On ne parle que de ça: du channel blurring. Chez Jumbo, chez Delhaize à Nivelles, chez Carrefour à Mont-Saint-Jean, chez tout le monde. Delitraiteur s’en saisit avec un concept retravaillé sur mesure pour former un chaînon manquant entre le magasin de proximité premium et le point de restauration rapide de qualité. Le réseau se développe déjà, en misant sur les gares. En attendant d’être bientôt proposé aux candidats à la franchise?

Nous rencontrons Alexandre Terlinden, CEO de l'enseigne, dans le tout nouveau point de vente de Delitraiteur Eat & Go, avenue de l’Université, à Ixelles. “D’où sort donc ce projet?” lui demandons-nous. "L'idée est née il y a trois ans, dans le cadre de nos plans d'expansion en Belgique. Deux pistes nous étaient ouvertes, à partir de la richesse de notre offres en plats préparés, sur lesquels nous avons beaucoup investi. La première était de développer notre concept dans l'environnement du catering d'entreprise. Et nous avons eu de nombreux et intéressants contacts avec les acteurs clefs du ce marché de la restauration collective. Mais cet univers souhaite maintenir des modes de restauration les plus traditionnels possibles, avec des heures de repas bien figées."

La vision et l'offre de Delitraiteur s'adaptent en effet à une toute autre réalité, plus contemporaine, elles laissent au consommateur plus de latitude et de fluidité pour poser ces choix. C'est donc la deuxième piste de développement qui fut retenue, celle de développer à partir de Delitraiteur un autre concept, plus urbain, plus centré aussi sur la consommation sur place, et sur des surfaces inférieures à 200 m2.

C’est la mission dévolue à Delitraiteur Eat & Go, dont nous venons de découvrir la première implantation bruxelloise, au coeur du quartier du Cimetière d’Ixelles, à deux pas du campus du Solbosch de l’ULB, et qui est riche en propositions de restauration. Alors que nous découvrons le lieu, un groupe de jeunes filles rentre et parcourt les rayonnages, avec des commentaires plutôt flatteurs. Mais aussi une référence immédiate: le nom d’Exki, la chaîne de restauration rapide qualitative qu’on ne présente plus, et dont un point de vente est implanté à 30 mètres à peine, sur le même trottoir.

   

Pas un simple décalque d’Exki

Delitraiteur Eat & Go est-il un simple me too de cet énorme succès belge? Ce serait aller trop vite en besogne. Il se trouve que les deux enseignes sont simplement très perméables aux tendances alimentaires de l’époque: saveur, santé, plaisir, sans sacrifier l’efficacité, le temps étant pour les actifs qu’elles ciblent une ressource bien plus précieuse que le budget consacré à un lunch simple mais qualitatif. Elles partagent donc un même esprit de modernité. Mais Alexandre Terlinden se défend de toute confusion: “L’offre est différente. Nous ne sommes pas qu’un espace de restauration, même si celui-ci a beaucoup grandi par rapport à celui qu’on trouve dans nos Delitraiteur. Mais tout comme ceux-ci, Delitraiteur Eat & Go reste un magasin à part entière, où l’on peut trouver un assortiment fidèle à celui d’un Delitraiteur “normal”, mais adapté aux besoins réels de chaque implantation. Et puis certains univers, comme celui du Coffee Corner, sont bien plus développés.”

Venons-en donc aux grands axes du concept et de l’assortiment. Le client Delitraiteur ne sera pas dépaysé: il retrouvera l’esprit qualitatif et chaleureux des matériaux naturels, même si l’exécution s’éloigne des références déco “countryside” du grand frère pour adopter une sobriété plus contemporaine, le tout baignant dans une ambiance musicale lounge. Et l’espace de restauration occupe logiquement une surface bien plus généreuse que celle que lui consacrent les Delitraiteur classiques, compte tenu de la faible part de chiffre d’affaires – 5% –  qu’il y génère.

