Le ‘Banking-as-a-Service’ (BaaS) constituera-t-il une révolution de la même ampleur que l’avènement du cloud pour les entreprises ? Les avantages de cette technologie semblent en tous cas nombreux pour les retailers. Explications.

Qu’on l’appelle ‘Banking-as-a-Service’, ‘Embedded Banking’ ou ‘banque embarquée’ peu importe, de nombreux experts l’affirment : cette innovation est appelée à déferler sur la Belgique, l’Europe et au-delà dès cette année. Selon une étude menée par le spécialiste BaaS OpenPayd, la seule technologie des paiements embarqués devrait permettre de générer pas moins de 277 milliards d’euros de revenus d’ici 2026… rien que sur le Vieux Continent. Quatre secteurs semblent particulièrement susceptibles d’être transformés par cette (r)évolution : le retail et l'e-commerce, les voyages et le divertissement, l'alimentation et les boissons, ainsi que le transport et la logistique. Mais au fond, de quoi s’agit-il exactement ?

En résumé, le BaaS permet aux retailers, marques et autres entreprises d'intégrer facilement des services financiers au sein de leur propre écosystème, avec à la clé de nouveaux marchés, de nouvelles opportunités commerciales et une expérience client optimisée. « Pour faire simple, il s’agit de l’ensemble des services que propose une banque classique, mais délivrés ‘clé sur porte’ à des tiers », explique Kim Van Esbroeck, country head d’Aion Bank et ancienne CEO de Bancontact Payconiq. En parallèle de ses activités bancaires conventionnelles, la banque digitale belge a récemment développé de tels services intégrés, en partenariat avec la plateforme cloud Vodeno. La première dispose de la licence bancaire à l’échelle européenne tandis que la seconde apporte les connaissances technologiques nécessaires. « Selon la presse internationale spécialisée, le BaaS sera LE game-changer de 2022, et son impact devrait être du même ordre que celui engendré par la migration vers le cloud. Outre-Atlantique, l’Embedded Banking est déjà une réalité. L’Europe a environ 5 ans de retard. » La dirigeante belge d’Aion pointe en particulier deux groupes d’acteurs à qui la banque entend fournir des solutions BaaS. D’une part les banques, traditionnelles ou néo-banques, à qui il manque soit la licence bancaire, soit le know-how technologique, soit la capacité de s’étendre rapidement sur certains marchés. Et d’autres part, l’ensemble des acteurs non-réglementés à l’instar des retailers, en ligne ou non.

Paiements, prêts, cartes…

En plus des ‘simples’ paiements déjà très répandus, le ‘Banking-as-a-Service’ offre en effet de nombreuses autres possibilités aux détaillants : prêts sous diverses formes, cartes bancaires ou de fidélité, investissements, etc. « The sky is the limit. Cela dépend juste de la créativité du retailer, des besoins qu'il identifie, de l’intérêt qu’il perçoit à proposer tel ou tel service », assure Kim Van Esbroeck. « Dans l’e-commerce par exemple, vitesse et fluidité sont primordiales. C’est pourquoi nous avons développé un service 'buy now, pay later', qui constitue une forme de crédit bancaire, directement intégrable dans l’écosystème d’une plateforme en ligne. » Mais le commerce physique n’est également pas en reste. Dans ce cas de figure, la vitesse perd quelque peu en importance mais le client se trouve sur place, ce qui offre d’autres possibilités. « Pour acheter un e-bike, ce qui peut vite coûter 5.000, voire 10.000 euros, un emprunt est souvent nécessaire », poursuit la dirigeante d’Aion Bank. « Avant, le client devait entreprendre des démarches auprès de sa banque, puis se rendre chez un vendeur et enfin obtenir son vélo. Grâce à l’Embedded Banking, toute la démarche peut désormais se faire directement dans le magasin en moins d’une heure. En temps réel, le commerçant peut effectuer une vérification, accéder aux données financières du client auprès de sa banque, obtenir l'historique de ses capacités de remboursement et proposer différentes solutions de crédit. On appelle cela du ‘Lending as a Service’, et c’est totalement intégré dans le processus de vente. »

The sky is the limit. Cela dépend juste de la créativité du retailer.

Kim Van Esbroeck
Country head d’Aion Bank

Autre possibilité : les distributeurs accordent généralement une grande importance à la fidélisation de leurs clients, raison pour laquelle la plupart d’entre eux ont mis en place un système de carte de fidélité, qui peut parfois être couplée à des capacités de paiement. Là encore, le BaaS peut constituer une solution. « Nous comptons parmi nos clients un grand retailer international B2B pour qui nous avons fourni un produit innovant sur l'Europe. Il s’agit d’une carte spéciale appelée 'decoupled debit' et développée en ‘white label’, c’est-à-dire qu’elle est totalement brandée au nom de la marque. En gros, il s’agit d’une carte de paiement qui va permettre au retailer d’aller chercher l'argent auprès de la banque principale de son client, avec à la clé de nombreux avantages : pas besoin d’une licence bancaire ni d’investir dans une lourde infrastructure de comptes courants. » En prime, le retailer dispose d’une visibilité sur l’ensemble des datas liées à la carte et son client profite d’une grande facilité d’utilisation. « Le core business d'un retailer est de vendre des services ou des produits. En rendant le customer journey plus simple, fluide et intégré, il peut ainsi davantage garder le client au sein de son environnement et augmenter le taux de conversion vers l’acte d’achat », promet Kim Van Esbroeck, qui ajoute que malgré la rapidité du système, un risk management est toujours mis en œuvre. « Dès qu’on parle de crédit, c’est toujours le cas, que ce soit dans les millisecondes ou a posteriori. Ce n'est parce que c'est intégré dans un processus de retail, que cet aspect disparait, cela reste du banking. »

Changement de mentalité

D’aucun pourrait penser que tous ces services existaient finalement déjà bien avant l’avènement du BaaS. Ce qui est vrai. Cependant, la grosse différence se situe au niveau de la simplification, la rapidité, l’externalisation et la démocratisation de leur mise en place. Outre le fait qu’une licence bancaire ou de lourds investissements en infrastructure IT, compliance, personnel, etc. ne sont plus nécessaires, les fournisseurs comme Aion Bank proposent une implémentation rapide (en quelques mois au lieu de quelques années) et à moindre frais puisque le modèle classique consiste en un paiement upfront pour la mise sur pied du projet, suivi d’un récurent variable en fonction du volume. « Le mot-clé est 'as a service'. C’est le fait de pouvoir commander ces options à la manière d’un service et non plus comme un gros investissement à fournir. » Par ailleurs, si le BaaS ne devrait finalement prendre son envol que cette année dans nos contrées, et pas plus tôt, c’est parce qu’il aura fallu attendre la conjonction de plusieurs facteurs. « La technologie nous permet désormais d'utiliser des API (Application programming interface) partout. Nos plateformes sont construites à 100% dans le cloud, ce qui veut dire que nos clients peuvent faire appel à ces services très facilement. Et puis, les mentalités ont également évolué. Dans le chef des retailers, qui ont compris qu’ils pouvaient de cette manière améliorer l’expérience d’achat de leurs clients et ainsi augmenter leurs revenus. Mais également dans celui des consommateurs, qui sont désormais davantage digitalisés et plus enclins à partager leurs données en échange d’une expérience utilisateur optimale. »