Le choc. On attendait depuis longtemps, trop longtemps, la nature des mesures risquant de toucher la filiale belge de Carrefour, dans la foulée de la purge effectuée au siège français. On pensait que ce risque concernait essentiellement le périmètre de la centrale, ce qui ne rassurait pas forcéments les cadres potentiellement concernés, soumis depuis mardi à un insupportable suspense.

On avait tort. Le choc est majeur, et il touche toute l’entreprise, sous une forme proportionnellement plus sévère que la restructuration annoncée en France. 180 postes menacés en centrale, 2 hypers qui ferment (Genk et Belle-île à Liège), l’hyper de Turnhout réduit en surface, ceux de Westerlo, Brugge Sint-Kruis et Haine-Saint-Pierre “dégradés” en format supermarché, et les emplois de 1053 collaborateurs hypothéqués par ces mesures en magasins. Le tout concerne un total de 1233 emplois. Carrefour a beau enrober son communiqué de longs préliminaires sur les défis de l’avenir et l’ouverture prévue de nouveaux magasins market ou express (en réalité ouverts par des indépendants), ou encore souligner que “seul” le format hypermarché et la centrale sont concernés, ce propos est aujourd’hui inaudible. C'est le temps de l'émotion. 

Il reste juste le choc de l’impact du plan, 7 ans après la crise précédente. Elle fut longue, sévère. Et finalement dénouée, quand Gérard Lavinay parvint à renouer le fil de la confiance. Sans le moindre doute, on s’engage dans un conflit social. Dur. La façon même dont il s’engage n’offre pas de bon présage. Agacés par ce retard mis à leur présenter ces mesures, les syndicats se demandent déjà si il s’agit d’amateurisme ou de cynisme, d’hésitations ou d’attente des arbitrages du siège parisien. Après l'émotion, il y aura forcément un temps pour la négociation, elle risque d'être très tendue. Les syndicats ne feront pas de concessions inutiles à une entreprise qui a certainement pesé en connaissance de cause les implications sociales de cette décision. Le conflit social s’ouvre. On doute que son impact se limite aux seuls hypermarchés.

48h d'inquiétudes ont précédé l'annonce

Pour rappel, le 23 janvier dernier, Alexandre Bompard, CEO Carrefour Group, annonçait son plan de transformation Carrefour 2022. Dans celui-ci, l’accent est mis sur la digitalisation et ce qu’il appelle « la transition alimentaire ». En France, 2.400 emplois (sur un total de 10.500 postes) seront supprimés sur base de départs volontaires au siège, mais le sort de la Belgique n’était alors pas encore connu. Depuis ce jeudi 14h, nous sommes fixés: la purge imposée à la filiale belge est finalement proportionnellement  plus sévère et radicale que celle subie par la maison mère. Ne fût-ce que parce que celle-ci a prudemment évité d'annoncer aussitôt des mesures douloureuses touchant les hypers français, de peur d'entraîner une réaction syndicale immédiate. En France, on jugera au cas par cas, à son rythme. Mais ici, le couperet est tombé aussitôt.

Dans le flou le plus total depuis 48h, les partenaires sociaux n’étaient pas les seuls à s’inquiéter de l’impact de ce plan de transformation sur la Belgique. Ainsi, Aplsia qui défend les intérêts des indépendants/franchisés, et ce, notamment de Carrefour avait déjà fait part de son inquiétude, craignant que ses adhérents ne se retrouvent eux-même victimes d’une situation qui paralyserait en partie leur activité. « Aplsia espère vivement que le plan de restructuration annoncé pour la France, n’exercera pas encore davantage de pression sur la rentabilité des franchisés belges, dont la survie de Carrefour Belgique dépend totalement aujourd’hui » soulignait alors Sophie Boval, chargée de communication pour Aplsia. Syndicats et indépendants sont aujourd’hui fixés.

« Seules 2 ou 3 personnes étaient au courant »

Les représentants syndicaux n'ont pas tardé à réagir. Nous avons récolté le témoignage de l'un d'entre eux, Vik Vets, délégué syndical et Control Quality Manager chez Carrefour. Une réaction à découvrir en cliquant ici!

En détail

Carrefour Belgique explique les conséquences potentielles sur l’emploi par un besoin de réduction des dépenses faisant suite à divers investissements.

  • Investissements

En adéquation avec le message passé par le Groupe, Carrefour Belgique indique en effet vouloir travailler sur son offre de services, sur le développement digital, sur les produits frais et bio, ainsi que sur les MDD Carrefour, tout en développant son ancrage local. Le retailer investira dans la formation de ses équipes par la création d’une Digital Academy.

Il annonce en outre l’ouverture de plus de 30 nouveaux Carrefour Market et Express ainsi que 70 nouveaux points de retrait e-commerce et un investissement prévu dans sa compétitivité prix et sa logistique.

  • Hypermarchés

Concrètement, pour ses hypermarchés, Carrefour Belgique prévoit de revoir l’efficacité et l’organisation du travail dans ses 44 hypers intégrés; d’exploiter trois hypers (Westerlo, Brugge Sint-Kris et Haine-Saint-Pierre) sous format et conditions supermarchés intégrés ; d’exploiter l’hypermarché de Turnhout sous le format hypermarché avec une plus petite surface et de fermer deux hypermarchés déficitaires: Genk et Belle-Ile (Angleur). Au total, 1.053 emplois sont menacés dans l’univers des Hypermarchés.

Le retailer dit en outre souhaiter élargir ses heures d’ouverture.

  • Simplification au siège

Au niveau du Siège, « Carrefour Belgique prévoit de simplifier, digitaliser les tâches et améliorer la productivité des activités centrales, et de revoir les investissements ». 180 emplois y seront menacés.