Le comité ministériel restreint est parvenu la nuit dernière à un accord sur la réforme du marché du travail. Parmi les mesures marquantes, on retiendra la facilitation du travail de nuit dans l'e-commerce, une meilleure protection pour les travailleurs des plateformes de livraison, ainsi que la possibilité de prester un temps plein sur quatre jours.

Après plusieurs semaines de négociations, le gouvernement Vivaldi est finalement parvenu à un consensus autour de la réforme du travail, comme l’a annoncé le cabinet du ministre de l’Économie et du Travail, Pierre-Yves Dermagne, la nuit dernière. « La réforme du marché du travail validé en kern : des avancées concrètes pour tous les travailleurs ! », a-t-il tweeté, peu avant 3 heures du matin. « Droit à la formation bétonné ; Protection des travailleurs des plateformes ; Conciliation vie professionnelle /privée ; Mesures pour booster l’emploi ».

Temps de travail

Le kern s’est notamment accordé sur une série de mesures qui doivent offrir davantage de flexibilité aux employés, la plus marquante étant de permettre aux travailleurs de prester un temps plein sur quatre jours et ainsi bénéficier d’une journée libre supplémentaire. Il sera également possible de travailler davantage une semaine, et moins la suivante.

À noter que le droit à la formation et l'accompagnement en cas de licenciement font également l’objet d’aménagements. Les employés licenciés pourront par exemple entamer un nouvel emploi durant leur période de préavis, tandis que l’outplacement sera renforcé.

E-commerce

Dans le secteur de l’e-commerce, le travail en soirée pourra à l’avenir être facilité en cas d’accord avec les syndicats. « Cela permet d'introduire du travail entre 20 heures et minuit dans l'e-commerce via une convention collective de travail, sans avoir à modifier le règlement de travail de l'entreprise. Cette mesure sera évaluée après deux ans par le Conseil national du travail », a précisé le cabinet du ministre Dermagne à La Libre. Les entreprises auront par ailleurs la possibilité de lancer des projets pilotes afin de développer leurs activités.

Une mesure accueillie avec soulagement du côté de Comeos. « Tous nos membres disposent d’une stratégie digitale, mais ils leur manquaient de la flexibilité dans l'organisation du travail pour se positionner en tant qu’alternative valable au e-commerce organisé depuis l'étranger », a réagi Dominique Michel, CEO de la fédération du commerce. « L'intention est d’utiliser ces projets pilotes pour tester de nouvelles organisations de travail et de nouveaux horaires. Ensuite, ces projets seront évalués avec les partenaires sociaux. Il s'agit d'une première étape importante pour permettre aux entreprises de s'adapter plus rapidement. C'est maintenant aux entreprises du secteur de s'y atteler. »

Plateformes de livraison

Concernant les livreurs des plateformes comme Uber ou Deliveroo, l’accord « garantit de meilleures conditions de travail » et de « la clarté concernant leur statut », a affirmé le cabinet du ministre de l’Économie. Concrètement, ces travailleurs devraient à l’avenir bénéficier d’une meilleure protection contre les risques d'accident du travail, tandis que les statuts d’indépendant et de salarié continueront à coexister, mais selon des critères qui seront clarifiés afin d'éviter les abus.

« Nous ratons l'occasion de faire entrer le marché du travail dans le XXIe siècle »

Cet accord conclu par la Vivaldi ambitionne de permettre à la Belgique d'atteindre un taux d'emploi de 80% d'ici à 2030, contre 71% à l’heure actuelle avec de fortes disparités entre Régions. Un objectif qui ne sera pas atteint au vu des mesures décidées, estime pour sa part Unizo, qui les juge insuffisantes : « Nous ratons l'occasion de faire entrer le marché du travail dans le XXIe siècle », a fait savoir son directeur général, Danny Van Assche. Dans l’ensemble, l’organisation patronale se montre donc déçue et regrette « que cet accord sur le travail ait été conclu sans la participation des partenaires sociaux », ce qui selon elle « témoigne d'un mépris pour la consultation sociale ».

Unizo concède que l'accord contient un certain nombre de points positifs (semaine de quatre jours, accompagnement en cas de licenciement…), mais l’organisation estime que ceux-ci ne suffisent pas à compenser les inconvénients. Unizo en déplore trois en particulier : des mesures concernant la loi sur les relations de travail et l'économie des plateformes sont jugées « problématiques », tout comme le relèvement de 5 à 7 jours du délai de communication de l'horaire variable aux employés à temps partiel, et un droit à la formation qui va « beaucoup trop loin ».

« Cet embrouillamini n’apportera que peu de changements véritables »

Même son de cloche du côté de la Fédération des entreprises de Belgique qui, si elle salue certaines des mesures décidées, redoute surtout que de trop nombreuses de règles n’entravent de réelles avancées. « On peut se féliciter des mesures de principe mises en place pour que la Belgique puisse enfin commencer à rattraper son retard en matière d’e-commerce », ont déclaré Pieter Timmermans et Monica De Jonghe, respectivement CEO et directrice générale de la FEB. « Nous constatons également que les mesures visant à mieux concilier vie professionnelle et vie privée menacent de passer à côté de leur objectif. Les nombreuses règles et barrières supplémentaires intégrées qui sont censées protéger les travailleurs témoignent surtout de la méfiance des autorités à l’égard du monde du travail. Dans la pratique, cet embrouillamini n’apportera que peu de changements véritables. Nous craignons dès lors qu’avec ce type de mesures, nous n’atteindrons pas l’objectif d’un taux d’emploi de 80%. » Moins négatif, le Syndicat neutre pour indépendants voit des signes positifs dans l'accord fédéral, notamment concernant la flexibilisation du marché du travail et la facilitation du travail de nuit dans l’e-commerce, et estime qu’il s’agit d’une première étape. « Mais pour arriver à un taux d'emploi de 80 %, les Régions, particulièrement Bruxelles et la Wallonie, devront elles aussi retrousser sérieusement leurs manches », a souligné le SNI.