De plus en plus de voix s’élèvent aux Pays-Bas pour qu’on mette un frein aux livraisons ‘next day’ dans l’e-commerce. La livraison le lendemain de la commande donne lieu à des excès dans les centres de distribution. Le travail de nuit prend des proportions inquiétantes et les conditions de travail s’y dégradent à un rythme rapide.

C’est une émission télé de la NOS qui a mis le feu aux poudres fin avril. Elle a interrogé bureaux d’intérim, des syndicats, des économistes et des salariés de centres logistiques. Il en ressort que la course aux livraisons le lendemain mène à des horaires irréguliers, une fatigue excessive et des salaires insuffisants.

Selon le bureau néerlandais de la statistique CBS, il y aurait désormais 732.000 personnes travaillant de nuit aux Pays-Bas. La hausse de la demande a été observée essentiellement dans les centres d’e-fulfilment où les commandes placées online sont traitées, emballées et expédiées. Par ailleurs, on a noté une hausse de 80% en deux ans des offres d’emploi dans les centres de distribution, dont bon nombre pour le travail de nuit. Ces emplois sont souvent remplis par des étudiants et par des travailleurs est-européens travaillant en tant que travailleur détaché pour le compte de bureaux d’intérim basés eux aussi en Europe de l’Est.

“Ces milliers de travailleurs de nuit  travaillent souvent à l’appel, sans contrat fixe, sans assurances, sans plan de pension et sans horaires fixes”, constate par exemple Bernard van Praag, professeur émérite d’économie à l’université d’Amsterdam. Dans une tribune libre dans le Volkskrant, il ne ménage pas ses critiques quant à ses pratiques. “Dans le cas des étudiants, un tel job ne me paraît pas propice à leurs résultats scolaires”, ajoute-t-il.

Après-demain

Van Praag compare les conditions de travail dans les centres de distribution néerlandais à celles du 19e siècle. “Or dans la plupart des cas, il n’y a aucun problème si la livraison se fait le surlendemain au lieu du lendemain. Je propose donc de modifier la loi sur les horaires de travail (Arbeidstijdenwet) et d’interdire ce travail de nuit inutile. De la sorte, on créerait des conditions de concurrence égales entre les sites marchands”, prône-t-il. Il reconnaît toutefois que les webshops néerlandais sont souvent en concurrence avec des sites étrangers. “La solution devra dès lors venir du niveau européen”. Selon lui, cette réglementation devrait prévoir certaines exceptions, pour les médicaments par exemple. Dans ces cas pareils, il faudrait appliquer des tarifs express spéciaux.

“Nous aurons toujours besoin de travail de nuit, par exemple pour approvisionner les supermarchés. Mais supprimons le travail de nuit pour les webshops, car il n’a aucune valeur ajoutées pour la société”, conclut-il.

Nombreuses réactions

Dans un pays où les sites marchands ont fait de la livraison le lendemain de la commande une arme concurrentielle majeure, le plaidoyer du professeur émérite provoque bien sûr de nombreuses réactions. Bon nombre de Néerlandais craignent que leurs sites marchands auraient encore plus difficile à concurrencer des géants comme Amazon ou Zalando. Leurs craintes ne sont pas infondées : Zalando a choisi les Pays-Bas plutôt que la Belgique justement en raison de la possibilité de travailler avec du personnel logistique détaché pendant la nuit.

Prévoir une option

Sur Twitter, les réactions à la proposition d’interdire le travail de nuit sont principalement négatives. Il y toutefois également bon nombre de réactions en faveur de l’introduction d’un bouton permettant d’indiquer lors de la commande que la livraison n’est pas urgente qu’elle peut se faire le surlendemain.

Une autre proposition formulée est d’obliger les webshops à prévoir une option « traitez ma commande sans travail de nuit ». Cette option pourrait d’ailleurs plaire aux sites marchands, car elle rendrait moins chère la livraison.