L’association belge de l’e-commerce SafeShops.be a dévoilé en début de semaine un livre blanc à l’attention des détaillants du secteur. Son but est de les guider de manière pratique vers un commerce électronique plus durable. Tour d’horizon des pistes à suivre dès à présent.

Créé par SafeShops.be, la chercheuse Heleen Buldeo Rai et la spécialiste en communication Marie-Pascale Vandekerckhove, le ‘white paper’ s’intéresse au lien entre e-commerce et durabilité. Long d’une cinquantaine de pages, le document a notamment pour ambition de se poser en guide pratique pour les boutiques en ligne désireuses de limiter leur impact environnemental. « Même si c'est un sujet qui prête quelque peu à caution, l'e-commerce dispose intrinsèquement du potentiel pour être plus durable que son équivalent physique », affirme Greet Dekocker, directrice générale de SafeShops.be. « De par son principe même, il permet d'éviter que chaque consommateur doive se rendre dans un magasin. Au lieu de cela, c’est un transporteur professionnel qui va prendre en charge le trajet de manière bien mieux organisée. Mais bien sûr, plusieurs facteurs entrent en ligne de compte. S’agit-il d’un retailer local ? D’où provient le produit ? Comment le colis est-il acheminé ? Etc. Bref, notre secteur dispose d’un avantage en termes d’émissions de CO2, mais il reste encore beaucoup de possibilités pour faire mieux. » C’est dans ce but que le livre blanc a été rédigé, en partenariat avec plusieurs grands noms du secteur (bol.com, bpost, RAJA Belgium, BD myShopi, Veepee). Afin d’encourager, inspirer et guider les boutiques en ligne dans leur transition vers plus de durabilité.

Le triangle retailer-transporteur- consommateur

« Il existe une relation triangulaire entre le retailer en ligne, le transporteur et le consommateur. Et ces trois acteurs doivent pouvoir, au moins dans une certaine mesure, communiquer entre eux », poursuit Greet Dekocker. Qu’est-il possible d'entreprendre dès aujourd’hui en tant qu’e-commerçant ? Que peut-on attendre de la part d’un partenaire logistique ? Le consommateur est-il déjà prêt ? C’est à toutes ces questions, et d’autres encore, que Safeshops entend répondre dans sa publication, en explorant toute une série de pistes concrètes.

  • L’emballage

« Au niveau du packaging, les e-commerçants disposent déjà de la possibilité de recourir à des alternatives écologiques, notamment au niveau des matériaux de remplissage », explique la directrice de SafeShops.be. « Ils peuvent également faire en sorte de ne pas laisser trop de vide à l’intérieur des colis, ce qui permet de gagner de la place dans les véhicules de livraison. Ils peuvent aussi penser la logistique par le prisme de la durabilité, en essayant par exemple de rassembler les différents articles d’une même commande à partir d’un seul point de vente. » Greet Dekocker souligne par ailleurs que le commerce électronique doit faire face à une problématique de perception visuelle qui lui est propre. « S’il y a trop de remplissage dans un colis, cela va très vite déranger le consommateur et lui envoyer un mauvais signal très visible. Dans les magasins physiques, il y a aussi de l’emballage, mais le client n’y est pas forcément confronté. »

  • Le transport

Le transport vers le centre de distribution et celui vers le consommateur constituent les deux points qui impactent le plus la durabilité dans l'e-commerce en matière d’émissions de CO2. « Les résoudre est donc important », note la responsable de SafeShops.be, avant de passer en revue les mesures que les retailers peuvent prendre dès à présent. « Offrir la possibilité au client d'aller chercher son colis dans un point de collecte, une option généralement plus durable, et ne pas seulement proposer la livraison à domicile. Installer ses dépôts à proximité du consommateur, et pourquoi pas les exploiter de manière commune avec d’autres détaillants. La ‘slow delivery’ est également une nouvelle tendance : on retarde la livraison jusqu’à avoir suffisamment de commandes pour former un lot de taille plus conséquente. »

Au niveau des moyens de transport, Greet Dekocker constate par ailleurs une belle évolution ces dernières années. « Il y a des différences entre les opérateurs de transport, mais de manière générale on observe une électrification progressive des parcs automobiles, principalement au niveau des petites camionnettes. Les vélos-cargos se développent également puisque 28% des webshops belges y recourent déjà et que 24% d’entre eux souhaitent le faire. Là où le problème sera plus persistant à long terme, c’est pour les gros camions. »

