Les ventes de produits FMCG via des plateformes e-commerce ont atteint 48 milliards de dollars au cours des 12 derniers mois (chiffres arrêtés au mois de juin 2016), soit une croissance de 15% par rapport à l’année précédente. C’est ce qui ressort du dernier rapport de Kantar Worldpanel s’intéressant au futur de l’e-commerce en Produits de Grande Consommation (PGC) et Frais Libre-Service (FLS).

L’e-commerce représente aujourd’hui 4,4% des ventes annuelles mondiales de PGC-FLS, pour un chiffre d’affaires de 48 milliards de dollars (+15%). Si la Belgique se situe encore, selon Kantar Worldpanel, en phase 1 (Early adopters) du développement de l’e-commerce FMCG avec seulement 0,9% des achats réalisés sur internet, d’autres comme la France, le Royaume-Uni, la Chine, le Japon et Taiwan se situent en phase 2 (marchés matures). Un seul pays en est déjà à la phase 3 (Fully Digital): en Corée du Sud, 16,6% des achats de produits FMCG sont en effet achetés sur la toile.

Points stratégiques de l’e-commerce global

Certes, il semble peu surprenant que l’hyper-connectée et digitale Corée du Sud soit le plus grand marché PGC-FLS mondial pour le e-commerce en parts de marché (16.6%). Mais aux USA, seulement 1.4% des biens de grande consommation sont achetés en ligne. Le succès n’est donc pas l’unique fait d’un bon taux de connexion, mais bien de culture, d’habitudes et de convictions.

Chine, la plus forte croissance: pourquoi?

La Chine est le marché sur lequel l’e-commerce a connu sa plus forte croissance ces 12 derniers mois, 47% - pour atteindre une part de marché de 4.2%. Si le pays compte encore sur une forte présence du commerce traditionnel, il est probable qu’en se développant, les commerces comme les supermarchés sautent une étape pour se développer directement sur la toile. Contrairement à d’autres marchés, comme les Etats-Unis, la Chine reste attachée à une notion de collectivité. « Cette proximité entre les groupes et individus au sein de la société mène à une diffusion rapide de l’adoption de nouvelles technologies. Tendances, bouche-à-oreille et activités où les personnes peuvent travailler ensemble sont fortement valorisées » explique Kantar. A côté de cela, et sans surprise, les célébrités et influenceurs sociaux sont, en Chine, d’énormes moteurs pour l’e-commerce - et ce, particulièrement auprès d’une audience jeune. Maybeline a notamment joué le jeu en lançant l’app Meipai avec sa nouvelle ambassadrice Angelababy et d’autres célébrités. En 2 heures, 10.000 rouges à lèvres se sont vendus. Autre piste largement explorée: les « shopping festivals ». Le Singles Day (11 novembre) a par exemple entraîné une croissance de 30% en 2013 et de 49% en 2016 du nombre de ménages s’essayant à l’achat en ligne de leurs courses. Le Singles Day est en outre devenu le plus grand jour d’achats en ligne de par le monde, avec des bénéfices dépassant le Black Friday américain. L’an dernier, le record des 20 milliards de dollars dépensés a été atteint (plus de deux tiers de cette somme ont été  dépensés via l’application mobile seule).

Corée du Sud : 25% des achats FMCG passeront par la toile d’ici 10 ans

La Corée du Sud est le marché où l’économie digitale est la plus développée. Ce succès est en grande partie dû à une combinaison d’un appétit inné pour les nouvelles technologies et à l’accessibilité du monde digital. Le taux de pénétration des smartphones est de 85% et près de 100% des consommateurs âgés de 10 à 40 ans achètent en ligne, principalement via mobile. « La Corée du Sud est très avancée en matière de système de paiement, ce qui facilite le processus d’achat » précise Kantar. La vente en ligne est donc aujourd’hui l’un des principaux canaux d’achat du pays, et ce, tout particulièrement dans la catégorie ‘baby’. Pour en arriver là, les marketers se sont basés sur l’intérêt des Coréens envers l’utilisation sociale et récréative d’internet. Les stratégies ont ainsi été développées autour du chat, de newsletters régulières, de courriels comprenant des promos ciblées, de blogs et de publicités sur les réseaux sociaux. Un modèle aujourd’hui utilisé par la Chine: l’e-commerçant JD.com a ainsi noué un partenariat avec la plateforme WeChat. Dans la prochaine décennie, la part de marché du FMCG sur internet de la Corée du Sud devrait passer à 25%. Selon Kantar, les acteurs online devraient prochainement entrer sur le terrain offline, et inversement.

Europe: Pourquoi cela fonctionne ici et pas là?

L’Europe montre un taux d’adoption relativement faible du e-commerce dans tous les pays, excepté au Royaume-Uni avec 6.9% de part de marché, et en France, avec 5.3%. Malgré la proximité géographique de ces pays, la Belgique (0,9%) ou encore l’Allemagne (1,2%) restent à la traîne. « En fait, cette incongruité n’est pas une réelle surprise. Contrairement à leurs homologues asiatiques ou latino-américains, les pays européens restent extrêmement différents les uns des autres en termes de valeurs culturelles », explique Kantar.

