“Les animaux de compagnie sont devenus des membres de la famille. Le budget que les propriétaires consacrent à leur bien-être est de plus en plus conséquent”, déclare Thierry le Grelle, CEO de l’animalerie Tom&Co. Le marché des articles pour animaux est en effet en plein boom. Tom&Co s’est fixé un objectif à cinq ans particulièrement ambitieux : 200 magasins en Belgique et 350 France. Et l’enseigne pourrait ne pas s’arrêter là. 

Tom&Co est l’un des finalistes de l’Entreprise de l’année. À cette occasion, Thierry le Grelle n’a disposé que de 15 petites minutes pour convaincre un jury de professionnels de l’efficience de son entreprise. En revanche, il a accordé à Gondola une interview de plus d’une heure, truffant son discours d’anecdotes et de chiffres, de beaucoup de chiffres. Rien de très étonnant à cela quand on sait qu’il a longtemps officié au sein de la banque d’affaires Lazard, avant de changer de cap en 2016 : avec son associé Lionel Desclée, ils rachètent Tom&Co à Delhaize.

Les deux hommes ont flairé la bonne affaire, bien conscients du gros potentiel du marché. Mais Thierry le Grelle avait une autre puissante motivation. “J’ai toujours su que je deviendrais entrepreneur un jour. Emiel Lathouwers (fondateur d’A.S.Adventure, ndlr.) a joué un rôle très important dans mon parcours. Je l’ai rencontré chez Lazard, à l’époque où il était la star du retail. C’était un homme très inspirant. Un jour, nous nous sommes retrouvés à Hoboken pour préparer ensemble une présentation pour un investisseur que nous devions rencontrer le lendemain. Alors que toute la partie financière devait encore être rédigée, il s’est levé et m’a dit devoir partir. Un peu déconcerté par ce brusque départ, je me suis donc chargé seul de la partie financière. Il m’a rejoint le lendemain chez l’investisseur à l’heure prévue. Il s’est avéré qu’après avoir quitté Hoboken, Emiel s’était rendu à Waterloo où A.S. Adventure devait ouvrir un magasin. Il est rentré à Hoboken à cinq heures du matin, a pris une douche et a ensuite rallié Bruxelles pour notre réunion. J’ai fait la présentation, à l’issue de laquelle Emiel a dit à l’investisseur : ‘Je ne me suis pas moi-même chargé de la présentation, parce que je devais ouvrir un magasin’. Ce à quoi l’investisseur a répondu : ‘Vous êtes l’homme dont j’ai besoin’. Génial, non ? Pour en revenir à Tom&Co, je connaissais très bien sa valeur réelle, une entreprise fantastique qui avait juste besoin d’être un peu dépoussiérée.”

À l’époque, Tom&Co n’était pas du tout ce qu’il est aujourd’hui.

Effectivement. Il a fallu beaucoup de travail pour construire notre culture et notre identité. Tom&Co n’était qu’une petite partie de Delhaize mais dès lors que l’on devient indépendant, on acquiert sa propre identité. Vous devez définir vos valeurs, ce que nous avons parfaitement réussi. Happy people, happy pets. Des gens heureux, des animaux heureux : c’est notre ADN, l’atmosphère que nous essayons de créer et que tous nos collaborateurs doivent avoir constamment à l’esprit, qu’ils travaillent en magasin ou occupent un poste de direction. Cette posture est liée au marché qui a complètement changé et auquel il a fallu s’adapter. Aujourd’hui, plus de la moitié des familles possèdent un animal de compagnie et 97 % d’entre elles admettent avoir une relation très forte avec leur animal. Plus de 65 % des propriétaires d’animaux les considèrent comme faisant partie de la famille. C’est énorme. Ils sont considérés comme des enfants. Autrefois, on n’avait pas le droit de dire une telle chose, mais aujourd’hui cela passe sans problème. Parallèlement, on assiste à une multiplication de produits premium. La qualité est très importante car nous choyons nos animaux, nous voulons leur donner ce qui se fait de mieux. Nous leur achetons même des cadeaux à Noël ! Vous riez, mais c’est vrai : si je n’ai pas acheté de cadeau pour notre chien à Noël, le reste de la famille m’en veut. C’est un énorme changement. 

Thierry le Grelle, Tom&Co
©

Gondola

Un changement qui favorise la croissance du marché. 

Nous sommes actifs en Belgique et en France, un marché d’environ 5,7 milliards d’euros qui affiche un taux de croissance constant de 3 % et qui devrait grimper à 4 % dans les années à venir. Et, nous l’avons constaté, c’est un marché très résistant aux périodes de crise.

Voyez-vous la possibilité d’offrir encore davantage de nouveaux services ?

