Ces derniers temps, Monizze, émetteur de titres-repas, éco-chèques et chèques-cadeaux électroniques, a tour à tour lancé une série d’innovations dont il a la primeur grâce à un ancrage local et une stratégie claire. Ainsi, son app intègre désormais diverses services, dont Skip-Q permettant de commander et payer son lunch avant d’aller le retirer sans avoir à faire la file. De même, il est désormais possible de garder un oeil sur le montant restant de titres-repas via l’application de la banque KBC. L’occasion pour nous de rencontrer Jean-Louis Van Houwe, son CEO.

Jean-Louis Van Houwe, pourriez-vous nous dresser un bref état des lieux de votre société?

Ces dernières années, nous avons boosté l’organisation interne et augmenté l’effectif. Aujourd’hui une cellule de 5 personnes est dédiée à l’affiliation. Parallèlement, nous travaillons toujours avec une dizaine d’acteurs intermédiaires comme CCV, Worldline ou encore Ingenico. Aujourd’hui, notre réseau d’acceptation de titres-repas est presque parfait. Comme c’est le cas pour les autres acteurs, certains indépendants restent encore à convaincre, mais ils se font rares. Le fait que la Belgique soit passé au 100% électronique et l’introduction de la caisse blanche ont permi à notre message de se voir mieux accepté. Il est aujourd’hui bien plus simple qu’auparavant d’accepter les titres-repas. Concrètement, nous étendons de 30 à 50% notre réseau d’acceptation chaque année. Bientôt, nous devrions donc plafonner. D’ici la fin de l’année, nous devrions disposer de 20.000 points d’acceptation. A côté de ce travail sur les affiliés, nous nous concentrons aussi sur la mise en place d’accords avec des associations telles qu’Unizo, UCM, Comeos, etc. Et bien sûr également sur la demande des bénéficiaires. Notre part de marché est aujourd’hui de plus de 15%. D’ici la fin de l’année, nous emploierons plus de 40 personnes. Il y a de quoi être fier d’avoir pu monter une boîte à partir de zéro dans un marché à monopole.

Quelle stratégie poursuivez-vous en matière de titres-repas? Et comment cela se passe-t-il dans la pratique?

Nous en revenons à l’utilité initiale des titres-repas: faciliter l’accès aux offres lunch. On a par exemple travaillé sur l’application Monizze afin qu’elle rappelle au bénéficiaire qu’il est possible de faire usage des titres dans des établissements horeca proches de son lieu de travail durant sa pause déjeuner.  La question que se posent nos bénéficiaires est claire: comment déjeuner de façon intelligente? Et nous tentons sans cesse d’y répondre. Cela passe notamment par des associations avec des fintech. Nous avons récemment intégré Skip-Q à notre application, qui permet de commander et payer son lunch via l’app. On peut ensuite aller le chercher sans avoir à faire la file ni à payer à la caisse. Mais on travaille aussi avec Localimus par exemple ou encore One2Three et sommes en cours de discussion avec des acteurs comme Ubereats ou Deliveroo.

 

Nous avons également développé un outil d’intelligence artificielle qui offrira au bénéficiaire de réelles recommandations en phase avec lui. Pour ce faire, nous récoltons de nombreuses informations via l’opt-in, la géolocalisation, les préférences, etc. Cet outil est aujourd’hui encore en phase de learnings, en vue de récolter les informations les plus pertinentes possible. Le sommet de la pyramide devrait être atteint d’ici 1 ou 2 mois. Cette phase est d’une haute importance. Les bénéficiaires des titres sont comme vous et moi : ils font des achats sur Amazon et autres mastodontes rois en matière de personnalisation. C’est en ça que nous nous distinguons de nos concurrents qui restent pour l’instant plus traditionnels, faisant la promotion des titres via des folders ou autres, là où nous nous concentrons sur le lunch et la technologie.