La France a un marché e-commerce relativement unique, dans la mesure où le succès du e-commerce repose sur le modèle du Drive. Ce modèle existant ailleurs, pourquoi fonctionne-t-il chez nos voisins du sud? « Premièrement parce que le réseau français du retail est enraciné dans sa propre invention - l’Hypermarché - qui représente 50% de toutes les ventes. Si le modèle du Drive fonctionne si bien, c’est parce qu’il satisfait à la même mission d’approvisionnement et de stockage que l’hypermarché tout en y ajoutant l’élément crucial de la commodité, et ce, sans frais supplémentaires. Deuxièmement parce que le Drive attire, en France, les ménages de banlieue: Si sur le total de la population, le taux de pénétration du modèle est de 22%, il passe à 50% pour les ménages avec de jeunes enfants ». La part de marché du commerce en ligne des produits FMCG devrait passer à 11% d’ici 2025.

Avec 1,2% de parts de marché, l’Allemagne est avec les Etats-Unis l’un des grands retardataires en matière d’e-commerce dans le domaine des FMCG. Perçus tous deux comme une économie forte et technologiquement compétente, ces deux pays bénéficient paradoxalement d’une diffusion lente des nouveaux modèles de distribution FMCG. Le principal frein du développement du marché se situe, selon Kantar, dans les méthodes de paiement disponibles. « La plupart de la population (94%) préfère recevoir une facture pour des produits ou services plutôt que de payer à l’avance; tandis que les principaux retailers en ligne fonctionnent presque tous sur ce modèle de paiement à l’avance ». Pour Kantar, l’Allemagne devrait voir la part de marché online du FMCG augmenter lorsque le paiement après réception sera plus largement étendu. Le bureau d’étude plaide également pour une amélioration de la logistique: une livraison le jour-même ou le lendemain conviendrait mieux aux besoins des Allemands. Kantar évalue à 5% la part de marché du e-commerce FMCG d’ici 2025.

Après la Corée du Sud et le Japon, le Royaume-Uni  est le troisième principal marché de l’e-commerce FMCG, avec une part de marché de 6,9%. Un quart des ménages a réalisé ses achats FMCG  en ligne au cours des 12 derniers mois. Toutefois, 75% des dépenses des consommateurs web restent réalisées dans des magasins physiques. Kantar livre 3 pistes pour gagner le Royaume-Uni: 1. Améliorer l’expérience d’achat en ligne via le développement de dispositifs et d’applications aux côtés des stratégies omnichannel; 2. Etre pratique (les nouveaux entrants comme AmazonFresh, HelloFresh, Etify ou Gusto ont tous misé sur la commodité et ainsi répondu à un besoin jusque là non-comblé); 3. Innover (« les développements déjà vus à travers l’Atlantique marqueront probablement l’avenir de l’e-commerce au Royaume-Uni »).

USA: les raisons d’une croissance lente

Berceau de nombreuses sociétés digitales à succès, les Etats-Unis semblent pourtant accuser un certain retard en matière de ventes FMCG sur la toile (1,4% de pdm). En cause: la géographie du pays (avec des lieux fortement peuplés et d’autres qui ne le sont pour ainsi dire pas, rendant la livraison à domicile difficile), la fragmentation du paysage retail (en dehors de Walmart et Kroger, l’industrie alimentaire reste largement menée par des chaînes de supermarchés locales ne proposant pas de telles options) et l’approche non centrée sur l’alimentaire du retail. Pour Kantar, d’ici 2025, la part de marché de l’e-commerce FMCG devrait fortement augmenter et passer de 1,4% aujourd’hui à 6%, pour un total de 50 milliards de dollars.

Amérique Latine

Quant à l’Amérique Latine, l’adoption de l’e-commerce y est encore extrêmement faible, à l’exception de l’Argentine, avec une part de marché de 1%.

150 milliards de dollars en 2025

Selon Kantar Worldpannel, le chiffre d’affaires du marché FMCG sur le web devrait atteindre les 150 milliards de dollars d’ici 2025. « L’e-commerce en grande consommation, bien qu’encore peu répandu avec seulement un ménage sur 4 achetant en ligne, connaît une très forte croissance. Nous estimons qu’il se développera à hauteur de 9% du marché et représentera un chiffre d’affaires de 150 milliards de dollars à horizon 2025. Avec de nouveaux entrants s’étendant rapidement, comme Amazon, le secteur fait face à un bouleversement » précise Stéphane Roger, Global Shopper and Retail Director chez Kantar Worldpanel.

Agir rapidement

« Bien que les ventes en ligne puissent potentiellement cannibaliser les ventes en magasin, il est absolument essentiel que les distributeurs agissent très rapidement pour développer une présence forte en e-commerce. Les premiers entrants sur le marché peuvent jouir d’une part de marché significativement plus élevée – une différence qui peut atteindre au moins 40% en France et jusqu’à trois fois plus au Royaume-Uni » indique Stéphane Roger.