Ils sont plus âgés, mais restent une force avec laquelle il faut compter. Et pourtant, les quinquagénaires et sexagénaires sont traités en parent pauvre par les marketeurs et spécialistes en communication, estime Filip Lemaitre de la plate-forme de recherche et consultance The Silver Ones.

Les stratégies actuelles de marketing et de communication sont axées sur les trentenaires et les quadragénaires, affirme Filip Lemaitre, lui-même dans la cinquantaine. Il a fondé la plate-forme de recherche et de consultance The Silver Ones, qui conseille les entreprises sur la manière de s’adresser aux quinquagénaires et aux sexagénaires. Il déplore la manière dont les marketeurs et les experts en communication traitent ce groupe. “À partir de 55 ans, vous avez droit au ‘marketing gériatrique’, comme je l’appelle. Vous recevez des offres pour des voyages à Benidorm, des appareils auditifs, des produits pour incontinence et des vélos électriques. Cette dernière proposition est sans doute la seule qui tienne la route. Les quinquagénaires et les sexagénaires ne se sentent pas l’âme de seniors et ne veulent pas être traités comme tels. Et pourtant, cela arrive tous les jours. Cette approche est mauvaise et dépassée.”

Les quinquagénaires et sexagénaires d’aujourd’hui sont-ils donc si différents de ceux d’hier ?

Absolument. Le célèbre skater Tony Hawk approche de la cinquantaine. Flea, le bassiste des Red Hot Chili Peppers, a 55 ans. Il est inconcevable de communiquer avec cette génération de la même manière qu’avant. Ces personnes ne se sentent pas vieilles ou refusent carrément de vieillir. Si on leur fait comprendre dans une communication qu’elles ne sont plus toutes jeunes, elles décrochent. Le cycle de vie comprend désormais une phase supplémentaire, aux contours encore flous. J’appelle ses représentants les ‘silver ones’.

Qu’est-ce qui les caractérise ?

C’est précisément la question que tout le monde devrait se poser, y compris dans le retail. Il y a encore beaucoup de choses à apprendre à leur sujet. Une question essentielle à cet égard est : quelle jeunesse ont-ils eue ? C’est à cette période que la plupart des préférences culturelles et éthiques se forment. Par exemple : ils n’ont pas connu la dance électro et les mégadiscothèques des années 80. Tomorrowland, ça les dépasse complètement. Ils ne côtoient pas ce genre d’endroit. Ceci mis à part, et là je vais généraliser, il y a de grandes chances que leur hypothèque soit remboursée, que les enfants aient quitté le nid et que leur pouvoir d’achat soit relativement élevé.

Ce marché recèle donc un beau potentiel pour les entreprises.

Effectivement. Il y a de bonnes affaires à faire pour quiconque fait l’effort de comprendre ce consommateur. Un petit exemple : au sein des couples mariés, l’homme est en général trois à quatre ans plus âgé que son épouse. Cela signifie qu’il prend sa retraite trois ou quatre ans avant elle, et qu’il joue dès lors un rôle plus important dans le ménage. Les distributeurs ne doivent donc plus vendre de produit de lessive à la femme mais à l’homme de la maison. Mais combien de retailers en tiennent compte ? Ce groupe se développe et ses dépenses augmentent. Nous parlons à présent des baby-boomers, mais d’ici dix ans, ce sera au tour de la Génération X d’entrer dans cette phase.

Privilégient-ils davantage la qualité que les autres catégories de consommateurs ?

Ils sont plus critiques vis-à-vis de la qualité. Mais je préfère me montrer prudent quant à la richesse des quinquagénaires et des sexagénaires. Une grande partie de leur patrimoine est investie dans l’immobilier. Cette richesse est aussi très inégalement répartie. Nombre d’entre eux surveillent leurs dépenses. Le prix reste dès lors un paramètre important. Mais c’est une réalité que ce sont plutôt les quadragénaires et les quinquagénaires qui s’achètent une Tesla, et non les jeunes dans la vingtaine ou la trentaine qui ne peuvent qu’en rêver.

Quelle est leur position vis-à-vis de l’e-commerce ?

Ils n’ont pas grandi avec les ordinateurs, ce qui les différencie clairement des autres générations, mais ils ont conscience de leurs avantages. Plus de la moitié des quinquagénaires shoppent en ligne, même si le gros des Belges privilégient toujours le supermarché physique. L’e-commerce est un important outil pour les personnes plus âgées qui souhaitent continuer à vivre de manière autonome lorsque leur mobilité diminue. C’est très important pour elles. Elles ne sont que 1 % – un pour cent ! – à vouloir finir en maison de retraite. La possibilité d’effectuer leurs courses en ligne et de les faire livrer à domicile leur permet de conserver plus longtemps leur indépendance.