La direction de Carrefour Belgique et les syndicats ont conclu un protocole d’accord sur le volet social et l’organisation du travail. Celui-ci pourrait être traduit en convention collective de travail dès jeudi. Une information de La Libre. Le gouvernement, toutefois, pourrait s'opposer à l'une des principales mesures de cet accord...

Direction et syndicats n’ont cessé de répéter leur intention de parvenir à un accord avant l’été. Ce serait désormais chose faites, puisque selon La Libre, les deux parties seraient parvenues à un protocole d’accord sur le volet social et l’organisation du travail. Ce ‘texte de compromis’ devra encore être examiné en intersièges syndicaux avant d’être traduit en convention collective de travail. La fin des négociations portant sur le volet social pourrait donc être pour vendredi, jour où doit se tenir un conseil d’entreprise extraordinaire qui clôturera la procédure Renault sur les licenciements collectifs.

S'ils confirment l'existance d'un texte de compromis, ni la direction de Carrefour, ni les représentants syndicaux n'ont souhaité s'étendre sur le contenu de celui-ci, auquel La Libre a eu accès.

Pré-pension, mutation et crédit-temps

Concrètement, les départs des 1.233 employés prévus par le groupe devraient se faire par le biais de départ en pré-pension pour les personnes âgées de plus de 56 ans au 25 janvier 2018, de départs volontaires, de mutations internes et de crédit-temps fin de carrières à mi-temps pour les plus de 55 ans. Carrefour devra en outre, comme le veut la loi Renault, financer des cellules visant à aider les anciens travailleurs à retrouver un emploi.

En dehors des personnes éligibles à la pré-pension, aux directeurs, aux bouchers, aux boulangers et aux pâtissiers, les départs volontaires concerneront prioritairement les employés des cinq hypermarchés qui seront transformés en Carrefour Market, à savoir Genk, Belle-Ile, Haine-Saint-Pierre, Westerlo et Bruges Sainte-Croix. Les personnes volontaires bénéficieront d’une prime de 135% du préavis légal.

Concernant les mutations en interne, elles se feront auprès des employés travaillant sous un contrat à durée indéterminée.

Création d’un laboratoire social

La direction s’est également engagée à conserver un parc de 39 hypermarchés et un volume d’emploi suffisant jusque fin 2021. De même, aucun employé en CDI ne pourra être licencié pour raison économique en 2022. Quant à la polyactivité, elle fera l’objet d’un test. En effet, Carrefour devrait, selon La Libre, créer un laboratoire social où seront testées la polyactivité des employés et la semaine de quatre jours.

Tout n’est toutefois pas réglé, il faudra encore aux deux parties plusieurs réunions en vue de dégager des idées visant à améliorer les chiffres et générer des économie pour le retailer sans toucher au pouvoir d’achat du personnel. Les syndicats parlent néanmoins d’une victoire.

La N-VA veut s’opposer au protocole d’accord

Mais le protocole se voit compromis. En effet, le modèle des pré-pensions (RCC, régime de chômage avec complément d’entreprise) accordées aux travailleurs de 56 ans et plus doit recevoir l’aval du gouvernement fédéral, mais aussi, selon le cabinet du Ministre fédéral de l’Emploi Kris Peeters (CD&V), des Régions, en vertu de la sixième réforme de l’Etat. Or, entretemps, la N-VA a demandé à Kris Peeters de rejeter la demande de Carrefour d’accorder la pré-pension aux travailleurs âgés de 56 ans. Le parti juge que le fait d’accéder à cette requête serait un très mauvais signal à envoyer aux entreprises et aux travailleurs au moment même où il est question de maintenir les Belges au travail plus longtemps. Pour la N-VA, ce protocole d’accord ne ferait donc que fragiliser la politique du gouvernement fédéral.

De son côté, le Ministre bruxellois de l’Emploi Didier Gosuin (DéFI) estime que seul le gouvernement fédéral doit rendre un avis contraignant sur le sujet. « Les Régions sont compétentes pour l’outplacement en cas de licenciements secs. S’il n’y a pas de licenciements secs, elles n’auront pas d’avis contraignant à émettre et seul le Fédéral aura à se prononcer » souligne-t-il à l’agence Belga. Quant au Ministre flamand de l’Emploi, Philippe Muysters (N-VA), il appelle Kris Peeters à adapter la législation ou à céder la compétence à la Flandre… Le Vice-Premier Ministre Alexander De Croo (Open VLD), enfin, n’est pas convaincu par le départ à la pré-pension des travailleurs de Carrefour et appelle tant Kris Peeters que Philippe Muysters à ne plus se renvoyer la patate chaude et à tout mettre en place pour accompagner les travailleurs vers un nouvel emploi…

« Ne prenez pas les travailleurs de Carrefour en otage! »

Ce micmac politique n’a pas tardé à faire réagir les responsables syndicaux qui appellent les responsables politiques à ne pas prendre les travailleurs de Carrefour en otage. « Depuis 24 heures, certains partis dénoncent le RCC prévu dans le projet de plan social Carrefour et appellent les ministres concernés à prendre leurs responsabilités. Comme organisation syndicale, nous appelons nos responsables politiques à avoir un peu de décence et de respect pour des travailleurs qui subissent une restructuration et à avoir pour une fois du respect pour la concertation sociale » déclare ainsi le SETCa.

Le syndicat rappelle que le projet ne déroge en rien à la loi et que le RCC n’est pas la seule mesure prévue, puisque des crédit-temps fin de carrière (55 ans) sont également prévus afin d'éviter les licenciements. « Il est à noter que cette mesure, par le passé possible à partir de 50 ans, a été durcie par le gouvernement fédéral en reportant celle-ci à 55 ans... Cette mesure permet pourtant de garder les travailleurs à l'emploi à mi-temps (laissant ainsi entre autres l'expertise des travailleurs les plus expérimentés dans l'entreprise). Pour deux crédit-temps mi-temps, c'est un licenciement évité…. » souligne le SETCa

« Nous constatons qu'en ce qui concerne l'aspect contraignant ou pas des avis des ministres régionaux, ces derniers ne semblent pas tous sur la même longueur d'ondes (cf les déclarations du Ministre Gosuin concernant de la cellule pour l'emploi). Pour rappel, la cellule pour l'emploi est fédérale, sous l'égide du ministre de l'emploi compétent à l'endroit du siège social. Les ministres régionaux sont compétents pour l'outplacement » précise encore le responsable syndical.

Le SETCa note en outre que les responsables politiques qui critiquent la mesure ne proposent aucune alternative en cas de restructuration. « Nous savons que la campagne électorale bat son plein, nous appelons donc nos responsables politiques à avoir un peu de décence et de respect pour des travailleurs qui subissent une restructuration et à avoir pour une fois du respect pour la concertation sociale. Mesdames et Messieurs les politiques, prenez vos responsabilités, laissez les possibilités de départ "douces" et légales se dérouler comme convenu dans le projet de plan social. »