Voici donc le Black Friday, le début de la période la plus active de l'année pour l'e-commerce. Des chercheurs de l'Université d'Anvers se sont penchés sur les faiblesses des systèmes de commande des boutiques en ligne pour les avertir de potentielles fraudes. Un aperçu de leurs conclusions. Au cours des mois d'octobre et de novembre, des doctorants en économie de l'université d'Anvers ont commandé 75 colis d'une valeur comprise entre 0,01 et 1100 euros auprès de boutiques en ligne nationales et internationales. Avec cet échantillon, réalisé en collaboration avec la cellule de journalisme d'investigation de DPG Media, ils ont tenté d'identifier les faiblesses des systèmes de commande des boutiques en ligne pour les avertir d'une éventuelle fraude.

Pas de signature

Une première conclusion : plus de 90% des livraisons à domicile ne nécessitent pas (ou plus) la signature du destinataire. "Il s'agit toujours d'une conséquence de la crise corona, mais elle ouvre la porte à la fraude des consommateurs", explique le professeur Roel Gevaers. " Après tout, aucune autre preuve de livraison n'est généralement enregistrée dans les systèmes. On fait souvent référence aux photos, mais nous constatons qu'elles ne sont presque jamais prises et affichées dans le système de suivi et de localisation. Un nombre limité de coursiers ont effectivement vaguement imité la signature du destinataire."  

Remboursement en douceur

Autre constatation notable : dans 41% des cas où un client a déclaré ne jamais avoir reçu son colis, la boutique en ligne a procédé au remboursement assez rapidement, surtout lorsque la valeur de la marchandise était inférieure à 35 euros. "Ce sont surtout les acteurs les plus importants et les plus riches qui procèdent sans problème au remboursement, mais cela peut être néfaste aux petits acteurs locaux à long terme", poursuit M. Gevaers. Dans 12% des cas, une enquête approfondie a été ouverte et est actuellement en cours. Dans 47% des cas, il a été demandé à l'auteur de la commande de signer une "déclaration sur l'honneur" pour procéder à une enquête plus approfondie ou à un remboursement immédiat. "Parfois, on demandait au client de déclarer qu'il avait contacté tous les voisins et qu'il avait également vérifié le jardin", a déclaré le professeur. "Une boutique en ligne a même demandé à déclarer que le consommateur avait lui-même contacté les douanes."  

Contourner le montant minimum d'une commande

Les chercheurs ont aussi vérifié si les consommateurs pouvaient facilement contourner le montant minimum de commande pour bénéficier de la livraison gratuite. Dans chaque cas, ils ont passé dans les magasins en ligne une commande dont le montant total était supérieur au montant minimum, pour ensuite retourner gratuitement tous les articles et ne garder qu'un produit bon marché, comme une paire de chaussettes à 4 euros. Avec quel résultat ? Dans 100 % des cas, l'astuce a fonctionné et l'auteur de la commande n'a pas eu à payer de supplément après son retour. "Cela implique un gros risque financier pour les boutiques en ligne, car les frais de livraison, les frais de retour et le contrôle des marchandises retournées coûtent rapidement entre 12 et 15 euros par commande", remarque M. Gevaert.  

"Les produits bon marché sont toujours vendus en dessous du prix de revient réel"

Les chercheurs ont également montré qu'il est facile de commander en Chine des produits d'une valeur d'à peine 0,01 euro, frais de port compris. Cet article, un vêtement, a été envoyé par fret aérien. L'UE a introduit des droits supplémentaires sur les "dropshippers" chinois, explique le professeur Wouter Dewulf. "Dans le dropshipping, un client commande un article sur une boutique en ligne, et celle-ci demande au fournisseur d'expédier le produit au client. Mais malgré ces charges, les produits très bon marché sont toujours vendus en ligne en dessous de leur véritable prix de revient. Ce phénomène crée une concurrence déloyale avec les acteurs européens."  

Lutter contre la fraude

Avec cette recherche, les scientifiques ont surtout voulu donner des recommandations aux boutiques en ligne, aux acteurs de la logistique et au gouvernement en ces temps de difficultés économiques. "Nous espérons que nos recherches pourront aider les entreprises et le gouvernement à améliorer les processus commerciaux, financiers et logistiques ainsi que la durabilité", conclut M. Dewulf. "Les lacunes dans ces processus ouvrent la porte à la fraude des consommateurs. Cela peut entraîner des problèmes financiers pour les entreprises, et c'est également - il suffit de penser au retour des articles - problématique en termes de durabilité. Les consommateurs doivent également savoir qu'ils rendent la situation plus coûteuse et moins conviviale pour tout le monde lorsqu'ils profitent de ces failles." Une fois l'échantillon terminé, les colis ont tous été renvoyés au vendeur, aux frais du groupe de recherche.