“Cette année, nous comptons réduire la taille de l’assortiment de 20 à 25%”... “Nous voulons réduire la gamme mais pas le choix offert au consommateur”... “Nous voulons réduire l’assortiment tout en développant notre offre Private Label”... Voici rassemblés quelques propos récents recueillis auprès de retailers de référence en Europe et aux Etats-Unis. Derrière ces déclarations, les distributeurs expriment leur souci de trouver les moyens de réduire les coûts tout en améliorant les marges grâce à leur offre Private Label. Mais quelle est la réalité au niveau du point de vente: les réductions d’assortiment annoncées y sont-elles vérifiées? Et, plus important encore, comment le consommateur réagit-il à ces changements?

Les retailers ont annoncé vouloir réduire la taille de leurs assortiments... et ils ont tenu parole ! En 2009, la tendance s’est manifestée chez de nombreux retailers, à l’image de Mercadona en Espagne et Walmart aux Etats-Unis, qui l’ont réduit de 12%. Le phénomène est plus modeste dans d’autres pays et chez de nombreux retailers: 2,9% dans les magasins Asda, et à peine 0,6% de l’assortiment chez Tesco. En France, on parle d’une réduction de 0,5% en hypers, et 2,5% en supermarchés. De façon générale, le niveau de réduction reste assez faible chez la plupart des retailers européens, et certains de ceux-ci, après avoir fait quelques erreurs, sont prêts à faire marche arrière et réintroduire des références récemment disparues. Walmart et Asda ont ainsi proposé à quelques grands producteurs de ramener certains de leurs produits en rayon, chaque fois que la perte de revenus, ou pire encore, la perte de shoppers devenait trop pénalisante.

La contraction de l’assortiment profite aux PL. Cette réduction d’assortiment, relativement modeste, cache pourtant la plupart du temps un développement soutenu de l’offre Private Label. Nielsen a récemment pu faire la démonstration en France, grâce à ses benchmarks Assortman®, qu’au moment où la réduction d’assortiment se situait autour de -0,5%, l’offre de références Private Label en magasin s’étendait pour sa part de plus de 13%. Et ce développement s’y constatait dans plus de 85% des catégories, permettant au marché Private Label d’atteindre en France une part de marché de 30% du total FMCG, confirmant une progression ininterrompue au cours des 13 dernières années. En Grande-Bretagne, la part de marché atteint au même moment 47%, mais elle recule au contraire depuis trois ans. Chez Mercadona, en Espagne, l’assortiment global a été réduit de 12%, mais celui des seules marques A atteint le chiffre impressionnant de -25%: il y a désormais davantage de références PL que de marques A dans l’assortiment de ce distributeur.

...mais les résultats sont mitigés. Les études Assortman® menées en Europe et aux Etats-Unis livrent un résultat inattendu, en montrant qu’une réduction de l’assortiment de 1% se traduit par... un impact négatif (-0,4%) sur les revenus du magasin ! Les magasins français ayant réduit leur assortiment total ont subi en moyenne une contraction de leurs revenus de 3%. Dans 50% des cas où le nombre de références Private Labels a été accru, la catégorie a perdu des revenus, ce qui tend à mettre en évidence un haut niveau de saturation de l’offre PL en linéaire. Pour 50% des catégories, l’expansion des Private Labels ne devrait donc pas se prolonger, les retailers et les producteurs devant y travailler au développement d’innovations capables de soutenir la croissance. De nombreuses études ont en effet montré que, même en période de récession, le consommateur reste toujours prêt à accueillir favorablement une innovation pertinente.

Quelques grandes lois... Les catégories à haute fréquence d’achat sont celles où les PL ont plus de légitimité, et où elles peuvent encore étendre leur offre: le consommateur est davantage enclin à “switcher” et essayer un nouveau produit dans une catégorie qu’il visite fréquemment. Si le produit PL est convaincant, le shopper renouvellera l’achat, surtout si le différentiel de prix avec la marque nationale est important. Autres catégories où ce phénomène de “switch” vers les PL est plus probable: celles où le niveau d’investissement marketing est plus faible. La pression publicitaire et l’activité promotionnelle protègent les marques.

Quand il s’agit de réduire l’assortiment, il est important de distinguer deux types de catégories: dans certains cas, le shopper veut un type de produit à l’intérieur de la catégorie, dans d’autres, il cherche un produit spécifique appartenant à la catégorie, et la contraction de l’offre est plus facile et moins risquée dans le deuxième cas.

Faire des choix. Dans la plupart des pays européens, les marques nationales représentent encore 60% à 80% de l’assortiment total, et plus de 50% des revenus. En 2010, la pression exercée par les retailers sur les marques se renforce, et les fabricants doivent se préparer à la négotiation. Il leur faut accepter - et ils le font en général - qu’il n’est plus possible de lister le catalogue complet de leurs produits, que des choix doivent être faits. Ils doivent très bien préparer leurs “assortment reviews”, prendre des décisions audacieuses, et parfois délister spontanément certaines références avant que les retailers ne prennent cette décision à leur place: les études Assortman® menées en Europe indiquent qu’il est préférable pour un fabricant de supprimer une variété ou un parfum qu’un format. Enfin, il faut penser en termes d’innovation, le véritable moteur des marques et le carburant nécessaire à la croissance. Il est important de ne pas freiner l’innovation en temps de crise, et les études montrent que les compagnies continuant à investir en conjoncture difficile se rétablissent ensuite cinq fois plus vite que celles qui ont coupé les budgets de développement de nouveaux produits.

Une collaboration nécessaire? Réduire l’assortiment - ou l’étendre - est une tâche importante qui doit faire l’objet d’échanges entre retailers et producteurs. Elle doit prendre en compte de nombreux paramètres: réduction des coûts et des stocks, préservation et croissance des marges et du trafic en magasin. La construction des gammes est une pièce maîtresse du puzzle; elle peut avoir un effet à long terme sur les revenus des catégories - pour prendre la perspective des retailers - et sur ceux des marques - pour prendre celle des fabricants-.