les quatre semaines, nous changeons 10% de notre assortiment, ce qui nous permet d’assurer une belle dynamique mais aussi de créer un lien émotionnel. Les clients repartent généralement avec huit ou neufs articles alors qu’ils ne venaient que pour un ou deux.

 

 

Il existe encore des chaînes de type ‘bazar’, mais aucune qui soit aussi active et rencontre un succès comparable à celui d’Action. Comment l’expliquez-vous ?

Le nom de notre marque existe dans toutes les langues d’Europe occidentale et a la même signification. Il décrit parfaitement ce que nous sommes. Nous recherchons  le dénominateur commun des pays dans lesquels nous évoluons, pas leurs différences. Nos magasins et nos gammes de produits sont identiquement les mêmes en France, aux Pays-Bas ou en Autriche, mais nous savons que les clients de tous ces pays veulent Axe ou Coca-Cola.

 

Action a souvent l’image d’un magasin de déstockage. Cette image correspond-t-elle à la réalité ?

Nous travaillons avec environ 500 fournisseurs réguliers que l’on peut répartir en trois groupes: les importateurs, les fabricants de marques A et les fournisseurs asiatiques. Nous travaillons donc structurellement avec un petit nombre de grands acteurs. Contrairement à l’image que beaucoup de Belges se font encore de nous, le déstockage ne concerne qu’un petit pourcentage de notre gamme. Les volumes sont tout simplement trop grands: avec un assortiment identique dans plus de 750 magasins, le déstockage est tout simplement inenvisageable.  

 

Vous êtes régulièrement critiqués pour vous fournir en Asie. Jef Colruyt, par exemple, prétend que la qualité ou composition de vos produits de marques A est inférieure. Que lui répondez-vous ?

Nous sommes attentifs à la qualité de chacun de nos articles. Et nos produits de marques A viennent des mêmes usines que ceux de Jef Colruyt. Nous avons qui plus est des liens directs avec l’Extrême-Orient où 56 personnes travaillent à temps plein pour Action. Leur mission est de contrôler que la qualité des produits corresponde à celle du reste de l’assortiment. Nous revendiquons haut et fort la qualité de nos produits !

 

Avec le modèle d’Action, n’en revient-on pas aux racines-mêmes du retail, acheter et vendre ?

Nous sommes exclusivement un retailer qui achète. Pour nos treize catégories, nous n’avons qu’un seul acheteur, une personne qui a le nez. Elle est aussi très libre puisqu’elle a mandat pour acheter jusqu’à 200.000 pièces d’un article sans avoir à nous en référer. C’est également une situation confortable pour nos fournisseurs car ils savent qu’avec nous un deal est un deal et qu’ils peuvent lancer sans crainte la production.

 

 

Cette simplicité et cette rapidité n’ont-elles pas quelque chose de frustrant pour le retail traditionnel ?

Il y a cinq ans, nous n’étions encore qu’une petite entreprise familiale dont le rayon d’action ne dépassait pas l'ouest de la Frise. Par la suite, nous sommes devenus un acteur de premier plan dans le Benelux et, aujourd’hui, nous sommes en passe de devenir une entreprise pan-européenne. Une telle croissance nécessite de bien s’entourer et nous sommes d’ailleurs sans cesse à la recherche de personnel, également au niveau du management. En l’espèce, la formation et l’expérience sont des atouts incontestables, mais travailler chez nous signifie aussi que l’on adhère à nos valeurs. Chaque semaine, je reçois personnellement cinq ou six mails de personnes souhaitant travailler pour Action parce qu’elles sont séduites par la rapidité et l’énergie qui émanent de l’entreprise.

 

Vous avez travaillé pour Ahold, un retailer d’un autre type. Peut-on comparer les deux entreprises ?

J’ai travaillé près de 18 ans chez Albert Heijn et Ahold, une très belle entreprise qui vient d’ailleurs de franchir une étape supplémentaire en fusionnant avec Delhaize. Mais chez Action, je me sens vraiment chez moi. Pourquoi ? Parce que c’est une ‘chouette’ formule. Une formule qui combine prix et surprise et qui convient au plus grand nombre. 72% des Hollandais fréquentent nos magasins et tous en sont ravis. J’apprécie aussi la rapidité et le dynamisme de l’entreprise. Et sa simplicité aussi: nous n’avons qu’une seule formule et un seul modèle. De plus, nous gardons les lignes courtes afin de pouvoir décider rapidement. Il arrive qu’en une seule réunion de deux heures, nous discutions de 29 nouveaux emplacements et que 24 soient  approuvés. Nous avançons à grandes enjambées.

 

Une dernière question: on parle beaucoup d’e-commerce mais, tout comme Primark d’ailleurs, vous réussissez à grandir uniquement avec des magasins physiques. Cette agitation autour d’internet est-elle exagérée ou doit-on  s’attendre au lancement d’un webshop Action ?  

Nous n’avons pas de webshop mais plusieurs sites, un par pays, car on ne peut raisonnablement pas ignorer la communication digitale. Le client en est toujours plus friand, ce qui nous oblige à y investir. Quant à savoir si nous nous lancerons dans l’e-commerce un jour, il ne faut jamais dire jamais. Cependant, je ne connais aucun webshop sur lequel le prix moyen d’un produit est de 1,45 euro et qui offre autant de surprises que nous ! Notre proposition est unique en son genre et elle est basée sur la simplicité. Pourquoi faire compliqué ?

Cette interview de Sander van der Laan a été publiée dans l'édition d'ocotbre 2016 de Gondola Magazine. Vous n’êtes pas encore abonné? Cliquez ici!