Le syndicat ACV Puls a jeté un petit pavé dans la mare de la grande distribution jeudi en appelant à limiter le nombre de supermarchés par km² en Belgique. Certaines communes du pays n’ont pas attendu une régulation à l’échelon fédéral ou régional pour endiguer une supposée hyper-concurrence.

Alors que les syndicats rencontraient le ministre de l’Économie Pierre-Yves Dermagne mercredi afin d’évoquer le dossier Delhaize, l'ACV Puls, le syndicat chrétien flamand, a appelé les autorités à limiter la prolifération des grandes surfaces en Belgique. « La Belgique est le seul pays en Europe à compter autant de supermarchés sur un territoire restreint. On compte un supermarché pour 3.000 habitants et il s'en ajoute sans cesse », a notamment expliqué la responsable pour le commerce Kristel Van Damme dans les médias.

« Il y a trop de commerces en Belgique »

Evelyne Zabus, de la CNE, ne nous a pas déclaré autre chose. « Travailler sur l’axe de la régulation des implantations commerciales fait partie de nos demandes car l’hyper-concurrence amène tous les acteurs à tirer vers le bas », estime-t-elle. Une hyper-concurrence qui est frôle même parfois l’absurde. « Si je prends l’exemple de là où j’habite, à savoir la petite ville de Libramont, nous avons depuis le rachat de Mestdagh deux Intermarché à 500 mètres l’un de l’autre. Par conséquent, même à l’interne d’une enseigne, on se crée de la concurrence. Ce n’est donc pas simplement qu’il faut moins de magasins, il faut aussi une certaine cohérence au sein des groupes. » Parmi les autres demandes du syndicat chrétien, on retrouve également l’harmonisation des différentes commissions paritaires, « afin d’éviter un dumping social », ainsi que l’instauration d’un lien juridique (et donc social) clair entre le franchiseur et le franchisé, et pas uniquement des liens commerciaux et financiers. « En clair, nous voulons un vrai avenir pour le secteur. Est-ce que l’avenir du secteur, c’est la dérégulation sociale, les implantations à tout-va et la régression des conditions de travail ? On nous taxe d’être restés en 1978, mais nous avons parfois l’impression d’être retournés en 1828… Dans aucun secteur d’activité aujourd’hui, on ne fait basculer des milliers de gens dans des conditions de travail plus précaires. »

Il y a de cela plusieurs semaines, Claude Boffa, professeur de marketing à la Solvay Brussels School, soulignait déjà dans la DH que l’on avait ouvert beaucoup trop de supermarchés de proximité ces dernières années en Belgique. « La concurrence est telle qu’elle en affecte la rentabilité », disait-il. « De nombreux franchisés ne font pas assez de marge. Certains sont viables grâce à une structure de personnel moindre, où le franchisé bosse énormément, souvent en famille. Mais si vous n’atteignez pas au minimum 20% de marge, c’est la catastrophe. La concurrence est cependant trop féroce car si vous multipliez le nombre de points de vente, le gâteau, lui, n’est pas plus important. Il est clair qu’il y a trop de commerces en Belgique. »

« Éviter les drames sociaux »

Face à cette surabondance, certaines communes ont décidé d’agir, comme le relate la Gazet Van Antwerpen ce vendredi. « Nous avons déjà réussi à empêcher l'ouverture de deux grands supermarchés à Vosselaar », explique le bourgmestre Gilles Bultinck (CD&V). « Nous avons décidé qu'aucune surface au sol supplémentaire de supermarchés ne devait être ajoutée. Seul un agrandissement de moins de 400 mètres carrés est encore possible, à condition qu'il se fasse dans le même bâtiment », ajoute-t-il, concédant toutefois qu’il n’est pas facile de rendre une telle politique inattaquable. « Mais il est clair qu'elle dissuade fermement les supermarchés qui veulent venir s'installer ici », assure Gilles Bultinck. « Nous ne leur donnons pas de permis. Et si un supermarché devait faire appel de cette décision, nous continuerions à résister fermement. » D’autres communes du nord du pays comme Turnhout, Oud-Turnhout ou encore Beerse, où il y a déjà beaucoup de supermarchés, tentent également de faire de même depuis plusieurs années. « Nous avons introduit notre gel des supermarchés en 2017 sur les conseils du coach en commerce de détail de la province d'Anvers », explique l’échevin des affaires économiques de Turnhout, Luc Op de Beeck. « Avec cette réglementation, nous voulons éviter les drames sociaux. Notre intention n'est pas de perturber le marché, mais nous ne pouvons pas permettre aux supermarchés de se détruire les uns les autres. Les supermarchés et les magasins existants doivent avoir la possibilité de survivre. »