Wink, l'enseigne drive créée en décembre 2013 par le groupe louis delhaize, ferme ses portes. Une nouvelle que nous a confirmée son CEO, Cédric Antoine, mais que nous avons choisi de ne pas publier prématurément, afin de laisser à l'enseigne l'occasion d'en informer d'abord tous ses collaborateurs et clients, qui devraient être servis jusqu'à la mi-juillet. Seul véritable pure player du drive entrepôt, Wink n'a pas réussi à trouver en Belgique un accueil aussi favorable à ce type de circuit que celui dont jouissent en France Leclerc ou Auchan.

 

Un pure player du drive entrepôt

A son apparition, en décembre 2013, Wink constitua une véritable surprise. Jusqu'alors, c'est sur le modèle du point de retrait en magasin, ou accolé à un magasin que se développait l'offre belge en matière de drive. Pour les clients e-commerce des enseignes alimentaires, seules deux formules existaient: celle de la livraison à domicile ou celle de l'enlèvement de la commande en magasin. Dans ce dernier cas, la formule drive ajoute un bénéfice confort pour le client, qui ne doit plus quitter son véhicule. En s'identifiant aux bornes du drive, il avertit un membre du personnel, qui vient lui livrer sa commande. Côté coulisses, le processus du drive, lorsque celui-ci est greffé sur un magasin traditionnel, est suboptimal. C'est en effet un membre du personnel du magasin qui se charge de préparer chaque commande via picking en rayon. Même si ce travail est guidé et assisté par un terminal mobile, il reste assez lent et donc coûteux, puisqu'il mobilise un collaborateur pour chaque commande. En France, le pays où le drive a trouvé une audience et une part de marché sans équivalent dans la distribution mondiale, ce sont au contraire les enseignes qui ont misé sur le drive dit "solo" (ou entrepôt) qui obtiennent les meilleurs résultats: Leclerc survole ce circuit drive, avec près de 50% de PDM, devant le pionnier de la formule, Auchan.

C'est une telle formule que Wink choisit de mettre en place chez nous en 2013, puisque c'est elle qui offre, en cas de réponse favorable du consommateur, les meilleurs gages d'efficacité opérationnelle et de rentabilité. Un choix courageux, que seul imitera Carrefour drive sur un point d'enlèvement à Waterloo (d'ailleurs éphémère). Dès l'ouverture de Wink, à Nossegem et à Wavre, sur des périmètres judicieusement voisins de zones de bureaux et d'axes routiers importants, on est convaincu par l'exécution plus que soignée. L'outil de travail et le service sont à la hauteur des meilleures pratiques observées chez les champions du drive solo en France, le processus est très fluide, le délai de commande bien plus court que chez les concurrents, et la préparation de la commande est gratuite, alors qu'elle est facturée forfaitairement ailleurs.

Un double défi

Si Wink ne manque pas d'atouts, on comprend aussi dès cette époque que l'enseigne relève un double défi.  Elle doit essuyer les plâtres d'un mode de shopping - le drive entrepôt - totalement méconnu chez nous, et elle doit aussi le faire à partir d'une marque nouvelle, sans pouvoir s'appuyer sur la notoriété acquise par les autres enseignes d'un groupe qui en compte déjà beaucoup, avec Cora, Match, louis delhaize et Delitraiteur. Wink multiplie donc les initiatives de communication locale pour se faire connaître là où elle est implantée. Et construit bientôt d'autres solutions capables de démultiplier sa zone de chalandise et gonfler son chiffre d'affaires. Avec ses drive-entrepôt, l'enseigne ne dispose pas seulement d'un outil efficace pour préparer rapidement une commande à enlever sur place: il est tout aussi apte à préparer des commandes passées sur le net, et qui seront livrées à domicile dans certaines zones géographiques précises en Belgique, en s'appuyant soit sur les ressources de filiales de bpost, Citydepot (à Bruxelles) et Bringr, soit sur une distribution assurée par ses propres soins.

La plus belle promesse de Wink, c'était celle d'offrir à ses clients davantage de temps, avec un délai de réaction très court, et sans le pénaliser sur les frais. Le taux de satisfaction de la clientèle - 90% - prouve que Wink n'a pas démérité sur le service. Mais le temps était aussi la ressource la plus critique pour l'enseigne drive. En 2013 comme en 2018, aucune enseigne alimentaire belge ne parvient encore à atteindre la rentabilité avec ses formules e-commerce. Si la croissance de ce circuit de vente progresse, son chiffre d'affaires reste probablement trop modeste en part de marché (1%) et valeur absolue que pour rentabiliser les frais de fonctionnement d'une configuration pure player 100% dédiée au drive. Sans doute les solutions de picking en magasin adoptées par de nombreux distributeurs du marché ne sont-elles pas optimales en termes de productivité. Mais elles tirent en revanche parti de la disponibilité des équipes du magasin auquel est accolé le point d'enlèvement, et qui ne sont pas sollicitées de façon aussi régulière ou intensive par leur mission de base, selon le jour ou l'heure. Tant que le taux d'utilisation du service reste relativement modeste et que les délais de disponibilités promis ne sont pas trop courts, il reste possible d'absorber le picking dans le planning de travail. Les enseignes peuvent donc attendre que ce circuit se développe de façon significative avant d'appuyer sur l'accélérateur. Wink, bâtie toute entière autour du drive, n'avait pas ce luxe. Pour réussir, il lui fallait non seulement se faire connaître, mais aussi espérer que le circuit du drive recrute rapidement de nombreux adeptes, sur les arguments qui sont les siens.

 

Manifestement, le fruit n'était pas mûr, dans un marché belge où la densité commerciale offre déjà au consommateur l'embarras du choix en termes de proximité et de confort. Il est assez logique que le groupe louis delhaize en tire les conséquences et débranche la prise, lui qui doit prioritairement remuscler Match et Cora. On saluera pourtant, tout comme on le fit pour Red Market, l'aventure d'une enseigne pionnière, construite avec grand soin, et dont les équipes n'ont ménagé ni leurs efforts ni leur imagination pour tâcher de trouver des solutions capables de doper le débit. C'est toujours triste, une enseigne qui s'éteint. Et c'est bien sûr dommage de voir s'évanouir l'expérience acquise en quatre ans et demi d'activité sur un circuit, l'e-commerce, qui reste encore à dompter par les retailers. Mais on comprend une décision qui évite l'acharnement, et on accepte avec d'autant plus de respect l'échec d'une initiative que celle-ci avait le mérite de l'audace.