L’assortiment s’appuie sur la richesse de l’offre Delitraiteur en matière de plats préparés, qui compte 250 références différentes, et toutes très qualitatives. L’enseigne affiche et revendique l’expertise en la matière de ses fournisseurs, qui les composent davantage en artisans qu’en industriels. La définition de l’offre a été mise au point au magasin de Nivelles, la base de la centrale, qui est aussi un magasin un peu hybride, compte tenu de la proximité d’une large zone industrielle. La partie catering y était déjà surdimensionnée: ce sont plus de 400 sandwiches qui s’y vendent chaque jour. On retrouvera donc dans les élégantes baignoires frigorifiques chères à l’enseigne nombre de plats préparés à emporter ou réchauffer sur place, au micro-ondes. Mais de nouveaux pôles, effectivement bien connus dans la concurrence, sont apparus: bar à soupes, quiches chaudes, spécialités libanaises… Et des solutions innovantes devraient faire leur apparition, comme celle des “Points M”, autrement dit des distributeurs automatiques sous formes de meubles “à la jukebox”, permettant de retirer des repas dont le stock physique est en point de vente.

Capsules Nespresso et différenciation sur l’ultra-frais

Un des pôles a bénéficié d’une attention toute particulière: celui du Coffee Corner, développé en partenariat étroit avec Nespresso. La correspondance des images qualitatives et de l’expérience en point de vente a favorisé cette rencontre, et se traduit même par une première, si pas mondiale, du moins belge. Delitraiteur Eat & Go sera en effet la seule enseigne du marché à commercialiser les capsules de Nespresso, en-dehors des canaux propriétaires de la marque. Si ce n’est pas un scoop, what else?

Pour le reste, comme on l’a déjà vu, l’assortiment classique a été recentré sur les références pertinentes, ce qui devrait favoriser la rentabilité. “Il y a un effet mécanique, dès que vous retirez les produits à faible marge, comme par exemple le tabac“ commente Alexandre Terlinden. “Mais il faut alors s’assurer de générer un trafic important.”

Avec Delitraiteur Eat & Go, la filiale du Groupe louis delhaize cherche de nouveaux de leviers de croissance, mais aussi de rentabilité, dans un marché saturé. Si elle a doublé son résultat en 10 ans, il reste encore sous la barre des 60 millions d’euros. Plus que le chiffre pour le chiffre, elle veut surtout miser sur des produits bien valorisés. “Il n’y a pas de miracle,” nous dit Alexandre Terlinden. “Nous nous situons dans une zone prometteuse, celle du channel blurring entre retail et restauration. Il y a d’un côté les Exki, les Paul, les Foodmaker. Et de l’autre, toutes les enseignes retail de proximité. Alors tout le monde, sans exception, bosse là-dessus. Mais c’est aussi un métier à part entière, où nous avons toute légitimité. Et où nous aller de plus en plus loin en particulier sur l’ultra-frais, avec une DLC à 6 jours.

Le réseau bien parti sur les rails

Outre l’augmentation des volumes et le coup d’accélérateur au développement du réseau, Delitraiteur Eat & Go représente également un outil prometteur pour développer la notoriété de l’enseigne, un de ses points faibles avoués. Et la multiplication rapide des implantations est à l’ordre du jour, grâce au partenariat avec SSP, le leader mondial des espaces de restauration dans les gares, aéroports, réseaux autoroutiers. Deux points de vente ont déjà ouvert à la gare de Gembloux, et à celle de Liège Guillemins, en remplacement d’un Panos. Celui de la gare de Bruges ouvrira le 30 novembre. Et des dossiers ont été soumis pour les appels d’offres pour les gares de Bruxelles Midi et Bruxelles Gare Centrale. Enfin, un contrat a déjà été signé à Liège pour un emplacement à passage intense, Place de la République française. Est-ce à dire que ce concept a toutes les chances de se retrouver bientôt proposé aux candidats à la franchise? “Nous allons bien entendu d’abord examiner très attentivement les résultats du parc existant. Mais dès que nous aurons vérifié les niveaux de rentabilité que laissent entrevoir nos études, c’est dans la logique naturelle du projet, oui. Nous ne sommes pas organisés pour développer tout un réseau via des succursales.”

Notre verdict? Delitraiteur Eat & Go a de nombreux atouts. Et autant il est tentant de faire le rapprochement avec Exki, autant ceci ne représente pas à nos yeux un handicap, bien au contraire. Passez une journée à Londres, et comptez-y les propositions de commerce et restauration hybrides qui y fleurissent et y prospèrent sur les mêmes tendances alimentaires. Loin de se concurrencer, elles s’épaulent en faisant entrer dans les moeurs des actifs une nouvelle façon de se restaurer et d’acheter. C’est presque au contraire la sous-représentation de ce segment qui devrait étonner en Belgique. Mais ni Bruxelles, ni Liège, ni Bruges ne sont bien entendu Londres. Chaque emplacement sera donc une autre histoire...