Absolument. Nous ne pouvons pas nous contenter de n’être qu’un magasin, nous devons être bien plus. Nous voulons construire un écosystème autour du client afin de répondre à tous ses besoins, du premier au dernier jour. Et même avant le premier jour, lorsque les gens choisissent le chien ou le chat qu’ils vont accueillir. Ils peuvent le chercher en ligne ou en magasin. Nous travaillons actuellement sur un projet de mise en contact avec des éleveurs et des toiletteurs. C’est un projet formidable car il nous permettra d’obtenir des informations importantes pour aller toujours plus loin dans notre offre. Peu de gens connaissent bien les races de chiens et, surtout, celle qui leur conviendra le mieux. Nous les orientons vers les bons éleveurs, un service que nous étendrons au niveau national. Nous développons également des centres de toilettage. En Belgique, nous en comptons une septantaine pour un total de 205 magasins. La croissance est très rapide. Nous avons également un centre d’éducation et de soins pour chiens et même un centre de bien-être. Qui l’aurait cru il y a dix ou même cinq ans ? Un endroit où l’on peut offrir à son chien des moments agréables : massages, toilettage, lavage, formation. Nous testons cette approche en France, dans deux centres dédiés. Aux États-Unis et en Chine, c’est depuis longtemps un très gros business. C’est une évolution très importante. En effet, jusqu’ici nous ne cherchions à tirer nos revenus que de la vente de produits food et non food. Mais aujourd’hui, nous développons d’autres sources : l’hygiène, le toilettage, la santé, l’assurance et même le gardiennage ! Certains magasins offrent aux clients un service inédit : y laisser leur lapin pendant leurs vacances ! La prochaine étape pourrait être un hôtel pour animaux de compagnie, ce qui me semble tout à fait envisageable. Savez-vous qu’il existe aujourd’hui à Gand et à Liège des bars à chats ? Je passe régulièrement devant celui de Liège lorsque je vais y faire des courses et il est toujours plein. Nous creusons l’idée. Nous réfléchissons aussi à de nouveaux produits. Nous ne nous contentons pas des marques classiques, nous développons aussi les nôtres qui représentent désormais plus d’un quart de notre chiffre d’affaires. Appetite, par exemple, est une marque premium dont peu de gens savent qu’elle a été développée par nos soins. Nous avons aussi Barouf, Good et Nutri Expert, qui mettent davantage l’accent sur l’aspect santé. Notre approche est simple : savoir ce que les clients veulent pour ensuite construire une machine marketing bien huilée.

Verlinvest, le véhicule d’investissement de la famille Spoelberch, a acquis un peu plus de la moitié des actions de Tom&Co l’an dernier. Vous cherchiez de l’argent pour assurer votre croissance ? 

Lorsque nous avons acquis Tom&Co en 2016, nous avons été confrontés à un certain nombre de difficultés. Nous avons par exemple dû mettre en place une toute nouvelle infrastructure IT car l’ancienne était complètement imbriquée dans celle de Delhaize. Je vous fais grâce des autres problèmes mais il nous a fallu plusieurs années pour être totalement opérationnels. Ce n’est qu’en 2022 que nous avons repris le chemin de la croissance, en France et avec nos propres marques. Nous avons réalisé que pour assurer notre croissance en Europe nous avions besoin d’un investisseur. Je connaissais Verlinvest. Ils pensent à long terme, possèdent un réseau international et connaissent le secteur. Ils ont également investi dans la société belge Nesto, qui exploite des cabinets vétérinaires. Nesto s’occupe plutôt du back-office, pour créer des synergies. Pour nous, c’est évidemment fantastique car il y a là d’évidentes opportunités de collaboration. Verlinvest sait aussi comment développer une love brand. Cerise sur le gâteau : c’est une famille belge à l’ancrage local. 

C’est un marché qui intéresse les investisseurs. Les marges y sont plus élevées que dans le food retail. 

C’est un marché très résilient qui a énormément évolué ces 20 dernières années. Mais depuis l’an dernier, nous observons une pression sur les produits non food en raison de la baisse du pouvoir d’achat. Les consommateurs regardent plus à la dépense. Notre rôle est d’offrir les bons produits et des marques exclusives à un prix juste. 

Thierry le Grelle, Tom&Co
©

Gondola

Votre ambition est de conquérir l’Europe sous l’aile de Verlinvest. Visez-vous la place de leader européen ?

