Les niveaux de prix en supermarchés pourraient baisser en moyenne de 5% dans les prochaines années. C'est le pronostic partagé par Nielsen au cours de la présentation exclusive donnée par ses représentants Hilde Vanderheyden et Tom Penninckx devant les membres de The Retail Society réunis le 15 mai. Les deux experts nous ont livré 8 raisons qui soutiennent leur raisonnement.

1. Le différentiel de prix avec les pays voisins

Premier facteur: l'écart de prix observé sur les denrées alimentaires en Belgique par rapport aux pays voisins. Le SPF Economie a conduit à la fin 2013 une étude faisant apparaître que les prix pratiqués en Belgique se situent toujours à un niveau à peu près 10% supérieur à la moyenne européenne. Ce différentiel varie selon les catégories: les boissons alcoolisées et le tabac sont par exemple plutôt moins chers que dans les marchés qui nous entourent, au contraire des produits surgelés, beaucoup plus coûteux. Les données d'Eurostat relèvent aussi une augmentation de 26% des prix en Belgique sur une période de 8 ans, soit bien davantage qu'en Allemagne (+24%), aux Pays-Bas (+17%) ou en France (+16%).

La hausse est bien entendu en bonne partie liée à la hausse concomitante des matières premières. Mais ceci n'empêche pas de constater une autre différence significative avec les pays voisins, où le niveau de hausse des prix de vente au détail s'est révélé inférieur à celui connu pour les matières premières. La Belgique fait ici figure d'exception: la hausse des prix de vente est plus marquée que celle des prix des matières premières, dans des proportions supérieures de 23% pour certaines catégories.

2. Le différentiel entre marques et private labels

Deuxième facteur: l'écart de prix se creuse entre marques nationales et marques de distributeurs. Les marques étaient en moyenne 78% plus chères que les MDD en 2009, le différentiel atteint 87% en 2013. Les MDD ont à peine évolué à la hausse en termes de prix, en dépit du fait qu'elles ont elles aussi à absorber les hausses de prix de matières premières.

L'examen des 5 marques principales en Belgique révèle aussi des écarts de prix importantsentre 2009 et 2013. On note que, sur cette période, les prix de Coca-Cola ont crû de 13,8%, ceux de Côte d'Or de 16,5%, ceux de Douwe Egberts de 36,2%, et ceux des chips Lay's de 4,5%. Ces hausses sont en grandes parties attribuables à la hausse de prix des matières premières, mais pas intégralement.

Cet écart de prix qui augmente pourrait expliquer pourquoi les private labels affichent en Belgique de si bonnes performances: elles ont gagné un point de part de marché au cours de chacune des cinq dernières années. Leur part de marché globale en Belgique atteignait en 2013 34,8%, alors que les marques nationales perdent du terrain. Le top 50 des marques parvient encore à se maintenair raisonnablement, mais les plus petites marques ont perdu 3,4 points de parts de marché au cours des 5 dernières années.

3. Un consommateur bien informé

Troisième facteur: la transparence. Le consommateur est mieux informé que jamais. Il cherche l'info sur le web, ou regarde en téléspectateur les nombreux programmes consacrés à la consommation.

4. Les promotions

L'accent est mis sur le prix: de plus en plus  de promotions sont mises en place en Belgique, où l'on communique bien davantage sur l'élément prix. Ce qui profite surtout aux discounters.

5. Le succès du hard discount

Une conséquence logique de ce qui précède. Les hard discounters se portent bien en Belgique: leur croissance depuis 1998 atteint 5%. Soft et hard discounters confondus atteignaient, à la fin 2013, une part de marché cumulée de 42,6%.  Elle ne représentait en 2009 que 39,3%. 

6. L'innovation se tarit

Le nombre d'innovations arrivant sur le marché diminue. Un phénomène vérifié cette année par les membres du jury aux trophées des INN'awards, organisés par Gondola. Les innovations justifient généralement un pricing plus élevé. Ce sont aussi les innovations qui permettent aux fabricants et retailers de créer de la valeur. Moins d'innovation pour alimenter le marché, c'est autant de valeur qui lui fait défaut...

7. Albert Heijn

Septième facteur: l'arrivée d'Albert Heijn sur le marché belge. Son impact a déjà fait l'objet d'une analyse détaillée dans le Gondola magazine de mars. L'ouverture d'un AH fait en moyenne baisser de 2% les prix dans son environnement voisin. la différence peut être plus importante selon les produits. A titre d'exemple, la référence Heinz ketchup 700 gr. y fut proposée en promo à un prix 24% plus avantageux.

8. Les autres retailers à bas prix

Dernier élément: l'influence d'autres retailers qui jouent sur le prix. Le parc de Kruidvat s'est étendu (passant de 160 magasins en 2007 à 194 en 2013), et Action ouvre lui aussi de nombreux points de vente. Leur site web fait état d'une ouverture par semaine en moyenne, dans la région Pays-Bas, Belgique, Allemagne.

Conclusion: vers une guerre des prix?

Le grand écart de prix entre marques et private labels, la focalisation du consommateur sur le prix, la croissance des discounters et l'arrivée d'autres acteurs agressifs sur le terrain du prix pourraient éventuellement créer les conditions favorables au déclenchement d'une guerre des prix. Espérons toutefois que retailers et fabricants belges n'en arrivent pas jusque là.

Retrouvez l'article complet dans le prochain numéro de Gondola Magazine.