Le secteur bio est en plein boom, au plus grand bonheur des producteurs et des retailers. Avec son nouveau magasin urbain anversois et les ouvertures programmées en Wallonie, Bio-Planet entend séduire des consommateurs de tous bords à travers la Belgique. Mais que cache cette stratégie ? Nous avons rencontré Jo Ghilain, business unit manager de Bio-Planet, un interlocuteur particulièrement bien placé pour nous parler des tenants et aboutissants du secteur bio.

 

Le secteur bio est en plein essor. Comment expliquez-vous ce succès ?

 

Nous avons effectivement connu une croissance remarquable ces dernières années et je m’attends à ce qu’elle se poursuive. Les gens sont plus soucieux que jamais d’une consommation consciente, d’une vie saine et, surtout, d’un vivre ensemble durable. Ils aspirent à un mode de vie plus équilibré et choisissent donc délibérément des produits bio et sains. C’est à coup sûr l’un des principaux facteurs du succès de notre secteur. Au-delà de l’aspect santé, la transparence joue également un rôle essentiel. Les consommateurs entendent avoir davantage de contrôle sur la chaîne et veulent savoir si ce qu’ils achètent a été produit de manière durable et surtout équitable. Ils sont nombreux à s’interroger sur la fiabilité des produits et, cet égard, le bio, qui est strictement contrôlé et certifié, leur apporte toute les assurances nécessaires. En outre, ils savent que la qualité des produits bio est toujours garantie. Je suis donc convaincu que le bio a un avenir.

 

Selon les statistiques, les parts de marché du bio sont plus importantes en Wallonie qu'en Flandre. D'où vient cette différence ?

 

Cela tient, selon moi, à deux éléments. D’une part, je pense que le travail de sensibilisation est plus fort en ce moment en Wallonie. D’autre part, la Wallonie possède plus de terrains agricoles disponibles, contrairement à la Flandre qui est nettement plus urbanisée. Il est donc tout à fait normal que la production bio soit plus développée au sud du pays. Je tiens également à souligner qu’il n’est pas facile pour un agriculteur d’investir dans l’agriculture bio. Pour obtenir la certification bio, il doit passer par un processus qui dure trois ans. Pour certains secteurs agricoles, cette période de conversion est très longue et c’est pourquoi Colruyt Group les soutient en proposant déjà des produits de reconversion dans ses magasins. Ces produits ne sont pas encore certifiés, mais ils le seront dans un délai de 2 à 3 ans.

 

Connaissant l'engouement wallon envers le bio, Bio-Planet projette-t-il de s’y investir encore davantage ?

 

Absolument. Nous avons actuellement 7 magasins en Wallonie et nous avons l’intention d’y poursuivre notre développement. C’est ainsi que nous ouvrirons un magasin à Verviers avant la fin de cette année et un autre à Liège début 2019. A ce stade, il est difficile de dire combien nous pourrions encore en ouvrir. Le potentiel est clairement là, mais avant toute nouvelle implantation, il faut considérer la densité de population. Il est clair qu’il existe des opportunités dans les régions importantes. Nous opterons pour le concept qui a fait ses preuves : des magasins de périphérie de 500 à 650 m².

 

Vous évoquiez les différences entre les consommateurs wallons et flamands. D’une manière plus générale, le bio-consommateur n’a-t-il pas changé ces dernières années ?

 

Vous avez raison. Par le passé, le bio-consommateur était une personne qui achetait par conviction. Mais au vu de la multiplication des scandales et des crises alimentaires – souvenez-vous de la crise de la dioxine – de nombreux consommateurs ont exigé de pouvoir contrôler la chaîne de fabrication des produits pour être sûrs de consommer ‘durable et fiable’. Les craintes par rapport à ces crises et scandales se sont apaisées et le profil du bio-consommateur a changé. On a davantage affaire à des consommateurs qui entendent vivre plus ‘consciemment’ et optent pour le bio en raison de la qualité, de la naturalité et de la saveur des produits. D’autres le font pour des raisons liées à des problèmes de santé. Je songe notamment à des personnes qui souffrent d’intolérances alimentaires. Il existe toujours un groupe de ‘convaincus’, mais on constate clairement aujourd’hui que les principales motivations à acheter bio sont avant tout liées à la saveur des produits et à la volonté de mener une vie plus saine. Au-delà, ils montrent aussi leur préoccupation pour l’environnement et, plus largement, pour l’avenir de la planète. Désormais, les personnes qui mangent bio, végétarien ou végétalien ne sont plus considérées comme des bêtes curieuses. Le bio est devenu mainstream. Voyez les cartes des restaurants : ils sont nombreux à proposer des plats végétariens ou végétaliens. On peut certainement parler d’une évolution importante.

 

Le public-cible s’est donc élargi. Cela signifie-t-il que d’autres besoins sont apparus ?