  • Les retours

La problématique des retours d’articles constitue un autre challenge récurrent pour le secteur de l’e-commerce. Sur ce point, le mot d’ordre de Safeshops.be est de tout mettre en œuvre pour les éviter au maximum. « J'ai récemment commandé un câble électronique qui s’est avéré défectueux. La boutique en ligne m’a demandé de ne pas le retourner car il n’était sans doute pas réparable. De notre point de vue, c'est une stratégie avantageuse car elle permet d’éviter un trajet inutile pour un article qui va de toute manière finir à la poubelle. » Et lorsque le retour d’un produit est inévitable, l’association encourage les retailers à mettre en place des filières qui lui offriront une seconde vie : reconditionnement, vente d’occasion, remise en état, don à une association, etc.

  • L’assortiment

Enfin, un autre point qui aura un fort impact sur le bilan écologique d’une boutique en ligne sera bien évidemment l’origine des produits qu’elle propose dans son assortiment. « Si l’on commande un produit local venu des Pays-Bas, cela aura évidemment beaucoup moins d'impact que si l’on commande un article fabriqué à l’autre bout du monde et vendu par une plateforme chinoise », résume Greet Dekocker.

L’argument du prix pour verdir le secteur ?

En octobre dernier, Het Laatste Nieuws avait prêté à la ministre des Entreprises publiques, Petra De Sutter, l’intention de faire payer un supplément aux clients qui souhaitent recevoir leur colis dans les 24 heures, et ce dans le but de verdir le commerce électronique. Des propos que la vice-Première avait rapidement tenu à clarifier devant la Chambre : « Je n'ai nullement l'intention d'intervenir au niveau du prix du marché des paquets (…) J'ai dit qu'il serait normal que le coût social et écologique de l'e-commerce soit internalisé dans les prix, et que les livraisons classiques soient moins chères que  les livraisons ultra-rapides. Mais il n'y aura aucune intervention dans les prix : c'est le marché qui choisira son business model. » Selon la directrice générale de SafeShops.be, une telle proposition va certainement dans le bon sens au niveau de l’esprit, même s'il faut prendre garde à ne pas se tromper de cible. « Cela peut bien sûr guider le consommateur vers d'autres moyens de livraison, la slow delivery par exemple. Toutefois, la livraison en 24 heures n'est pas forcément moins durable que la livraison en 3 jours. Cela dépend de nombreux facteurs, et notamment du volume de colis. Dans le pire des cas, on pourrait se retrouver avec des webshops qui doivent stocker des marchandises qui pourraient partir immédiatement, avec à la clé d’autres coûts environnementaux. »

« Retailers, transporteurs et consommateurs ont chacun un rôle à jouer »

Pourrait-on dès lors imaginer un système dans lequel les boutiques en ligne proposent à leurs clients différents moyens de livraison, avec des prix et des durées qui varieraient en conséquence ? « Je pense qu'à long terme on verra les choses évoluer en ce sens. C’est d’ailleurs déjà le cas à l'étranger où certaines plateformes proposent des ‘time frames’ par exemple : on va inciter le consommateur à choisir un créneau horaire en fonction du trajet déjà prévu d’une camionnette de livraison. Mais de tels services demandent de disposer d’énormément de data. Je ne pense pas que ce soit déjà faisable en Belgique à l’heure actuelle », regrette Greet Dekocker. Avant de conclure : « Retailers, transporteurs et consommateurs ont chacun un rôle à jouer. Le défi pour nous, en tant que secteur, c'est de faciliter les relations au sein de ce triangle en incitant les consommateurs à aller vers les options les plus durables, les boutiques en ligne à proposer ces options et les transporteurs à optimiser leur logistique en fonction de celles-ci. » L’envie semble en tous les cas présente dans les rangs des trois acteurs en question. Si l’on en croit le Belgian Online Sustainability Barometer 2021 récemment publié par SafeShops.be, 73% des webshops belges estiment qu'il est important de s'efforcer d'assurer la durabilité de leur e-business, tandis que 72% des clients sont prêts à accepter des délais de livraison plus longs si la méthode est plus durable. Et du côté des transporteurs, l’électrification progresse à grands pas, et notamment chez bpost qui devrait recevoir d’ici la fin de l’année prochaine 1.200 nouvelles camionnettes électriques.