Il y a eu Albert Heijn, il y aura bientôt Jumbo. Les supermarchés néerlandais s’orientent toujours plus vers le marché belge. Pourquoi fonctionnent-ils si bien chez nous? Et pourquoi les supermarchés belges ne font pas un pas vers le marché néerlandais?

Pourquoi les supermarchés néerlandais ont-ils un accès si aisé en Belgique, tandis que l’arrivée de Colruyt et Delhaize sur le marché hollandais ne s’est jamais concrétisée? Cette question était sur toutes les lèvres lors de la soirée des Personality of the Year awards. « L’une des principales raisons est sans aucun doute que les retailers hollandais sont plus gros que les retailers belges » explique Pierre-Alexandre Billiet, expert retail et marketing chez Gondola. « Ce qui rend le marché belge attractif, c’est que les produits se vendent ici plus chers. En moyenne, les prix sont 11% plus élevés. Cela rend l’ouverture de magasins plus rentable pour des chaînes néerlandaises, d’autant qu’ils n’ont pas à supporter l’ensemble des coûts en Belgique ».

Un autre facteur entre en compte: les coûts élevés de la main-d’oeuvre dans notre pays. Ils représentent 60% des coûts totaux dans le secteur du retail. Or les chaînes néerlandaises organisent leurs achats et la logistique depuis les Pays-Bas, et non la Belgique. De quoi économiser quelque peu… « La Flandre est si bien située géographiquement pour eux qu’il est facile de desservir les magasins depuis des centres de distribution situés aux Pays-Bas. En travaillant ainsi, ils ont un avantage en matière de structure des coûts par rapport aux retailers belges. A cela s’ajoute la guerre des prix qui fait rage chez nos voisins, leur permettant d’acheter des produits bien moins chers que leurs concurrents belges. C’est un point très controversé dans les centrales d’achats internationales, mais c’est un fait que nul ne peut ignorer » précise Pierre-Alexandre Billiet. « Pour toutes ces raisons,  il est plus évident pour les chaînes néerlandaises de se développer en Belgique, que cela n’est le cas pour les Belges aux Pays-Bas. De même, qu’il y a plus de marge de croissance pour eux ici que dans leur pays d’origine ».

Mais ce n’est pas tout: pensons aussi au prix de l’immobilier. « Les prix de l’immobilier commercial sont en moyenne 5 à 8% moins chers qu’aux Pays-Bas », explique Pierre-Alexandre Billiet. « Il est donc d’autant plus attrayant de venir s’implanter chez nous. Et en raison du fort taux de vacance, les retailers disposent aujourd’hui de nombreuses opportunités d’entrer sur un marché autrefois exclusif ». Gerard Zandbergen de Locatus note en effet que le taux de vacance en Belgique est bien plus élevé qu’aux Pays-Bas. « En Belgique, 10% des bâtiments commerciaux sont vides, contre 7% aux Pays-Bas. Ce qui est étrange, c’est qu’en Belgique, on continue de construire dans un marché en baisse. Les vieux bâtiments ne sont pas réutilisés. Dans les meilleures emplacements, on observe toujours une hausse de la pression sur les prix, mais dans 80 à 90% des cas, cette pression diminue ».