Les résultats du Groupe Colruyt à mi-exercice livrent le portrait d'un commerçant en pleine santé. Mais aussi soucieux de ne pas donner prise à la concurrence, sur ses terrains traditionnels (le prix) comme sur ceux plus novateurs de la digitalisation.

 

Joli bulletin que celui rendu par le Groupe Colruyt à mi-exercice 2018-2019: 4,595 milliards d'euros, un chiffre d'affaires en croissance de 3%, une croissance qu'il faut ramener à 2,3% si l'on soustrait la vente de carburants par DATS, où l'effet inflatoire est évident, même pour ceux qui n'ont jamais entendu parler des Gilets Jaunes. Et puis derrière cette heureuse croissance, d'autres indicateurs qui auront tout pour satisfaire les analystes financiers: une marge EBITDA à 8,4% contre un déjà très enviable 7,9% l'an passé, dopée par une hausse de la marge bénéficiaire brute (26,3% du chiffre d'affaires au lieu de 25,7%), et une marge EBIT passée à 5,5% du chiffre d'affaires au lieu de 5,2%.

La part de marché progresse

Voilà pour les chiffres, éloquents. Et si on parlait commerce? L'annonce de ces résultats confirme que Colruyt reste plus que jamais l'autoritaire leader d'un marché qui ne cesse pourtant de remuer, avec des concurrents très actifs. En pratique, Colruyt peut pourtant se féliciter de sa position concurrentielle, puisque la branche retail du groupe (exclusivement alimentaire, soit Colruyt Meilleurs Prix, OKay et Spar Colruyt Group) revendique en Belgique une forte progression de part de marché au cours du premier semestre de l'exercice, celle-ci passant à 32,4% au lieu de 31,9%. Les supermarchés Colruyt en Belgique et au Grand-Duché de Luxembourg ont vu leur chiffre d'affaires augmenter de 1,7%, une croissance que le distribue à la fois à la croissance du volume et à l'inflation des prix de vente.

Et puis l'effet de l'été caniculaire est là. C'est Tom Penninckx, Client Business Partner chez Nielsen, qui l'expliquait hier dans une passionnante intervention face aux participants à l'infosession organisée par Gondola Academy autour de la parution de notre poster fmcg annuel: alors que la croissance s'est située sous la barre des 1% au cours du reste de l'année, les périodes Nielsen P07 et P08 (juillet et août) ont  permis d'enregistrer un bond de croissance de 4,6%, qui aura profité à certaines catégories particulières, comme les drinks, mais aussi aux retailers, et bien entendu au leader de ceux-ci.

Le vrai joyau de la couronne Colruyt, c'est bel et bien OKay. Le Groupe nous annonce, sans livrer de performances individuelles, une croissance de 6,9% - excusez du peu – pour un trio composé des enseignes OKay, Bio-Planet et Cru. Qu'on ne s'y trompe pas: c'est bien ici OKay la locomotive. Deux magasins OKay ont ouvert en 2018, et l'enseigne compte bien en ouvrir en moyenne 6 par an à l'avenir. Bio-Planet occupe une position particulière sur un marché en essor, celui du bio. Son positionnement de spécialiste sur ce créneau lui offre une vraie légitimité. Mais son implantation en périphérie urbaine place l'enseigne en-dehors des zones citadines où l'attrait pour le bio est sans doute le plus fort, et où de nouveaux acteurs séduisants et ambitieux se développent. Il n'est donc pas étonnant que Bio-Planet ait pour la première fois tenté l'ouverture d'un magasin en centre-ville, à Anvers.

 

Colruyt bénéficie d'une activité promotionnelle moins tendue

Pour expliquer la hausse de sa marge bénéficiaire, Colruyt évoque une certaine détente sur le marché: "La concurrence sur le marché du détail belge fut moins intensive qu'au cours du premier semestre de l'exercice précédent, qui avait été marqué par une augmentation du nombre d'actions promotionnelles et par l'intensification de la pression sur les prix et les promotions." Un état des lieux également confirmé hier par Tom Penninckx: après les pics de 2013 et 2014, où les ventes en promo dépassent 18% de la valeur, elles sont retombées en 2018 à 17,7%. Ce qui rend cette pression promotionnelle spectaculaire, c'est la part accrue des "give away" – comprenez les produits gratuits – qui se situe en 2018 à 3,3%.

Et puis il faut aussi évoquer le succès éclatant des produits à marque propre de Colruyt, comme nous l'a confirmé hier Tom Penninckx Les deux marques de distributeur jouissant de la meilleure notoriété dans notre pays sont Boni et Everyday. Autrefois volontairement un pur "brand player" ne laissant aux MDD qu'un rôle défensif face au Hard Discount, Colruyt a pleinement réussi son changement de stratégie opéré en 2013: il n'aura fallu que trois ans pour que ses marques s'imposent comme les plus populaires.

Tout n'est pas aussi brillant dans le bulletin du groupe: l'activité de retail non-alimentaire souffre, avec le chiffre d'affaires global des magasins Dreamland et Dreambaby en baisse de 7,1% par rapport à l'exercice précédent, et l'on peine à se satisfaire de l'effet calendrier et de la météo printanière moins favorable invoqués par le Groupe pour l'expliquer.

Un leader solide mais vigilant

Leader autoritaire du marché et en pleine santé, Colruyt n'en reste pas moins vigilant. Et à juste titre, au moment où les hard discounters accélèrent le pas. Lidl poursuit sa politique d'expansion, et Aldi devrait inévitablement tirer parti à court terme de sa formidable et ultra-rapide métamorphose conceptuelle et de son hyperactivité en communication autour de la qualité de ses produits Private Labels. Albert Heijn continue à semer des cailloux en Flandre, qui sont, à l'échelle locale, autant de cailloux dans les souliers de Colruyt. Jumbo s'apprête à faire de même, et le nouveau COO Retail de Colruyt, Marc Hofman, n'entend pas accueillir le retailer batave les bras croisés. Et puis il y a bien sûr d'autres chantiers en cours, comme celui de la digitalisation: le groupe confirme avoir augmenté ses coûts à hauteur de 17,9% du chiffre d'affaires pour soutenir " le personnel, les canaux de distribution, les projets de transformation et la poursuite de la durabilisation des filières."  Manifestement, ce n'est pas chez Colruyt le moment de s'endormir sur ses lauriers. 

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