La nouvelle loi adoptée le 21 mars dernier entrera sous peu en vigueur. Si elle ne vise pas spécifiquement le secteur de la distribution, elle pourrait pourtant bien y avoir une importance toute particulière, en voulant prohiber les rapports de force entre partenaires économiques.

Le parlement a adopté le 21 mars dernier une nouvelle loi introduisant de nouvelles règles dans le Code de droit économique. Elle vise à encadrer les pratiques entre entreprises, dans la sphère B2B, en particulier sur deux types de problématiques: l’abus de dépendance économique, et la présence de clauses abusives. Rédigée dans des termes généraux, cette loi n’a probablement pas jusqu’ici recueilli toute l’attention qu’elle mérite. Or, elle pourrait concerner, dans la distribution, une foule de situations où intervient un rapport de force. Le législateur cite quelques exemples d’abus de dépendance économique: refus d’achat ou de vente, imposition des prix, traitement inégal des partenaires économiques, subordination de la conclusion des contrats à l’acceptation de prestations sans rapport avec l’objet de ceux-ci... Quant aux clauses abusives, la loi dresse entre autres une “liste noire” de clauses d’office considérées comme abusives, parce qu’installant entre les partenaires économiques un rapport de forces déséquilibré.

Dans la carte blanche qu’il a rédigé pour Gondola, le Ministre fédéral des Classes moyennes, des Indépendants, des PME, de l'Agriculture et de l'Intégration sociale Denis Ducarme (MR),  nous livre un exemple très concret du champ d’application de cette loi, en évoquant une meilleure protection des propriétaires de magasins indépendants et des fournisseurs contre les grandes enseignes du commerce. En dépit du peu d'attention a accordé jusqu’ici à cette actualité dans la presse, la nouvelle loi n'est par exemple rien moins qu'une petite révolution dans les relations entre franchiseurs et franchisés. Le Ministre Ducarme évoque entre autres les clauses de non-concurrence souvent imposées dans les contrats de franchise, lorsque l’indépendant souhaite changer de chaîne partenaire. Il n’est pas rare que le commerçant se voie imposer une période de six mois à un an avant de pouvoir reprendre son activité sous une nouvelle enseigne. « Outre le fait que le commerçant indépendant se voit refuser un revenu pendant cette période, il risque également de perdre la clientèle qu'il a constituée au fil des ans. Interdire à un franchisé de continuer à exploiter son magasin après la résiliation de son contrat peut être considéré comme une clause abusive", déclare le ministre.

Les clauses qui sont imposées illégalement et qui peuvent être considérées comme une entrave au marché peuvent être sanctionnées par l'autorité de concurrence par des amendes pouvant atteindre 2 % du chiffre d'affaires annuel. Aujourd'hui, les petites et moyennes entreprises et les indépendants n'osent souvent pas faire valoir leurs droits parce qu'ils craignent une réaction du franchiseur ou du client dont ils dépendent. En vertu de la nouvelle loi, l'autorité de la concurrence pourra recevoir leurs plaintes et mener des enquêtes. L'inspection économique elle-même recherchera d'éventuels abus. Le ministre des PME peut agir de concert avec le ministre de l'Économie et le pouvoir judiciaire peut mettre fin aux clauses illégales dans les contrats entre franchiseurs et franchisés.

L'avocat Grégory Sorreaux du cabinet d'avocats bruxellois Thales constate qu'il y a aujourd’hui beaucoup d'agitation dans le secteur de la distribution autour de cette nouvelle législation. « Il y a beaucoup de questions au sujet de la loi et de son application. Et franchement, plus j'assiste à des colloques à ce sujet, plus j'ai moi-même des questions. Il est impossible de dire dans quelle direction elle ira, même s'il est clair qu'il y aura davantage de plaintes de fournisseurs ou de commerçants indépendants qui estiment être soumis à des conditions injustes. Il est malheureux que personne n'ait prévu que la loi serait aussi large. Les clauses abusives - une partie importante de la loi - n'ont pas été discutées, contrairement au règlement sur la dépendance économique, qui est en cours depuis des années. En outre, il existe également une directive européenne, la Food Supply Chain, qui recoupe en partie cette loi. Nous risquons aujourd'hui d'avoir en Belgique une loi plus stricte et plus restrictive que dans d'autres pays. L'autorité de concurrence a déjà indiqué qu'elle n'était pas entièrement satisfaite de sa nouvelle tâche et qu'elle ne ferait pas preuve de trop de zèle. En d'autres termes, il y a beaucoup d'incertitude ».

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La Carte blanche de Denis Ducarme, Ministre des Classes moyennes, des Indépendants, des PME, de l'Agriculture, et de l'Intégration sociale, chargé des Grandes villes, au sujet de la réforme du Code de droit économique.

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