 

Effectivement. Avant tout, les consommateurs attachent plus d’importance à un meilleur accompagnement dans leur recherche de la bonne information. Il y a tellement d’informations disponibles qu’ils ne savent souvent pas par où commencer. Ils réclament donc de l’aide pour effectuer des choix adaptés à leurs besoins. Nous le faisons avec notre magazine mensuel, un outil qui nous permet de les informer et de leur inspirer des recettes. Le second besoin touche à la confiance et à la transparence. Nous nous attachons à raconter l’histoire qui se cache derrière le produit. Dans notre magazine, par exemple, nous donnons la parole aux producteurs pour qu’ils expliquent la manière dont ils travaillent. Nous organisons également des dégustations. La transparence passe aussi par la mention claire de tous les ingrédients qui composent un produit. En cas de doute, le personnel de magasin dispose d’un assistant numérique qui les renseigne sur la composition exacte des produits. Les clients y ont également accès via notre application SmartWithFood. Par ailleurs, nous observons l’intérêt croissant de nos clients pour des produits locaux et de saison. Il existe de nombreuses initiatives locales telles que la cueillette dans les jardins ou les ventes à la ferme, des alternatives auxquelles nous invitons nos clients à participer. C’est dans ce cadre que nous cherchons à établir de nouveaux partenariats. Enfin, comment ne pas évoquer l’aspect commodité. Tout doit être plus rapide et plus simple. Les gens veulent des plats préparés ou on-the-go. Nous en avons dans notre assortiment. Pour beaucoup de nos clients, le fait qu’une collation soit bio constitue un plus.

 

Le public cible de Bio-Planet a évolué au fil du temps mais qu’en est-il de votre stratégie ?

 

Notre stratégie a forcément évolué. De ‘100% bio’, elle devenue ‘consommation responsable’. Si la labellisation est importante, le produit doit également répondre à des standards élevés en termes de qualité et de goût. Pour nous différencier de la concurrence, nous proposons des produits d’une qualité que l’on ne retrouve pas ailleurs. Nous espérons également élargir notre public avec un nouveau concept, à savoir des magasins urbains.

 

Votre premier magasin urbain vient en effet d’ouvrir ses portes à Anvers. Pourriez-vous nous en dire plus sur votre volonté de sortir de votre zone de confort ?

 

A l’heure actuelle, tous nos magasins sont situés en périphérie. Rien de rédhibitoire en soi, mais nous constatons que cela restreint notre public-cible. Si beaucoup de citadins apprécieraient de faire leurs courses chez nous, la localisation de nos magasins les en empêche. A Louvain, par exemple, de nombreux clients renoncent à venir jusque chez nous en raison des embarras de circulation. C’est regrettable. C’est pour ne pas passer à côté de ce public, mais aussi parce que nous pressentons le potentiel des centres-villes que nous avons décidé de les réinvestir. A Anvers, nous avons eu la chance de trouver une grande surface libre – près de 600 m² – ce qui nous permet de proposer une gamme complète et de tester la validité de notre concept dans un centre-ville. Nous pensons évidemment que les centres-villes recèlent un gros potentiel. Reste à savoir quel concept sera le plus adapté. Il est très difficile de trouver en ville des surfaces commerciales de 600 m² avec des parkings en suffisance. De plus, il n’est pas acquis que le public soit séduit par d’aussi grandes surfaces. Si nécessaire, nous étudierons d’autres approches, d’autres concepts. Pour l’instant, nous ne pouvons qu’attendre les réactions du public anversois et, sur cette base, éventuellement nous adapter pour répondre pleinement aux attentes et aux besoins des citadins. Si, par exemple, la clientèle souhaite davantage de produits de commodité ou on-the-go, nous mettrons tout en œuvre pour la satisfaire.

 

Un magasin urbain doit faire face à davantage de concurrence.

 

C’est vrai, mais je pense que nous devons d’abord nous concentrer sur nos clients plutôt que sur nos concurrents. Si nous voulons gagner la confiance des clients, il est important de porter un récit fort. Comme je l’ai déjà indiqué, il s’agit de les informer, de les inspirer et de leur raconter l’histoire qui se cache derrière chaque produit. Nous devons également ambitionner de toucher le public le plus large possible, ce qui signifie que nous voulons aider les consommateurs à consommer plus consciemment. Aujourd’hui, beaucoup le souhaitent mais n’y parviennent pas. Si nous leur facilitons le choix, je crois que nous pouvons en atteindre et en convaincre davantage de faire leurs achats chez nous.

 

En guise de conclusion, Bio-Planet a-t-il encore d’autres projets concrets dans ses cartons ?

 

Pas concernant les magasins urbains, nous ambitionnons évidemment d’en ouvrir d’autres après celui d’Anvers, mais il faudra d’abord attendre les résultats de celui-ci. Par ailleurs, nous projetons de porter à 50 le nombre de magasins – qui est actuellement de 28 – à raison de 3 ouvertures par an. Bien entendu, nous nous investirons davantage dans le digital et l’e-commerce. Pour le moment, nous travaillons avec un système Collect&Go qui dessert 80 points d’enlèvement, mais nous allons en augmenter le nombre ainsi que celui des magasins – 6 pour l’instant – où les commandes sont assemblées.  

 

Cet article est un extrait d'un plus large dossier paru dans le Gondola Magazine de mai-juin. Vous n'êtes pas encore abonné? Cliquez ici!