La Belgique compte aujourd'hui 9 supermarchés numériques. Hopr fut le premier, Foodello est le dernier en date. Il y a trois ans à peine, il n'y en avait pas un seul. Le potentiel de la vente de produits alimentaires en ligne est énorme, mais les supermarchés virtuels doivent également relever de grands défis. Qui survivra et qui fera les comptes ?

Commençons par une question digne d’un quiz : combien de commerces alimentaires en ligne “pure players” connaissez-vous dans notre pays ? Quatre, cinq, ou même six ou sept ? Tous ? C’est peu probable. Nous vous livrons la solution sous forme de liste : Crisp, Hopr, Greenweez, Foodello, Kazidomi, Ochama, Rayon, Pieter Pot, Lokkal. Ces enseignes en ligne sont toutes arrivées en moins de trois ans, de juste avant le début de la pandémie à aujourd'hui. Une solide poussée de croissance ! Gerard Scheij, fondateur du supermarché en ligne néerlandais Picnic, avait prononcé des paroles prophétiques lors de la Gala Night de Gondola, en novembre 2019 : "Je n'ai aucun doute sur le fait que, tôt ou tard, un supermarché purement numérique arrivera aussi en Belgique. L'idée fait son chemin si rapidement aux Pays-Bas et en Allemagne qu'il n'y a pas d'autre solution."

Acteurs locaux

Quelques semaines plus tard, Hopr, de l'entrepreneur limbourgeois Stijn Martens, était le premier supermarché en ligne à s’ouvrir dans notre pays. La pandémie a fait le jeu des commerçants alimentaires en ligne. Les gens achetaient davantage en ligne et se familiarisaient avec le système. L'offre était également sous-développée par rapport à l'étranger. Pour ne pas dire inexistante. Toutefois, la nécessaire de disposer de nombreux acteurs en ligne dans une région densément peuplée comme la Belgique reste à prouver. Avec dix supermarchés numériques, la réponse à cette question semble aujourd'hui claire, même si seuls deux acteurs desservent l'ensemble du pays : Rayon et le biospécialiste Greenweez. Pieter Pot, Foodello et Crisp se concentrent sur la Flandre, Kazidomi livre principalement à Bruxelles et dans le Brabant flamand, Lokkal et Hopr visent une zone encore plus restreinte. Le passage à une échelle supérieure est cruciale pour assurer la rentabilité de nombreuses entreprises. Pour les supermarchés numériques de notre pays, ce n'est pour l'instant pas un problème. 

Une part de marché très modeste

L'aspect financier de l’équation soulève de nombreuses questions. Aucun chiffre n'est disponible chez nous, mais aux Pays-Bas, deux importants acteurs en ligne, Crisp et Picnic, sont déficitaires. Le commerce de détail alimentaire en ligne est pour l’instant un secteur financièrement peu ou pas rentable, même pour les acteurs classiques. Ceux-ci perdent souvent de l’argent sur leurs ventes en ligne, mais compensent avec les bénéfices engrangés en magasins. Mais comment font les “pure players” pour survivre ? Il n'existe pas davantage de chiffres relatifs aux parts de marché des acteurs en ligne pour notre pays. Dans le monde, le retail alimentaire en ligne représente une part de marché de 7,2 %, selon un rapport de Kantar, mais ce chiffre inclut l'Asie, où les consommateurs font leurs achats en ligne beaucoup plus volontiers qu'en Europe, et il comprend aussi les webshops des enseignes de supermarchés traditionnels. Le poids des pure players est donc forcément modeste, même, si certains leur attribuent à terme un  potentiel bien plus élevé du gâteau : entre 10 et 20%. 

A la recherche du temps perdu

Les supermarchés en ligne sont aujourd'hui confrontés à deux défis majeurs. Le premier est le déclin des achats en ligne après l’épisode Corona. En 2022, la part des ventes en ligne dans le chiffre d’affaires des supermarchés est en baisse par rapport à l'année précédente. Alors qu'en 2021, 12,6 % de toutes les ventes des supermarchés étaient encore générées en ligne, en 2022, ce chiffre ne dépassera pas 11,4 %, selon une étude de Deloitte. Ceci concerne les supermarchés classiques, mais atteste du reflux constaté au niveau mondial pour les achats alimentaires en ligne. Un avertissement, même si la fédération du secteur, BeCommerce, affirme que la croissance sera au rendez-vous dans les années à venir, puisque la Belgique a encore du retard à rattraper en la matière. 

Le deuxième défi majeur auquel sont confrontés les retailers alimentaires en ligne est l'inflation élevée, qui pousse de nombreux consommateurs à se concentrer sur le prix. Peu de pure players alimentaires en ligne misent sur les prix bas, à l'exception de Foodello, qui vend des produits aux prix fortement réduits que les supermarchés ne peuvent ou ne veulent plus vendre. Ce n'est pas sur l’argument du prix que les supermarchés en ligne font la différence.

En quête d'un modèle viable

Les supermarchés numériques peuvent-ils prospérer au-delà de leur niche ? Amazon a compris qu'il devait également être présent hors ligne s'il voulait jouer un rôle pertinent. L'avenir n'est pas seulement en ligne, mais aussi hors ligne et en ligne. Pour cette raison, le nombre de supermarchés en ligne dans notre pays semble déjà approcher de sa limite maximale et il n'est pas interdit de penser qu'il n'y ait en réalité de place que pour la moitié de ceux qui se sont lancés, au maximum. Ce n'est pas un hasard si certains acteurs ont déjà disparu, tels que Straaly et les livreurs express Dingdong et Gorillas, ni même si le supermarché en ligne chinois Ochama n'a pas aujourd'hui la vie facile. L'année à venir devra montrer quelle est la raison d'être des commerces alimentaires en ligne dans notre pays et comment ils parviennent à construire un modèle commercial rentable.