Peu d’entreprises déclarent aussi ouvertement la guerre au plastique que  SodaStream, le fabricant israélien de cet appareil capable de transformer chez soi l’eau du robinet en eau gazeuse. Johan Schepers, General Manager de SodaStream Benelux, nous en dit plus sur les ambitions de l’entreprise et son rachat par PepsiCo.

 

Selon une étude de GfK, un Belge six utilise aujourd’hui un appareil SodaStream. Si cela semble énorme, Johan Schepers estime que le potentiel de croissance est loin d’être épuisé : « Nous voulons qu’à l’instar de la machine à café, du mixeur ou du grille-pain, SodaStream fasse partie de l’équipement standard d’une cuisine. Le problème est que la perception de l’eau du robinet n’est pas à notre avantage. Selon nous, elle est saine, surtout en Belgique. Mais elle est aussi un peu insipide. Nous essayons de l’améliorer en la changeant en eau pétillante et en ajoutant des arômes. » Mais tous les Belges n’ont pas la même perception de l’eau du robinet. Une enquête commandée par SodaStream en février 2017 démontre que 35% d’entre eux n’en consomment jamais car ils n’ont pas confiance en sa qualité.

 

Il y a donc du pain sur la planche ?

 

Absolument. La perception de l’eau du robinet est une donnée essentielle pour nous. Une personne qui ne la juge pas saine ou n’en aime pas le goût ne deviendra jamais cliente SodaStream. Nous travaillons sur cette image. Il est un fait que l’eau du robinet est plus contrôlée que l’eau de source et qu’elle est plus écologique que celle commercialisée en bouteilles PET. Toutefois, il ne faut pas sous-estimer l’impact du marketing : l’eau de source bénéfice d’une véritable aura car, présentée comme un produit 100% naturel, elle est, aux yeux du consommateur, forcément saine. Elle est devenue très tendance alors qu’il n’existe pratiquement aucune différence avec l’eau du robinet. L’an dernier, nous avons réalisé un test à Anvers : nous avons fait goûter à l’aveugle à un panel de consommateurs huit eaux de source différentes et leur avons demandé de désigner celle qu’ils avaient l’habitude de boire. La majorité a désigné sans hésiter un verre précis alors que tous contenaient la même eau du robinet.

 

Quel est le potentiel du marché belge ?  

 

Nous pensons que nous devrions pouvoir atteindre le même taux de pénétration que dans les pays scandinaves où environ 27% des personnes utilisent SodaStream. Mais l’objectif ultime est de devenir un appareil de base de la cuisine, à côté du grille-pain et du mixeur. Aujourd’hui, nous ne sommes plus seulement distribués dans les magasins d’électro-ménager, nous le sommes aussi chez Carrefour et dans tous les magasins Spar. C’est un sérieux pas en avant. Nous négocions avec le Colruyt Group pour être distribués par davantage de magasins encore. Les food retailers ont une vision encore très classique de leur assortiment mais les mentalités évoluent.

 

Quels sont vos arguments ?

 

Dans le monde entier, toutes nos campagnes tournent autour du fait que nous sommes LA solution aux emballages en plastique. Nous martelons un message on ne peut plus clair : « If you can’t reuse it, refuse it. » On sait qu’il faut 450 ans au plastique pour être totalement décomposé mais savez-vous combien de bouteilles PET une famille avec deux enfants produit en un an, petits et grands formats confondus ? Près de deux mille ! C’est énorme et poursuivre dans cette voie est totalement insensé. C’est comme si prenions notre voiture pour nous rendre un week-end à la côte et qu’une fois arrivés sur place nous la précipitions dans la mer. Nous devons agir de manière beaucoup plus responsable avec nos emballages. C’est notre argument principal. Au-delà, il y a les aspects liés à la commodité et la santé.

 

SodaStream a été racheté par PepsiCo.

 

A l’heure où nous parlons le rachat n’est pas encore finalisé. Les actionnaires de SodaStream doivent avaliser le retrait du marché boursier et le rachat par PepsiCo. Nous nous attendons à ce que l’annonce officielle soit faite en décembre.

 

Il est assez paradoxal que vous soyez repris par un concurrent pour la raison  qu’il produit lui-même des bouteilles PET et que, de ce fait, il devrait être l’un de vos plus gros concurrents.

 

Je conçois que cela puisse paraître étrange. Mais selon moi, cela témoigne aussi très clairement de ce que les grandes entreprises ont compris qu’elles ne peuvent pas continuer comme elles le font actuellement. Elles savent très bien que, tôt ou tard, une alternative apparaîtra. Elles le savent d’autant mieux que les consommateurs et même l’ONU la réclament avec force. La durabilité est une chose qu’elles doivent embrasser d’urgence.

 

Un fossé s’est creusé avec les producteurs de Chaudfontaine, Evian, Vittel, Perrier, Spa et Bru qui ont poursuivi SodaStream en justice pour des  campagnes qu’ils jugent humiliantes pour les consommateurs utilisateurs de bouteilles en plastique.

 

Effectivement, mais le tribunal nous a donné raison sur toute la ligne estimant que notre message – s’attaquer à la problématique de la consommation de bouteilles en plastique – était socialement pertinent. Il a également estimé que nos campagnes sont humoristiques et non trompeuses. C’est une victoire retentissante mais il est clair que les grands acteurs du secteur ne nous aiment pas car non seulement nous écornons leur image mais nous grignotons leurs parts de marché. Nous envisageons aujourd’hui de déposer nous-mêmes une plainte contre eux car nous avons arrêté notre campagne dès le dépôt de la plainte. Cela nous a coûté très cher et nous n’avons pas pu toucher autant de consommateurs qu’espéré. Nous  demandons une indemnisation de 10 millions d’euros dont nous avons l’intention de faire don à la Plastic Soup Foundation qui lutte contre la pollution par les plastiques.