La crise va-t-elle changer radicalement nos habitudes de consommation ? Allons-nous acheter plus de produits locaux, plus belges, plus durables ? Non, dit Pierre-Alexandre Billiet, CEO de Gondola. Nous avons besoin de plus.

Après la crise, connaîtrons-nous un changement profond dans nos habitudes de consommation ? Achèterons-nous de manière plus locale, plus belge ou plus durables ? Beaucoup de gens semblent le penser. Ils font référence à la façon dont la crise secoue notre monde de consommation aujourd'hui. Dettol et Coca-Cola (au moins dans les supermarchés), pour n'en citer que quelques-uns, bénéficient du Lockdown. Les producteurs locaux se portent également bien : la chaîne courte se porte mieux que jamais. Mais le consommateur adoptera-t-il un complètement différent après la crise ? La réponse est, en toute honnêteté : non. La crise ne change rien, elle ne fait qu'augmenter les habitudes de consommation existantes. Nous pouvons ajouter à notre liste de bonnes intentions comme consommer localement, acheter dans les magasins belges, de manger durablement et sainement. Selon nos gènes, ces bonnes intentions durent en moyenne 15 jours. Sans une crise grave, nous ne changerons pas notre comportement. Certainement pas volontairement.

La raison est simple : depuis 150 ans, trois grands paramètres déterminent la consommation. Le premier est le facteur socio-démographique : le vieillissement, l'augmentation des personnes célibataires, l'urbanisation et la mondialisation déterminent en grande partie notre consommation. Ces facteurs sont lents à se modifier, ils ne changent pas du jour au lendemain. Le deuxième paramètre est l'innovation : le commerce électronique, numérique et connecté, a un impact majeur sur notre consommation. Là encore, les paramètres se modifient lentement : le commerce électronique semble assez récent, mais il existe depuis 20 ans. Le tout dernier paramètre est économique. Un krach économique changerait certainement notre mode de consommation. Non pas parce que nous voulons consciemment consommer mieux, mais parce que le pouvoir d'achat diminuerait considérablement, tout comme la confiance des consommateurs. 

La morale de l'histoire : de toutes nos bonnes intentions, il n'en sortira rien ou presque, peu importe combien certains retailers nous demandent d'acheter localement et d'être ou de devenir des clients des entreprises belges. Le pas entre l'intention et la consommation alternative effective est grand. Comment pouvons-nous changer ? En cultivant de nouvelles habitudes. Cela ne se fait pas tout seul. Selon Charles Duhigg, auteur du livre "The Power of Habit", il faut en moyenne 66 jours pour développer une nouvelle habitude. 66 jours. Le lockdown n'a pas pris autant de temps. Heureusement, diront beaucoup, sinon des catastrophes se seraient produites. Dans le même temps, elle garantit que nous, en tant que consommateurs, ne tournons pas la roue. Si nous avions acheté des produits sains, durables et locaux pendant 66 jours, nous aurions changé le monde. Mais maintenant ? Non, la crise ne changera pas (de manière substantielle) notre consommation. 

Pierre-A Billiet

CEO du groupe Gondola, professeur invité de l'école de commerce Solvay, ambassadeur WWF-Belgique