Nous ne voulons pas être le plus gros mais le meilleur. Nous n’aurons jamais autant de magasins que notre concurrent allemand (Fressnapf, connu chez nous sous le nom de Maxi Zoo, qui possède plus de 1.800 magasins en Europe, ndlr.). Ce n’est pas notre objectif. Nous pensons que nous pouvons être les meilleurs grâce à notre personnel, à nos services et à notre gamme de produits. Ceci étant, nous allons tout de même augmenter le nombre de nos magasins pour atteindre, dans les cinq ans, 200 implantations en Belgique et 350 en France. C’est en France que nous disposons de la plus grande marge de manœuvre car il y a un manque d’animaleries dans beaucoup de régions. L’objectif est d’ouvrir 20 magasins par an les cinq prochaines années. Nous avons déjà identifié 80 % des emplacements, il ne reste plus qu’à les ouvrir. En France, nos magasins sont franchisés mais, pour aller plus vite, les nouveaux seront intégrés. À l’époque où nous avons mis le pied sur le marché français, l’opération était plutôt audacieuse et compliquée. Aujourd’hui, l’objectif est d’aller plus loin : cela fait partie de mon ADN de banquier et de l’ADN d’investisseur de Verlinvest. Nous connaissons les marchés des autres pays, nous savons quelles sont les opportunités. Un jour, nous franchirons le pas.

Le marché belge est-il saturé ? 

Si nous nous sommes moins focalisés sur le marché belge ces dernières années, ce n’est pas en raison d’une quelconque saturation. Il y a encore du potentiel, surtout en Flandre. Nous prévoyons d’ouvrir cinq magasins par an, jusqu’à en comptabiliser environ 150.

Maxi Zoo veut devenir numéro 1 du marché belge. 

Le marché est dynamique, il suscite l’intérêt et nous garde en éveil. Nous sommes l’animalerie préférée des Belges et nous faisons la différence pour nos clients depuis près de 35 ans, grâce aussi à nos franchisés. Chez nous, vous trouverez une émotion et une expertise que vous ne trouverez pas ailleurs.

De quelle émotion parlez-vous ? 

Permettez-moi de clarifier ma pensée à l’aide d’un parallèle. J’étais banquier d’affaires chez Lazard. Des gens m’appelaient du monde entier pour me demander pourquoi Delhaize avait une telle notoriété partout dans le monde alors qu’il était loin d’être le food retailer le plus important d’Europe. Je répondais que Delhaize devait sa renommée à la qualité de son offre et de son service. Je pense que nous avons hérité de l’ADN de Delhaize : les bonnes personnes et la bonne expertise pour le client. C’est une partie de la réponse à votre question. Nous avons également une longue expérience puisque Pierre-Olivier Beckers (Delhaize) a fondé Tom&Co en 1991. Notre expertise est incomparable. La concurrence est une bonne chose car elle nous maintient en éveil. C’est ainsi qu’il y a deux ans nous avons commencé à rafraîchir nos magasins dont une partie ne l’avait plus été depuis parfois plus de dix ans. Nous nous interrogeons aussi sur la pertinence de l’emplacement de tel ou tel. Nous attribuons une note à chaque magasin et analysons ce qui doit éventuellement être modifié. Bien entendu, notre concept continue d’évoluer. Nous sommes principalement présents dans les centres commerciaux mais cela ne signifie pas que les concepts urbains ne recèlent pas un grand potentiel, que du contraire. On y trouve plus de produits premium, les surfaces sont plus petites et nous y poussons le click & collect. En fait, il s’agit davantage de ‘boutiques’. Nous n’en possédons encore que quatre, dont une à Knokke, mais le concept n’a vu le jour que l’an dernier.

Quelle importance l’e-commerce revêt-il pour Tom & Co ? 

Notre plateforme numérique sert principalement de soutien à notre stratégie omnicanale. Ce qui est important pour nous, c’est la fidélisation des clients et le chiffre d’affaires total. En quatre ans, nous en avons distribué 1,2 million de cartes de fidélité Coloco et notre objectif est d’atteindre 2 millions. Les données recueillies grâce à cette carte nous ont permis de segmenter notre clientèle et de développer des marques spécifiques : Good, Barouf, Simply sont des marques exclusives qui possèdent une véritable histoire. Nous savons exactement qui nous voulons atteindre avec elles. Nous voulons également ouvrir la carte Coloco à d’autres services et partenaires. Grâce à elle, nous disposons de données sur nos clients et savons comment les approcher au mieux. Nous y voyons des possibilités de croissance. Vu notre forte croissance en France, nous nous interrogeons également sur la pertinence d’un centre logistique. Ce serait logique d’un point de vue géographique et aussi moins cher. 

Tom&Co

  • Animalerie créée en 1991
  • Siège central établi à Grand-Bigard 
  • CEO Thierry le Grelle
  • 132 magasins en Belgique, 73 en France, 2 au Luxembourg
  • Nombre de collaborateurs : plus de 100
  • Chiffre d’affaires 2022 : 271 millions d’euros
  • EBITDA récurrent de 12 millions d’euros, l’an dernier 20 millions de perte en raison de l’amortissement du goodwill et des frais d’entrée Verlinvest

Gondola Magazine

Cet article est issu de l'édition d'octobre de Gondola Magazine. Curieux de découvrir d'autres contenus similaires ? Souscrivez à un abonnement !

Cliquez ici !
Gondola Magazine