Cela semble plus compliqué en matière d’éco-chèques…

Il faut partir d’une question similaire. Ce que le bénéficiaire recherche avec ses éco-chèques, c’est de réaliser des achats éco-responsables. Pour l’instant, notre mission est d’éduquer le consommateur. Avec nos pairs, par l’intermédiaire de VIA, nous avons étendu la liste de produits disponibles avec éco-chèque et en avons facilité la lecture. La première phase est donc une phase d’éducation. Quant à la seconde, nous y travaillons. Il s’agit de projets visant à faciliter le choix, notamment grâce aux préférences des utilisateurs. Cela n’a jamais été réellement fait par le passé. Si on sait par exemple qu’un bénéficiaire privilégie l’achat de produits de bricolage, nous pouvons, via ce que la majorité fait, lui poser la question “avez-vous pensé à cela?”. C’est un travail en cours.

Quant aux chèques cadeaux, il s’agit d’une autre expérience: se faire plaisir ou faire plaisir à ses proches. Nous réfléchissons à comment l’aider dans cette quête. Bien entendu, notre premier focus reste le titre-repas qui représente un montant total 2,2 milliards d'euros en Belgique, contre 300 à 400 millions pour les éco-chèques. Mais cela ne signifie pas que nous négligeons ce secteur. Il nous faut décliner la stratégie du titre-repas au sein des autres cellules.

Vous travaillez également avec le monde bancaire, pourquoi?

Nous avons en effet intégré la carte Monizze dans l’application bancaire de KBC, et sommes en cours de discussions avec d’autres acteurs. Les titres-repas par exemple sont un revenu supplémentaire pour le consommateur qui en bénéficie. Il est donc important qu’il puisse en un coup d’oeil gérer la totalité de ses revenus. Qui sait, demain pourra-t-il payer aussi ses repas via son application Bancontact ou Payconic avec Monizze.

Notre vision est claire: Monizze ne décide pas comment le bénéficiaire gère ses cartes. C’est au bénéficiaire de décider comment il le fait. Pour cela, il faut lui offrir un vaste choix. C’est essentiel si l’on veut s’assurer qu’il utilise ses titres: il lui faut un réseau étendu et des usages étendus.

Y a-t-il encore des freins à l’utilisation de vos produits?

En passant au 100% électronique en 2015, les freins à l’utilisation des titres-repas ont pour ainsi dire disparu. Le taux de titres inutilisés a été divisé par 10 par rapport au papier. Il nous faut aujourd’hui nous concentrer sur la création de valeur ajoutée. Cela passe notamment pas le fait de stimuler le commerce local. Nous avons une chance: notre ancrage est belge et nous ne subissons aucun dictat d’autres pays. Nous pouvons nous appuyer sur des acteurs locaux.

Le consommateur d’aujourd’hui recherche du sens et le fait de stimuler le commerce local a de nombreuses propriétés écologiques le lui permettant. L’achat local est essentiel dans sa recherche de sens.

Le débat sur l’éco-chèque a encore fait rage ces dernières années…

Le ramdam politique porté par deux parlementaires en 2017 nous a mis des bâtons dans les roues, notamment en matière de réseau d’acceptation… Ca a été très difficile de prospecter à ce moment-là. Nous avions connu un boost peu avant, et ensuite un relatif plat. Cette année, nous reboostons donc la prospection… Cela tiendra tant que la politique ne s’en mêle pas… C’est un challenge. Mais il y en a d’autres. Lorsque l’on pense à l’écologie, on pense très vite à la mobilité. Or, à ce jour, aucun service de transport en commun en dehors de la SNCB (Tec, De Lijn, Stib) n’accepte encore l’eco-chèque dans sa version électronique.

Il est également nécessaire de mettre en place un cadre légal en vue de passer ici aussi au 100% électronique. Il est aberrant que l’éco-chèque, qui prône donc l’achat éco-responsable, soit encore distribué sous forme papier. Aujourd’hui, plus de 50% des éco-chèques sont sous le format électronique. Nous devons passer au 100%! Et pour cela, il est important que le politique ne souffle pas le froid et le chaud.