Les Mousquetaires ont bien mené leur barque. La dernière vague de conversion des 51 magasins intégrés du parc Mestdagh en points de ventes exploités par des indépendants a été annoncée ce matin lors d’un conseil extraordinaire. Les 12 magasins qui n’avaient pas encore été attribués passeront sous la bannière d’un indépendant le 4 décembre prochain.

Voilà un dossier qui s’achève selon un calendrier parfait. Annoncée en mars 2022, la reprise de 87 Mestdagh par Intermarché était devenue effective le 1er janvier dernier. A cette date, les magasins concernés avaient tous déposé leur enseigne Carrefour Market pour hisser à sa place le logo d’Intermarché, complété d’un “by Mestdagh » signalant leur statut transitoire. A l’exception des magasins déjà gérés par un franchisé, le parc de magasins intégrés restait logé dans la structure Mestdagh, dans l’attente de quitter cette orbite dès qu’ils auraient trouvé un repreneur parmi les adhérents du Groupement. En soi, le pari posé par Intermarché était déjà audacieux : Mestdagh était clairement en méforme, et le volume de magasins à absorber considérable. Mais pour les Mousquetaires, cette opportunité intervenait au bon moment : confortés dans leur confiance par six ans de croissance ininterrompue et par des indicateurs de performance au beau fixe (comme le chiffre d’affaires au mètre carré), l’opération leur permettait d’enfin dépasser la taille critique qu’ils ambitionnaient d’atteindre. L’étape est franchie : Intermarché pèsera désormais d’un tout autre poids sur le marché wallon. Et les regrets tardifs de Carrefour ont eux-mêmes prouvé par l’absurde à Intermarché que l’opération avait beaucoup de sens. Carrefour, qui détenait 25% de Mestdagh, aurait pu faire jouer la clause de préemption, mais a laissé filer ce réseau chez un concurrent au printemps 2022.  Un an plus tard, en janvier 2023, Carrefour Belgique, désormais dirigée par un autre CEO, regrettait manifestement ce choix, puisque l’entreprise tentait d’introduire, pour 18 magasins, un recours en justice contre l’autorisation accordée par l’Autorité de la concurrence à la reprise par Intermarché.

Regrets syndicaux, mais sans guérilla

Mais la véritable inquiétude allait venir pour Intermarché d’un autre horizon, tout aussi inattendu. Le 7 mars 2023, Delhaize annonçait son intention de franchiser la totalité de son parc de 128 magasins. Ce qui, pour le plan d’Intermarché, représentait déjà une concurrence : trouverait-on, pour absorber cette offre cumulée, si facilement 179 entrepreneurs disposant des moyens et de l’expertise voulue ? Pire : la décision de Delhaize, en aboutissant rapidement à une guerre de tranchées avec les syndicats, n’allait-elle pas polluer le climat du dossier Intermarché-Mestdagh ? Au final, il faut bien constater que cette tâche délicate confiée à Guillaume Beuscart, revenu à la tête de la maison Mestdagh, qu’il avait quittée en 2020, a été gérée avec pas mal d’habileté. Débutée en janvier, elle s’achèvera en décembre : en soi, c’est déjà un petit exploit, en particulier dans le contexte actuel. Certes, les syndicats ne sont pas plus enthousiastes sur le changement de modèle que chez Delhaize. Il suffit d’ailleurs pour le mesurer de lire les termes employés par la CNE pour annoncer à la presse l’événement du jour : « Voici donc un livre qui se referme pour le personnel des magasins intégrés Mestdagh Intermarché. Ce matin, lors du CE extraordinaire, l’employeur a annoncé que les 12 derniers magasins intégrés (…) passeraient à la franchise au 4 décembre prochain. Ce sont donc 51 magasins et plus de 2000 personnes qui seront dans un système de franchise en pratiquement 6 mois. Inutile de rappeler que sous prétexte d’un soi-disant maintien de l’emploi, c’est une régression importante des conditions de travail de tout une entreprise, tout un secteur. » Pas de guérilla pourtant dans ce dossier-ci, plutôt une forme de résignation accablée. Peut-être parce que la taille des entreprises et leurs situations respectives n’étaient pas tout à fait la même. Engagée dans une spirale négative, Mestdagh avait à tout prix besoin d’un sursaut pour assurer l’avenir – et l’emploi – dans son réseau.

Intermarché présent à Bruxelles... pour y rester

Pour Intermarché, il n’y a effectivement pas de temps à perdre pour dynamiser les magasins repris à Mestdagh et les convertir progressivement à son concept. Entretemps, un autre traditionnel concurrent direct des Mousquetaires s’est effacé : 57 magasins Match ou  Smatch ont été cédés par le Groupe louis Delhaize à Colruyt Group, dont une bonne part en Wallonie, où la concurrence risque de se raviver. L’autre effet immédiat de la conclusion de ce dossier, c’est qu’il place désormais Intermarché sur le territoire bruxellois, où il était jusqu’ici absent. Une présence dont on pouvait légitimement se demander si elle serait durable, puisqu’elle se traduit par des contraintes fastidieuses et coûteuses : tout l’assortiment à marques propres d’Intermarché doit y être aujourd’hui revêtu d’étiquettes  livrant la traduction néerlandaise des mentions présentes sur leur packaging. Nous sommes aujourd’hui chez Gondola en mesure de l’affirmer : ce qui sera temporaire, ce ne sera pas la présence de l’enseigne à Bruxelles, mais bien l’obligation de se livrer à ce travail de sur-étiquettage. Intermarché, qui dispose de son propre pôle industriel pour assurer la production de ses références Private Label, aurait déjà approuvé le principe d’une modification de ses packagings standards pour qu’ils accueillent une langue supplémentaire, dès que le stock de packagings existants sera épuisé