A peine quelques jours après sa nomination au poste de CEO Delhaize Belgique et Luxembourg, Denis Knoops eut la lourde tâche d'expliquer à un parterre de journalistes le plan de transformation qu'entend entreprendre le distributeur dans notre pays. Pas moins de 14 points de vente propres non-rentables fermeront leurs portes. Ceci représente 10% de la totalité du parc de Delhaize Belgique (138 supermarchés propres). 2.500 emplois seront mis sur la sellette au cours des 3 prochaines années

Belgique : marché le plus concurrentiel d’Europe

"La crise a fondamentalement modifié le comportement d'achat de nos consommateurs", explique d'emblée le tout nouveau CEO rappelant que le marché belge est aujourd'hui très certainement devenu le marché le plus concurrentiel d'Europe. Celui-ci note en effet qu'en Belgique, on dénombre aujourd'hui 8 retailers (6 internationaux et 2 locaux), là où aux Pays-Bas on en dénombre 5 (3 locaux, 2 internationaux) et en Suisse 4 (2 locaux et 2 internationaux). Selon Delhaize, les acteurs internationaux, qui plus est, sont plus à même de tirer parti des avantages d'échelle et de coûts.

L'arrivée de nouveaux acteurs, pensons ici à Albert Heijn, et l'évolution constante du discount ont donné un coup d'accélérateur à la croissance d'une concurrence déjà rude. Ceci a dès lors donné lieu à une pression supplémentaire sur les volumes et la part de marché du groupe. Entre 2010 et 2013, la rentabilité de Delhaize Belgique a chuté de 30% (mis en rapport avec les revenus). En magasins propres, cette chute de rentabilité atteint même -78%. Une baisse qui se poursuit au premier trimestre de 2014.

Coûts salariaux 33% plus élevés que chez AH

Outre la concurrence accrue, Denis Knoops note l'impact d'un handicap de coût important et croissant en termes de conditions salariales et de travail. "Nous avons par le passé fait des choix stratégiques volontaires que nos concurrents n'ont pas fait". Parmi ceux-ci, un assortiment plus important, une hausse de l'effectif, une hausse de la qualité mais aussi des conditions de travail et des rémunérations plus élevées qu'ailleurs.

Par heure, un employé de Colruyt coûte ainsi 16% moins cher, un employé de Carrefour 22% moins cher et un employé d'Albert Heijn 33% moins cher. Or cette hausse des coûts salariaux ne fut pas reflétée dans une hausse des prix. Comment dès lors est-il possible que le coût du personnel soit aussi élevé chez Delhaize? Selon le distributeur, le premier facteur serait celui de l'ancienneté: les employés travaillant toujours plus longtemps au sein du groupe, ceux-ci coûtent plus cher. Chez Carrefour qui connut, il y a peu, une restructuration, le personnel s'est rajeuni. Lidl, Aldi et surtout Albert Heijn étant présents depuis moins longtemps, la conclusion est identique. Outre ce facteur, Delhaize évoque les pauses payées (non appliquées chez ses concurrents). Un facteur évalué à 7% de différence de coût.

« Nous devrons également revoir les conditions salariales de la totalité de nos collaborateurs (cadres et ouvriers non-compris, Ndlr.). Celles appliquées aujourd’hui sont insoutenables dans la durée. Il est encore temps aujourd’hui de réagir ».

Comment Delhaize entend réagir ?

"Depuis 2012, Delhaize a réalisé des investissements pour redevenir LE supermarché préféré des Belges. Notre stratégie s'est axée sur le renforcement de l'identité (qualité des produits, assortiment frais, service clientèle, rapport qualité-prix,…). Il s'agit là d'un premier pas, mais il faut aujourd'hui aller beaucoup plus loin en vue d'assurer un avenir à notre groupe. C'est la raison pour laquelle nous investirons 450 millions d'euros entre 2015 et 2017. Ces investissements concerneront nos magasins propres (rénovations,…), nos associés (formations), nos prix et bien sûr l'e-commerce", explique  Denis Knoops.

Depuis 2009, le budget des formations du personnel a doublé (2009: 10,6 millions, 2013: 20,3 millions). Les investissements en point de vente ont également fortement augmenté (2010-2011: 58 millions, 2012-2013: 85 millions). "Ces mesures ont permis au groupe d'améliorer la satisfaction du consommateur. Toutefois, il faut poursuivre notre stratégie. Nous entendons introduire une structure plus légère et plus efficace quant à nos magasins propres, intégrer des procédures et des méthodes de travail plus efficientes et augmenter notre attention sur les nouvelles technologies. Nous devrons également revoir les rémunérations et conditions de travail ainsi que mettre un terme aux activités de 14 supermarchés propres".

La fermeture de ces 14 points de ventes concerne environ 800 emplois. Au total, le plan de transformation devrait toucher 2.500 emplois (2.100 équivalents temps plein) sur un total de 14.878 collaborateurs (dont 900 cadres et 2.500 ouvriers non-concernés par cette mesure).

« Nous comprenons l’impact personnel et émotionnel que cette annonce aura sur nos collaborateurs, leurs familles et l’ensemble de la population. Je m’engage à éviter par tous les moyens en notre possession les licenciements secs. Nous étudions toutes les options possibles et serons aussi transparent que possible avec nos partenaires sociaux. Je tiens à rappeler qu’il s’agit aujourd’hui d’une intention. Si elle se confirme toutefois, le licenciement collectif débutera dès le premier trimestre de 2015 », soutient le CEO. Ces licenciements sont, selon Delhaize, nécessaires en vue d’assurer un avenir au distributeur en Belgique.