Tout va vraiment très vite dans le quick commerce : la naissance, le développement, la réponse des investisseurs, l'accumulation des pertes, la dégringolade. Gorillas, le champion de ce nouveau créneau commercial de la livraison flash, en fournit la parfaite illustration. Presque une fable…

L'info couvait depuis longtemps, mais la reprise de Gorillas par une autre entreprise de quick commerce, le turc Getir, est aujourd'hui confirmée. L'accord auquel les deux parties ont abouti représente un paradoxe : dans le nouvel ensemble que les deux entreprisent prétendent valoir 10 milliards de dollars, c'est Gorillas, le leader du marché, qui ne pèse plus que 1,2 milliard de dollars. L'an passé, il était valorisé à 3 milliards de dollars. Une sacrée déconfiture pour les investisseurs qui voyaient dans la startup berlinoise la nouvelle licorne du commerce européen. En deux ans, Gorillas avait levé auprès d'eux 1,3 milliards de dollars pour financer sa course à la notoriété et à la conquête de parts de marché effrennée.

Et en effet, Gorillas avait clairement pris la tête du peloton. Mais à quel prix ! En carbonisant chaque mois des millions pour financer son marketing et ses opérations, alors même que son activité était déficitaire. L'essentiel dans ce nouveau créneau de la livraison express était d'être le premier, et on trouverait bien les moyens de rentabiliser le modèle une fois le marché écrémé de la plupart de ses prétendants. Peu à peu, l'évidence est pourtant apparue : la foi ne pouvait rien contre les chiffres, et Gorillas a entamé son repli : livraisons moins rapides, licenciements, retrait du marché belge mais aussi espagnol, italien, danois… Gorillas semblait déjà une espèce commerciale en voie d'extinction.

A qui le tour ?

A l'échelon européen, cette opération ne laisse plus que 3 grands acteurs du quick commerce : Getir, l'allemand Flink et l'américain GoPuff. Dans ce marché qui est une jungle, ne survivent que les plus sains. Mais ce marché lui-même est-il viable ? Rien ne le prouve. Getir est né à Istanbul en 2015, soit bien avant ses concurrents. C'est bien elle qui a inventé la formule, et elle prétend l'avoir rentabilisé dans son marché d'origine. Mais depuis qu'elle a décidé de partir à la conquête de la Grande-Bretagne, de l'Allemagne, de la France, des Pays-Bas, de l'Italie, de l'Espagne et des Etats-Unis, Getir s'est elle aussi mise à vouloir aller vite, très vite, pour s'y faire une place au soleil tant qu'il reste de la place. Ce qui coûte cher, très cher : Getir a elle-même levé 1,8 milliards de dollars auprès des investisseurs. Qui n'ont décidément pas froid aux yeux…