La livraison des colis sera plus coûteuse en raison de la crise du coronavirus. La raison ? Les consommateurs passent des commandes plus importantes que d'habitude, selon une étude de Roel Gevaers, économiste spécialisé dans les transports à l'Université d'Anvers. L'effet pourrait d’ailleurs être permanent.

En ces temps de crise, c'est le commerce électronique qui permet la survie du retail. De nombreuses entreprises physiques sont contraintes de passer à la vente en ligne pour maintenir ses revenus. Et cela signifie un période idéale pour le e-commerce, même s'il n’y a pas que des avantages. Les services de livraisons tels que bpost et PostNL se noient dans le travail en raison de l'explosion des commandes, surtout maintenant que les clients font également livrer à domicile des articles plus lourds tels que des meubles. Une situation qui a inévitablement un impact sur le prix de la livraison à domicile. C'est en tout cas la conclusion d'une étude de Roel Gevaers, économiste spécialisé dans les transports à l'Université d'Anvers.

"Cette crise est une semi-malédiction"

Revenons à la racine du problème. Maintenant que les magasins physiques sont fermés et que les gens doivent rester chez eux en raison de la crise du coronavirus, ils ont plus de temps pour effectuer les tâches ménagères et commandent également plus souvent des produits en ligne. Contrairement à ce qui se passait avant la crise, où le consommateur commandait principalement des colis plus petits comme des appareils électroniques, des vêtements ou des jouets, il se tourne désormais vers des articles beaucoup plus lourds comme des barbecues, des meubles ou des jouets plus grands comme les trampolines. On pourrait penser que cette explosion de commandes, et plus particulièrement celle de gros colis, a provoqué un choc dans la composition des colis livrés. Un gros problème pour le secteur de la logistique, selon Roel Gevaers. "Les systèmes de livraison de colis sont calculés sur un mélange de volumes fixes et permettent donc de réaliser des économies d'échelle. Mais à cause du boom des commandes, et surtout de celles concernant les gros colis, les entreprises ont dépassé leurs économies d'échelle. Alors que les centres de livraison voient généralement 90% de petits et moyens colis passer par une manutention automatisée, l'arrivée des plus gros colis entraîne des retards car leur traitement est plus long et beaucoup d'entre eux doivent être traités manuellement. La relation entre la manutention automatisée et le travail manuel s’est déséquilibré en raison de la crise sanitaire actuelle. La crise pourrait bien stimuler les ventes du commerce électronique, mais c'est aussi une semi-malédiction", déclare Roel Gevaers à Gondola. 

"Les colis plus lourds seront plus chers"

Selon l'économiste, le changement de comportement des consommateurs n'est pas sans conséquences : le penchant pour les gros colis pèse sur le modèle commercial des entreprises et sur les marges bénéficiaires des coursiers. "Aujourd'hui, un coursier reçoit 1,5 à 2 euros par colis livré. Il peut livrer en moyenne 80 à 100 personnes par jour ouvrable, ce qui lui rapporte 150 à 200 euros. Avec ce montant, tous les frais (carburant, camionnette, taxe, ...) doivent être payés. Mais avec l'arrivée des gros colis, ils pourront effectuer moins de livraisons, alors que les coûts restent les mêmes. Donc, si rien ne change, les coursiers risquent de jeter l'éponge, ce qui est problématique, puisqu’il y a déjà une pénurie de conducteurs actuellement." Pour Roel Gevaers, il n’y a donc pas d’autre solution que d’augmenter les prix.

Concrètement, il s'attend à ce qu’une distinction encore plus marquée se fasse sentir entre les livreurs de petits colis, qui doivent traiter de gros volumes et peuvent livrer des petits colis à un prix relativement bas, et ceux qui livrent des colis plus importants. "Bien que l'industrie dans son ensemble, qui est principalement axée sur les volumes, offre des prix très bas, il y aura un impact significatif sur l'augmentation du prix des colis. En particulier, le prix des colis plus lourds, pesant plus de 10 kilos. Celui-ci va augmenter, tandis que les petits colis risquent davantage de rester hors de portée. Le niveau de prix des gros colis va se rapprocher de celui d'acteurs tels que DHL, TNT-FedEx et UPS. Leur flux de marchandises a longtemps été orienté vers un mélange de petits et de grands colis, mais cela a bien sûr aussi un coût."

La fin de la livraison gratuite ?

Selon l'économiste, la façon dont les boutiques en ligne réagiront à ces changements déterminera si cette situation difficile, tout comme l'augmentation des prix qui l'accompagnent, annoncent également la fin de la livraison gratuite à domicile. Selon lui, il y a deux possibilités : premièrement les boutiques en ligne choisissent d'augmenter le prix des produits et continuent à offrir la livraison gratuite. Cela donne bien sûr au client un faux sentiment de sécurité : ils doivent toujours payer leur livraison "gratuite" à domicile à la fin. Deuxièmement, ils peuvent également choisir de ne pas bénéficier de la livraison gratuite pour leurs colis plus volumineux. "C'est déjà le cas pour les meubles de jardin plus grands, par exemple", explique-t-il.

Pas d'autre solution ?

Mais n'y a-t-il vraiment pas d'autre solution ? Les consommateurs seront-ils contraints de souffrir de ce paradoxe du commerce électronique ? "Exclure une augmentation de prix est très difficile car nous ne pouvons pas économiser encore plus sur le dernier kilomètre. On pourrait bien sûr encore adapter le système de manutention automatisé. Toutefois, dès que l'on travaille avec des colis plus volumineux, le processus de traitement est plus lent et il faut aussi une bande transporteuse solide, etc. Et ces investissements coûtent de l'argent, bien sûr. D'autre part, il est également très difficile d'économiser sur la partie "coursier/livraison" car leurs marges bénéficiaires sont déjà très limitées. Afin de réduire encore les coûts, vous pourriez, par exemple, arrêter les livraisons quotidiennes et ne livrer chez vous que deux fois par semaine. Mais cela ne correspond malheureusement pas au comportement actuel des consommateurs, qui s'attendent à recevoir leur commande le jour même ou le lendemain. Un autre facteur, qui n'aide pas vraiment non plus, est le fait que le gouvernement impose des mesures écologiques de plus en plus strictes, comme l'utilisation de fourgons électriques. Cela signifie qu'il y a encore moins d'argent à investir dans la technologie et donc dans l'automatisation du processus."

Plus de commerce électronique, même après la crise

Il semble donc qu'une augmentation des prix soit inévitable, même à long terme. Après tout, Roel Gevaars part du principe que le changement de comportement des consommateurs, qui font livrer des colis plus lourds à leur domicile, se poursuivra après la crise. Après tout, de nombreuses personnes, même celles qui sont très réticentes au commerce électronique, ont été contraintes par la crise de commander leurs courses en ligne. Cela convaincra également beaucoup de consommateurs de la facilité de livraison à domicile. "Même si seulement 10 à 20% des consommateurs qui ont passé leur première commande durant la crise continuent de commander en ligne après la crise, cela a toujours un impact significatif sur la livraison des colis. Et je suis sûr que ce sera le cas, car les gens ont découvert l'avantage de cet aspect pratique. Par exemple, les jeunes familles qui n'ont pas de voiture, et qui autrement auraient dû emprunter une voiture pour se rendre au magasin, pourront désormais commander en ligne plus rapidement car elles se rendent compte du confort qu'elle leur offre. En d'autres termes, la crise crée une tendance à acheter plus en ligne. Après tout, pourquoi aller au magasin vous-même quand vous pouvez facilement vous faire livrer à domicile", conclut-il.