La restructuration de Carrefour Belgique a fait, le 25 janvier dernier, l’effet d’une bombe au siège social du retailer.  « Seules 2 ou 3 personnes étaient au courant » considère un collaborateur de la centrale.

Vik Vets est Control Quality Manager et travaille depuis 28 ans déjà chez Carrefour. Il est aussi délégué syndical. Il ne cache pas avoir le coeur gros. « La consternation au siège social est générale. Nous savions que de mauvaises nouvelles allaient nous parvenir, mais l’impact a surpris tout le monde. 180 emplois, c’est un coup très dur. Jusqu’il y a quelques jours, on nous disait que rien encore n’avait été décidé. Foutaises, bien sûr. Cette décision est prise depuis bien longtemps. Tout est décidé depuis Paris. La communication autour de la restructuration nous a été dissimulée sous une forme angoissante. La plupart des cadres étaient dans l'ignorance. En Belgique, seul un groupe très restreint de 2 ou 3 personnes était au courant du sort qui nous attendait. Ce qui laisse un goût amer… très amer ».

Vik Vets ne voit d'autre logique dans cette décision que le cynisme. « Nous avons déjà du faire des sacrifices en 2010,  l’Italie et l’Espagne ont bientôt connu un scénario similaire. Aujourd’hui nous devons à nouveau revivre cette situation. Je me demande ce que la direction précédente a fait pour en arriver à ce résultat. La mission d’Alexandre Bompard est claire: ramener la valeur des actions Carrefour à leur niveau d'autrefois. Pour les actionnaires, une lourde restructuration est une bonne nouvelle. »

C’est surtout la communication de Carrefour qui choque les syndicats. Jan De Weghe du syndicat BBTK parle d’amateurisme. « La direction fait preuve d'un total manque d’émotions. Cela rend les choses plus pesantes encore. » Le syndicat parle en outre « d’erreurs commerciales » intervenues après les restructurations antérieures de 2007 et 2010. « Carrefour aurait déjà du prendre le virage de l’évolution digitale il y a 10 ans. Elle a alors raté le train du numérique et offert sur un plateau la meilleure part du gâteau à ses concurrents directs. ».

Il subsiste encore une lueur d'’espoir que l'hécatombe ne soit en définitive pas aussi sévère qu'annoncée aujourd’hui. Selon le syndicat ACLVB, il est prématuré de conclure qu’il y aura bien 1.233 pertes effectives d’emplois. Certains membres du personnel pourraient par exemple changer de statut. Pour eux, l’impact ne se traduirait donc pas nécessairement par un licenciement. Le syndicat se réfère notamment à la restructuration de 2010, où une perte de 1.672 emplois avait été annoncée. Au final, 910 employés partirent en retraite anticipée dès 52 ans.

Le gouvernement a entretemps démantelé le régime de retraite anticipée, afin de relever l’âge de départ à la retraite. Il y a donc moins de marge de manoeuvre qu’auparavant. Vik Vets se fait d’ailleurs peu d’illusions « Dans la dernière phrase de son communiqué, Carrefour affirme que ce plan de transformation est nécessaire pour éviter davantage encore de nouveaux licenciements. Je pense que ceci indique que peu de choses pourront être retranchées du plan proposé ».

Vik Vets juge aussi inévitable les troubles sociaux au cours des semaines et mois à venir. « Compte tenu de l’ampleur de la restructuration et de la manière dont Carrefour l'a communiquée, les négociations avec les partenaires sociaux ne s'ouvrent pas dans un climat favorable, c’est une certitude. Et c’est un euphémisme. »